Risque cardio-vasculaire du diabétique de type 2
LES MALADIES cardio-vasculaires sont la première cause de décès chez le diabétique de type 2 ; le diabète a un impact aussi lourd qu'un premier accident ischémique. Dans l'étude prospective finlandaise East West Study, au terme des sept ans de suivi, chez les diabétiques qui avaient un antécédent d'IDM, l'incidence d'infarctus a été plus de deux fois plus élevée que celle des coronariens non diabétiques (45 %, contre 20,2 % ; p < 0,001). De même, les diabétiques sans antécédent coronarien avaient une incidence d'IDM légèrement supérieure à celle des non-diabétiques ayant déjà présenté un premier IDM (20,2 %, contre 18,8 %). De plus, chez les non-diabétiques sans antécédent coronarien, l'incidence a été près de sept fois inférieure à celle des diabétiques sans antécédent coronarien (3,5 %, contre 20,2 %). Ces résultats ont été confirmés par un autre travail, analysant les données du registre Oasis (Organization to Assess Strategies for Ischemic Syndromes) qui inclut des données prospectives de six pays. Si le risque relatif (RR) est de 1 chez les non-diabétiques non coronariens (ND/NC), il est de 1,99 chez les diabétiques non coronariens, de 1,71 chez les non-diabétiques non coronariens et de 2,88 chez les diabétiques coronariens.
Ce niveau élevé de risque cardio-vasculaire amène à s'interroger sur les modalités de la prise en charge de la dyslipidémie chez le diabétique de type 2, et notamment sur la place à donner aux statines chez les sujets à haut risque vasculaire. La plupart des essais menés avec ces méicaments ont inclus des patients diabétiques ou ceux qui sont devenus diabétiques au cours de l'étude, ce qui a permis d'analyser l'efficacité thérapeutique dans ces sous-groupes. La majorité d'entre eux ont montré l'efficacité des statines, pour réduire les événements cardio-vasculaires, aussi bien chez les diabétiques que chez les non-diabétiques. Il s'agit notamment des études de prévention secondaire 4S et Care, et de l'étude en prévention primo-secondaire HPS, qui a été menée sur 20 536 patients à haut risque cardio-vasculaire dont 5 963 diabétiques traités par simvastatine. Elle montre une diminution du risque de survenue d'événements cardio-vasculaires qui varie selon que les malades ont ou non un antécédent cardio-vasculaire : elle est de 11,8 % dans le premier cas et de 25,8 % dans le second. L'étude Cards, menée avec l'atorvastatine, est la première à porter spécifiquement sur la prévention primaire chez le diabétique sans antécédent cardio-vasculaire (n = 2 838). Dans cet essai, le traitement a entraîné une réduction des taux d'événements cardio-vasculaires, allant de 31 % pour les accidents coronaires nécessitant une revascularisation à 48 % pour les AVC. En revanche, l'analyse des sous-groupes de diabétiques dans d'autres études (ASCOT-lipides, LIPID ou ALLHAT-LLT) n'a pas fait apparaître de bénéfice des statines. Dans certaines, la baisse de la cholestérolémie n'était peut-être pas suffisante.
De nouvelles cibles.
