Le dépistage et le traitement des infections latentes sont un des moyens de lutte contre la tuberculose. Les stratégies classiques de dépistage sont aujourd'hui remises en question par l'apparition sur le marché de nouveaux tests sanguins de production d'interféron gamma. Leur place par rapport aux tests cutanés à la tuberculine est cependant loin d'être consensuelle.
LA TUBERCULOSE reste aujourd'hui une des principales causes de morbi-mortalité dans le monde. Les programmes de contrôle de la tuberculose incluent, bien sûr, le traitement des sujets malades, mais aussi le dépistage efficace des sujets infectés à risque de développer la maladie et le traitement de ces formes latentes de tuberculose, chez l'enfant comme chez l'adulte.
Le dépistage des tuberculoses latentes (définies par un patient asymptomatique et une radiographie pulmonaire normale) se justifie dans les situations à risque d'infection, au premier lieu desquelles se situent les expositions prouvées à un cas de tuberculose pulmonaire. Il comprend classiquement la réalisation d'un test cutané à la tuberculine. Cependant, ces dernières années se sont développés de nouveaux tests sanguins de dépistage de l'infection tuberculeuse : les tests de production d'interféron gamma (IFNg). Ces tests sont basés sur le principe que les lymphocytes T mémoire, préalablement sensibilisés à des antigènes tuberculeux, produisent des concentrations élevées d'interféron gamma, lorsqu'ils sont réexposés aux mêmes antigènes. Cette libération d'IFNg est détectée in vitro par des méthodes ELISA ou ELISPOT.
La place de ces tests sanguins par rapport à l'intradermoréaction à la tuberculine, dans le dépistage des tuberculoses latentes chez l'enfant, n'est pas encore clairement définie. Le problème majeur dans l'élaboration d'une stratégie consensuelle est l'absence de « gold standard » concernant les infections tuberculeuses latentes.
Un seuil de spécificité de l'intradermoréaction de 15 mm chez les sujets vaccinés.
Si l'intradermoréaction manque de spécificité, notamment chez les sujets vaccinés par le BCG, les tests de production d'IFNg ne sont pas affectés par une vaccination préalable et ont montré dans différentes études une sensibilité variable mais élevée. A première vue, il semblerait y avoir un bénéfice potentiel important à leur utilisation à la place des tests cutanés, chez les enfants vaccinés par le BCG. Cependant, les études comparant les deux outils de dépistage dans cette population sont limitées et l'interprétation de leurs résultats est moins évidente qu'il n'y paraît.
L'interprétation des tests cutanés à la tuberculine chez les enfants vaccinés n'est pas entièrement consensuelle. Malgré tout, une induration supérieure ou égale à 15 mm de diamètre est généralement considérée comme un bon critère de dépistage des tuberculoses latentes. Une métaanalyse récente a confirmé qu'une induration supérieure à 15 mm était liée à une infection latente plutôt qu'à la vaccination, avec une spécificité évaluée globalement à 98 % (1). La sensibilité de ce seuil de 15 mm serait comprise entre 75 et 83 %. Les quelques études ayant comparé les tests cutanés aux tests sanguins IFNg chez des personnes vaccinées, en tenant compte de ce seuil de 15 mm, ont retrouvé des spécificités respectives très proches. Et plus le seuil retenu est élevé, plus cet écart de spécificité se réduit (2). Il a même été démontré récemment, la possibilité d'un défaut de sensibilité des tests IFNg dans la détection des individus ayant une réaction au test cutané à la tuberculine ≥ 15 mm, en dépit d'un statut vaccinal BCG négatif (3).
Un groupe de travail européen sur le sujet des tests de dépistage a récemment suggéré que la réalisation d'un test cutané à la tuberculine, suivi d'un test IFNg, pourrait être une approche optimale en cas de contage tuberculeux, pour le dépistage des cas index (4). Chez les enfants vaccinés, cette approche apparaît particulièrement intéressante en cas de résultats au test cutané compris entre 10 et 15 mm, zone dans laquelle les tests IFNg ont démontré une spécificité bien supérieure à celle des tests cutanés. Il faut cependant tenir compte du fait que la réalisation d'un test à la tuberculine peut entraîner la positivation de tests IFNg, dans les semaines suivant l'intradermoréaction, par stimulation de la sensibilité, sans que cela soit synonyme d'une infection récente. En revanche, la pratique d'un test sanguin le jour de l'administration ou de la lecture du test cutané n'en affecte pas les résultats (5).
Une stratégie complexe.
Le dernier point devant être soulevé est que, si les tests cutanés à la tuberculine échouent à distinguer les infections récentes des infections anciennes, il semble que ce défaut soit aussi partagé avec les tests sanguins. Ainsi, dans des situations de large exposition d'une communauté à Mycobacteria tuberculosis, les tests cutanés et sanguins sont également positifs chez la majorité des adultes sains contrôlés (6, 7).
L'élaboration d'une stratégie adéquate dans le dépistage des tuberculoses latentes en cas de contage demeure difficile. Dans l'exploration des cas index, différentes stratégies doivent être considérées, en fonction des différents groupes de patients et de leurs facteurs de risque d'infection.
Communication du Pr Christophe Delacourt, chef de service de pédiatrie au centre hospitalier intercommunal de Créteil. (1) Wang L, Turner MO, Elwood RK, Schulzer M, Fitzgerald JM. A meta-analysis of the effect of the Bacille Calmette Guerin vaccination on tuberculin skin test measurements. Thorax 2002 ; 57 : 804-9.
(2) Hotta K et al. Whole blood interferon-gamma assay for baseline tuberculosis screening among Japanese healthcare students. PloS ONE 2007 ; 2 : e803.
(3) Arend SM et al. Comparison of two interferon-gamma assays and tuberculin skin test for tracing tuberculosis contact. Am J Respir Crit Care Med 2007 ; 175 : 618-27.
(4) Drobniewski F, Cobelens F, Zellweger JP. Use of Gamma-interferon assays in low- and medium-prevalence countries in Europe : a consensus statement of a Wolfheze Workshop organized by KNCV/EuroTB, Vilnius sept 2006. Euro Surveill 2007 ; 12 : E070726 2.
(5) Leyten EM et al. Effect of tuberculin skin testing on a Mycobacterium tuberculosis-specific interferon-gamma assay. Eur Respir J 2007 ; 29 : 1212-6.
(6) Lawn SD et al. Utility of interferon-gamma ELISPOT assay responses in highly tuberculosis-exposed patients with advanced HIV infection in South Africa. BMC Infect Dis 2007 ; 7 : 99.
(7) Pai M et al. Mycobacterium tuberculosis infection in health care workers in rural India : comparison of a whole-blood interferon-gamma assay with tuberculin skin testing. JAMA 2005 ; 293 : 2746-55.
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