NOUS AVONS AFFAIRE à un gouvernement dont les membres, stimulés à la fois par la sévérité de François Fillon et les exigences surhumaines de Nicolas Sarkozy, se montrent d'une ténacité remarquable. Elle s'exerce dans des sens opposés : tandis que le ministre de l'Environnement, Jean-Louis Borloo, veut étendre à toute une gamme de produits le bonus-malus écologique (ce qui risque de coûter cher à l'État), que Valérie Pécresse, multiplie les actions en faveur des étudiants (bourses et logement), que les retraites et les allocations aux handicapés sont augmentées, même insuffisamment, Éric Woerth, ministre du Budget, s'efforce de contenir les dépenses.
L'exercice est d'autant plus malaisé que la mise en place du RSA sera financée par un nouvel impôt sur les revenus du patrimoine, que la France parvient à peine à respecter les critères de Maastricht et que les besoins sociaux du pays ne cessent d'augmenter sans que la richesse nationale ne progresse.
Quelques bonnes nouvelles.
Tous les signaux ne sont pas aussi catastrophiques qu'on le dit : d'abord, la croissance américaine, révisée à la hausse (prévue à 1,9 % en progression annuelle pour le deuxième trimestre, elle a atteint en fait 3,3 %, ce qui n'a pas manqué de surprendre), peut entraîner la machine européenne, d'autant que la remontée du dollar (dont le taux par rapport à l'euro est passé de 1,60 à 1,42) joue en faveur de nos exportations. Ensuite, la bonne nouvelle pour tout le monde, c'est la chute rapide du prix du baril (qui a perdu 40 dollars, soit plus d'un quart de sa valeur en quelques semaines). Pour autant, les spécialistes ne sont pas rassurés : la crise des subprimes n'en finit pas de faire des ravages, elle ne sera pas résorbée avant la fin de l'année prochaine, dit-on, non sans avoir achevé de nombreuses banques.
Le marché de l'immobilier s'est effondré aux États-Unis, il baisse en Europe, donc en France. Le taux de chômage stagne à 7,2 % (nous comptons encore 2 millions de chômeurs) et il n'y a pas d'espoir qu'il diminue cette année, s'il n'augmente pas.
La France, par ailleurs, est dans le collimateur de Bruxelles : elle a demandé un répit aux autorités européennes lorsque Nicolas Sarkozy a été élu, elle l'a obtenu en échange d'un engagement formel à réduire ses déficits publics d'ici à 2010. Elle n'en prend pas le chemin, et pour cause : il est possible qu'elle échappe à la récession, mais la baisse de son PNB au second trimestre ne laisse espérer qu'une croissance de 1 à 1,5 % pour 2008. Insuffisant pour financer les dépenses sociales et d'environnement, et surtout pour équilibrer le budget.
Le ministre du Budget, Éric Woerth, harcèle ses collègues pour qu'ils diminuent leurs dépenses. Il le fait avec calme et autorité. Mais il ne peut pas résoudre la quadrature du cercle. C'est un homme affreusement exposé, parce que Nicolas Sarkozy exige de ses ministres une double action contradictoire : poursuivre la recherche d'un pouvoir d'achat amélioré et respecter la rigueur budgétaire.
La tentation est grande, chez les ministres, d'ouvrir le robinet plutôt que de s'imposer la rigueur. Il en va de leur popularité et de l'avenir immédiat de la majorité. La plupart des députés UMP ont réagi avec colère à la nouvelle taxe de 1,1 % sur les revenus du patrimoine : elle frappe en effet l'épargne de la classe moyenne, celle-là même qui a mis la droite au pouvoir. Mais au moment où la France, qui occupe jusqu'à la fin de l'année la présidence de l'Europe et s'en sert comme d'un tremplin diplomatique national, l'agacement qu'inspire aux Européens le laxisme français risque de se transformer en très vive colère. M. Woerth sera donc très attentif à présenter un budget qui réduise un peu la dette publique et dont le déficit soit plus près des 2 % du PNB que des 3 %. Même cet objectif très conservateur risque de ne pas être respecté si le ralentissement économique est plus prononcé que prévu en 2009.
La croissance par l'incantation.
En fait, le gouvernement est lui-même plongé dans une incertitude totale : pendant que M. Woerth, qui ne se fait guère d'illusions, tente de sabrer les dépenses, la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, continue de tenir des propos optimistes sur l'avenir. Mais on n'obtient pas un regain de croissance par l'incantation.
Le dilemme français résulte-t-il de choix politiques erronés ? C'est ce que l'opposition ne cesse de répéter, qui continue de faire de la loi TEPA de 2007 l'erreur du siècle. Ce n'est pas vrai : le nombre des heures supplémentaires a augmenté de 40 %, et la déduction des intérêts sur un emprunt a permis d'éviter une débâcle immobilière comparable à celle de l'Espagne ou du Royaume-Uni. Le gouvernement espagnol a injecté 20 milliards d'euros dans l'économie, ce qui ne manquera pas d'atténuer les effets de la récession dans la péninsule ibérique. L'avantage de l'Espagne sur la France, c'est que le gouvernement espagnol n'a pas eu besoin d'augmenter le déficit budgétaire : il avait la somme dans sa poche.
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