Le Généraliste. Dans « Des épidémies et des hommes »* vous dites que « les épidémies ne naissent pas sous les lampadaires » et c’est effectivement ce qui vient de se produire : On regardait à l’Est et c’est à l’Ouest que tout à commencé. Comment expliquez-vous que l’on se soit encore une fois fait surprendre ?
Pr Antoine Flahaut. Oui, (presque) tous les projecteurs étaient un peu trop braqués sur le virus H5N1 ; il y avait certaines voix pour dire que l'ennemi ne viendrait pas nécessairement d'où on l'attendait, cependant tout le monde s'accordait à dire que quelle que soit la souche pandémique, la préparation serait la
même. Les premiers essais de mise au point d'un vaccin pré-pandémique étaient sans doute les plus discutables, mais au moins ils ont permis d'entretenir et de développer les "usines d'armement" pour se préparer au combat.
Le Généraliste. François Weber, directrice de l’InVS rappelait que « le Mexique ne cherchait pas les cas de H1N1, les Etats-Unis les ont découvert par hasard et que la façon dont on détecte les cas est très différente au Mexique, aux Etats-Unis et en Europe ». Est-il envisageable que l’on ait du H1N1 en France sans le savoir ? Et quid du lien avec la surmortalité observée cet hiver en France... ?
Pr A.F. Bien sûr, c'est plus qu'envisageable, y compris si nous avons des cas confirmés en France, il est tout à fait possible qu'il y ait des infections asymptomatiques ou pauci-symptomatiques ou des cas réels qui n'aient pas consulté au retour de leur voyage, voire même de véritables chaînes de transmission autochtones sans que nous nous en rendions compte dans un premier temps. Les médecins n'ont pas l'habitude - et ce n'est pas une recommandation - de faire des prélèvements pour identification du virus encause de toutes les infections banales des voies respiratoires supérieures, ni des syndromes grippaux. Or, on le sait bien avec le réseau Sentinelles de l'Inserm-UPMC, il y a tout au long de l'année un "bruit de fond" constitué d'authentiques syndromes grippaux qui ne sont pas explorés virologiquement et dont un certain nombre pourraient aujourd'hui être des cas de grippe nord-américaine. En revanche, je ne vois pas le processus présent depuis de longs mois en France, car cet hiver il aurait explosé exponentiellement dans une population entièrement susceptible et de nombreux prélèvements ont été faits
et analysés et n'ont pas identifié le virus mexicain.
Le Généraliste. Le CDC estimait au départ que la souche mexicaine était très contagieuse. Le risque « d’humanisation du virus » (et de pandémie ?) aurait-il alors été plus fort qu’avec la grippe aviaire.
Pr A.F. Il y a une certaine confusion apparente des esprits qui apparaîtbien dans cette question. La grippe nord-américaine (ou mexicaine) n'est pas une grippe porcine comme elle fut appelée initialement ! Jamais, à ce jour, il n'a été rapporté de présence de ce virus dans le moindre porc (à part le cas
anecdotique d’une contaminationn de l’homme au porc au Canada). Cela n'adonc rien à voir avec une épizootie porcine qui aurait donné des cas d'abord sporadiques puis ensuite après une humanisation du virus une chaîne de transmission interhumaine. D'emblée, dès que le virus a été identifié, il ne
l'a pas été chez des éleveurs de cochons, ni même en milieu rural, mais en ville, à Mexico, où les malades n'avaient eu aucun contact avec des porcs. Le risque de pandémie, dès lors, s'est révélé extrêmement élevé : on est en présence d'un virus grippal nouveau pour l'homme - sur le plan
immunologique, ce virus se transmet d'homme à homme, et des foyers multiples de grippe typique se mettent à éclore de par le monde. Que nous faut-il deplus pour appeler cela un démarrage pandémique ?
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