D'où l'intérêt d'évaluer le bénéfice de fortes doses, objectif de l'étude TNT, qui mesurait l'opportunité de faire baisser le LDL en dessous de 1g/l. Dix mille hommes et femmes en prévention secondaire ont été inclus dans cet essai et randomisés en deux groupes : atorvastatine 10mg/j, pour atteindre 1 g/l de LDL, ou atorvastatine 80 mg/j, pour atteindre l'objectif de 0,75 g/l. Cinq mille patients diabétiques ont été inclus, soit 750 dans chaque groupe. A l'issue des cinq ans de suivi, les objectifs de LDL étaient atteints dans les deux groupes et les taux de HDL ne différaient pas. Dans le groupe 80 mg, la réduction du risque d'événements cardiaques majeurs a été de 22 % (IDM fatal ou non fatal, AVC fatal ou non fatal, arrêt cardiaque ressuscité), tandis que, dans le sous-groupe de patients diabétiques recevant 80 mg d'atorvastatine, cette réduction a atteint 25 % ; les AVC fatals ou non ont baissé de 25 % sur la totalité du groupe 80 mg et de 21 % dans le sous-groupe de patients diabétiques. Le taux de mortalité globale n'était pas différent dans les groupes 10 mg et 80 mg, mais il était plus bas que celui attendu. Le taux de LDL dans les deux groupes s'est révélé inversement corrélé avec celui des événements ; il n'y a pas eu de problème de tolérance, même pour des taux de LDL inférieurs à 0,64 g/l. Les effets secondaires ont été peu fréquents et identiques dans les deux groupes. Des données similaires étaient observées dans le sous-groupe de diabétiques. Il existe un bénéfice substantiel à donner une statine aux patients diabétiques avec de fortes doses chez ceux à haut risque vasculaire.
Pourtant, l'intérêt des statines dans la prévention cardio-vasculaire a fait oublier celui des fibrates, qui gardent néanmoins une place de choix chez les patients diabétiques. Les fibrates sont actifs sur les triglycérides et constituent une alternative lorsque leur concentration est supérieure à 1,5 g/l.
L'Helsinki Heart Study et l'étude VA-HIT, avec le gemfibrozil, et l'étude BIP, avec le bézafibrate, ont démontré la supériorité des fibrates sur le placebo en termes de réduction des événements cardio-vasculaires. L'efficacité est supérieure chez les patients diabétiques ou qui ont un syndrome métabolique, c'est-à-dire en surpoids, avec une hypertriglycéridémie et un HDL bas, ou ceux avec une insulinémie élevée (témoin d'une insulinorésistance). Chez ces patients, le traitement par fibrates réduit de 40 à 80 % le risque d'événements coronariens, cela mieux que ne le laisseraient prévoir les modifications lipidiques. En revanche, chez les patients non diabétiques ou ne présentant pas un syndrome métabolique, l'effet protecteur des fibrates est minime. Des données supplémentaires seront apportées prochainement par les résultats de l'étude FIELD (qui seront communiqués au congrès de l'AHA en novembre prochain). Il s'agit d'un essai randomisé comparant le fénofibrate au placebo, conduit sur un effectif important de patients diabétiques. D'ores et déjà, l'ensemble de ces données suggère que l'action des fibrates est différente de celle des statines, avec des mécanismes distincts. Cela amène à considérer sérieusement l'intérêt d'une association statines-fibrates chez des patients diabétiques ou qui ont un syndrome métabolique à haut risque cardio-vasculaire (une étude est en cours pour évaluer l'impact de l'association simvastatine-fénofibrate). L'intérêt de l'acide nicotinique mérite aussi d'être étudié. En effet, l'acide nicotinique agit sur le HDL cholestérol, qu'il augmente. Dans l'étude HATS (Atherosclerosis Treatement Study), associé aux statines, l'acide nicotinique a permis une réduction de 60 à 90 % des événements coronariens majeurs comparativement au placebo.
Au total, le poids des complications cardio-vasculaires chez le patient diabétique de type 2 justifie pleinement que tout soit mis en œuvre pour réduire le taux d'événements. L'objectif thérapeutique doit être de ramener le LDL cholestérol au-dessous de 1 g/l chez le patient à haut risque (c'est-à-dire, la majorité des diabétiques). Les statines ont fait la preuve de leur bénéfice. Mais d'autres approches thérapeutiques, et notamment les associations, paraissent également intéressantes et doivent être mieux étudiées.
D'après la session « Cholesterol Lowering and Diabetes : Where do we Stand? », de J. LaRosa, S. Haffner, Ph. Barter.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature