AUJOURD'HUI, le traitement des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) répond à deux objectifs principaux : réduire la sévérité et la durée des poussées et obtenir une cicatrisation de la muqueuse complète et durable grâce à un traitement de fond. Dès le diagnostic de la maladie, le traitement a pour objectif de rendre au patient une qualité de vie le plus proche possible de la normale, en limitant la survenue de poussées ultérieures.
Dans la maladie de Crohn, il s'agit d'éviter, en laissant évoluer des lésions muqueuses à bas bruit, que ne se constituent des lésions irréversibles – sténoses et fistules – conduisant à la chirurgie. En effet, actuellement, le risque de subir une résection intestinale à 20 ans d'évolution de la maladie est de 80 % pour les patients atteints de la maladie de Crohn.
Un autre bénéfice attendu du traitement de fond optimal des MICI est la diminution du sur-risque de cancers coliques, en agissant sur la séquence : inflammation chronique-dysplasie de bas grade-dysplasie de haut grade-cancer invasif.
Après échec du traitement de fond conventionnel.
Il existe aujourd'hui trois anti-TNF ayant été évalué dans les MICI, mais seulement deux d'entre eux ont l'autorisation de mise sur le marché dans cette indication en Europe. Il s'agit de l'infliximab (Rémicade) et de l'adalimumab (Humira). Le troisième, le certolizumab pégol, n'a, pour le moment, l'AMM qu'aux États-Unis.
Pour le traitement des poussées les plus sévères des MICI, seul l'infliximab est indiqué du fait de sa plus grande rapidité d'action. Il peut être proposé dans la maladie de Crohn, après échec de la corticothérapie intraveineuse associée à la nutrition parentérale exclusive. Dans la recto-colite hémorragique (RCH), la place respective de l'infliximab et de la ciclosporine, après échec de la corticothérapie intraveineuse, fait actuellement l'objet d'études cliniques.
En première intention, le traitement de fond conventionnel de la maladie de Crohn fait appel aux thiopurines (azathioprine et 6-mercaptopurine), alors que, dans la RCH, les dérivés 5-aminosalicylés (5-ASA) sont un traitement efficace de première ligne, les thiopurines étant un choix de deuxième ligne. Quant au méthotrexate, il s'agit d'une molécule de deuxième ligne dans le Crohn, et il est en cours d'évaluation dans la RCH.
Au sein de cet arsenal thérapeutique, les anti-TNF trouvent leur place lorsque le traitement conventionnel a échoué. Les premiers intitulés des AMM indiquaient que l'infliximab et l'adalimumab étaient recommandés après échec des corticoïdes et des immunosuppresseurs. En 2006, une modification des AMM a élargi leurs indications à l'échec des corticoïdes ou des immunosuppresseurs, ouvrant la possibilité de prescrire les anti-TNF sans avoir tenté le traitement par thiopurines. Cependant, une bonne partie des leaders européens et américains continuent, aujourd'hui encore, de se conformer aux premières AMM et de prescrire les anti-TNF après échec des thiopurines.
Des voies d'administration différentes.
Le choix entre les deux anti-TNF disponibles en Europe dépend de nombreux critères. Bien qu'il n'existe pas d'essai comparatif entre les deux molécules, leur efficacité semble équivalente à travers les métaanalyses et ne constitue pas actuellement un critère de choix, à l'exception d'une forme clinique particulière de la maladie de Crohn. En effet, seul l'infliximab possède actuellement l'AMM dans les formes perforantes, caractérisées par des ulcérations transpariétales aboutissant à la constitution de fistules et de multiples abcès de la sphère ano-périnéale.
En revanche, le délai d'action, la convivialité du traitement, la toxicité ou encore la survenue d'une immunisation peuvent intervenir dans la décision du traitement. L'infliximab s'administre en perfusion intraveineuse à l'hôpital ou en clinique, tous les deux mois, après un traitement d'induction de 3 perfusions en 6 semaines. L'adalimumab, qui se caractérise par un délai d'action plus long, se présente sous forme de stylos pour injections sous-cutanées pouvant être réalisées par le malade lui-même, tous les 14 jours. Lors de la survenue d'une immunisation chez un patient, aboutissant à une perte progressive d'efficacité dans un délai imprévisible pour un malade donné, il est possible de changer de molécule, afin de conserver un traitement efficace le plus longtemps possible.
Un risque infectieux majoré par l'association aux immunosuppresseurs.
La toxicité des anti-TNF est une toxicité de classe et réside principalement dans les risques d'infections opportunistes et de cancers. Concernant la survenue d'infections sévères, il est démontré que les risques ne s'additionnent pas, mais se multiplient, en cas d'association entre plusieurs immunosuppresseurs. Or, actuellement, la question de l'efficacité des anti-TNF utilisés en monothérapie n'est pas encore résolue. L'infliximab s'utilise volontiers au début avec un autre immunosuppresseur afin de minimiser le risque d'immunisation. Un essai clinique (étude SONIC), dont les résultats vont paraître dans les prochains mois, a comparé l'efficacité de l'infliximab seul, de l'association infliximab-azathioprine et de l'azathioprine seule. L'adalimumab n'a pas fait l'objet d'étude clinique comparant son efficacité seul ou associé, mais des résultats de sous-groupes d'essais précédents ont montré qu'il pouvait être prescrit en monothérapie.
L'augmentation du risque de cancer sous anti-TNF n'est actuellement pas connue. Si la grande cohorte prospective nationale CESAME va prochainement permettre de donner une réponse définitive sur le niveau de risque de lymphomes sous azathioprine, il n'existe actuellement pas de cohortes suffisamment nombreuses de patients traités par anti-TNF en monothérapie, permettant d'étudier le risque carcinologique propre aux anti-TNF.
* D'après un entretien avec le Pr Laurent Beaugerie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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