La parité était au cœur des promesses de François Hollande. Un ministère des droits des femmes a même été recréé avec l’alternance. C’est dire l’importance donnée par le président de la République au genre féminin et à ses déclinaisons au cours de leur vie privée ou professionnelle. Quand on parle de santé des femmes, la référence demeure évidemment la loi Veil de 1975 légalisant l’IVG, remboursée par la gauche en 1982 et autorisée jusqu’à 12 semaines depuis Martine Aubry. Tout ce dispositif serait aujourd’hui en danger aux yeux des militants de l’IVG. François Hollande en a même fait l’un de ses chevaux de bataille, promettant l’ouverture d’un centre IVG dans chaque hôpital. « Pour moi, la loi sur l’IVG a incontestablement permis de faire évoluer de façon positive la santé des femmes. Malheureusement, celle-ci est mise en danger, notamment à cause de différentes restructurations de la carte hospitalière qui ont eu lieu ces dernières années », regrette Domininque Hénon, auteur en 2010 pour le Conseil économique et social (CESE) d’un rapport sur la santé des femmes.
Pas plus d’IVG qu’avant la légalisation
Contrairement à ce que disent ses détracteurs, la légalisation de l’IVG n’a pas fait exploser les avortements. Bon an mal an, le nombre d’IVG tourne depuis lors à un peu plus de 200 000 par an. La proportion est un peu plus faible désormais avec un taux par femme de 0,52 en 2009 contre 0,66 en 1976, selon la Dress. Mais la mutualisation des moyens dans les hôpitaux a eu pour conséquence la fermeture de quelque 180 centres d’IVG selon l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception. Pendant la campagne, Nathalie Kosciusko-Morizet répondait aux socialistes que la légalisation de l’IVG médicamenteuse avait largement compensé ces suppressions. Tout le monde n’est pas de cet avis : « L’orthogénie est une discipline en danger. On a eu tendance à se focaliser sur l’IVG médicamenteuse qui se fait en ville, mais il faut tout de même conserver une offre chirurgicale décente à l’hôpital », explique Dominique Hénon.
Contraception gratuite pour les mineures, la prochaine étape ?
Sur l’IVG, gauche et droite ne sont pas au diapason. Et c’est pour ne rien dire des sorties de Marine Le Pen sur les avortements de confort… Le consensus est plus large sur la nécessité d’améliorer l’accès à la contraception. « Il faut renforcer l’accès à la contraception gratuite et anonyme des mineurs. Nous souhaiterions fortement que ce soit la prochaine étape politique », martèle Dominique Hénon. Les politiques sont effectivement en première ligne. En 2011, la députée UMP des Ardennes, Bérengère Poletti avait déposé une proposition de loi en ce sens. À l’Assemblée, ça n’est pas passé, faute de soutien clair du gouvernement. Le dossier pourrait avancer avec François Hollande qui avait inscrit une proposition similaire dans son programme. « Les plannings familiaux existent déjà, mais c’est insuffisant. Il y a beaucoup de jeunes qui n’ont pas accès à ces centres. Avec la contraception gratuite et anonyme, elles pourraient s’adresser directement à des professionnels de santé prescripteurs sans que la famille soit au courant. Mais il faut parallèlement développer la formation des jeunes en éducation sexuelle à l’école. Il faudrait par exemple des cours au collège mais aussi à l’université. À partir de la 4e, il devrait y avoir un cours obligatoire d’éducation sexuelle et aussi des rencontres avec les infirmières, les gynécologues pour accentuer le dialogue », argumente Bérengère Poletti. « Le ou la politique peut intervenir directement sur ce type de décisions. Cela peut-être des décisions prises au niveau territorial, comme c’est le cas par exemple avec le pass contraception en Poitou-Charentes. Là, on est vraiment dans le champ du politique », analyse dans le même sens Dominique Hénon.
Le dépistage entre retard et controverse
Plan de lutte contre le cancer du sein, campagne d’information sur la vaccination ou la prévention des cancers… Les campagnes de dépistage et de prévention sont devenues l’outil de santé publique préféré des politiques. À chaque président, son plan de lutte, ses dépistages et ses actions d’information. Beaucoup visent les femmes comme la décision de généraliser le dépistage du cancer du sein sur l’ensemble du territoire en 2004. Mais alors que le programme national de dépistage systématique semble bien rodé, une polémique a éclaté l’année dernière, dénonçant les risques de surdiagnostic. C’est un livre, No Mammo, écrit par une ancienne kiné, Rachel Campergue, qui a mis le feu aux poudres.
L’ouvrage dénonce la « confusion » entre dépistage et prévention. Deux mois plus tard, un article paru dans le très sérieux BMJ relance la polémique : les bénéfices des mammographies seraient moindres que leurs inconvénients en terme de sur-diagnostic…
Certes, en majorité, la communauté scientifique ne suit pas. Mais le paradoxe est que la polémique éclate au moment ou le mécanisme semble commencer à bien fonctionner. En 2008, plus de 14 000 cancers du sein ont été détectés dans le cadre du dépistage organisé, soit un taux de 6,3 cancers pour 1 000 femmes dépistées. Les femmes étaient 52 % à se faire dépister en 2010, contre 40 % en 2004. Cela suffit pour l’heure à conforter les politiques de tous poils. Comme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale : « Pour moi, le dépistage du cancer du sein est une avancée majeure en terme de santé publique. Je pense qu’il ne faut pas revenir en arrière sur ce sujet. Je souhaiterais véritablement mettre l’accent sur le dépistage. Je suis pour une obligation d’une visite médicale gratuite à partir de 40 ans tous les deux ans, et à partir de 50 ans, tous les ans. Le développement des maisons médicales devrait permettre aux femmes de s’y rendre plus facilement », défend-elle.
Après le cancer du sein, universitaires et professionnels de santé militent de leur côté en faveur d’un dépistage organisé du cancer du col de l’utérus, toujours pas effectif. Et – HAS et CNGE en tête – ils demandent aux politiques de passer à l’étape supérieure en mettant en place un dépistage organisé sur la base des programmes pilotes qui ont débuté dans les années 1990, et sont désormais présents dans 13 départements. À sa façon, la HAS rappelle les politiques à leurs ambitions passées. Pour la HAS, le dépistage individuel et spontané a atteint ses limites, le taux de couverture stagne autour de 57 % «?alors que la loi de santé publique (de 2004) fixe un objectif de 80 % de femmes dépistées pour ce cancer... » « Sur 1?000 cancers du col de l’utérus, 700 sont évitables, le dépistage de ce cancer est donc important », insiste aussi le Pr Israel Nisand. Alors, à quand une décision politique en ce sens ?
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature