Au-delà des élections législatives

Que fera le PS ?

Publié le 29/05/2007
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LA DÉFAITE DE LA GAUCHE n'est irrémédiable qu'en apparence. Les socialistes en souffrent démesurément, sans sembler nourrir d'espoir pour l'avenir immédiat. Ils ne manquent pas, pourtant, de chefs naturels, à commencer par Ségolène Royal, dont il est faux de dire qu'elle a été moins bonne candidate qu'un autre.

Les incertitudes sont certes multiples et diverses : sur le contenu du projet socialiste, sur l'inadéquation du projet avec les idées un peu fantasques de Mme Royal, sur l'hostilité rentrée et discrète, toute dictée par la discipline, qu'elle a soulevée chez Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, sur les secrets du couple Royal-Hollande, plus déchiré par la politique qu'il ne l'a laissé voir, sur l'avenir du Premier secrétaire, décidé à changer d'emploi, sur la stratégie à long terme de Mme Royal qui, si elle ne prend pas la tête du parti, risque de ne pas être la candidate socialiste en 2012.

Indispensable révolution culturelle.

Cela fait beaucoup de complications à court et moyen terme, et, bien entendu, l'obstacle le plus sérieux, c'est l'incapacité où le PS a été jusqu'à présent de procéder à ce qu'il est convenu d'appeler sa refondation, mais qui n'est pas autre chose qu'une révolution culturelle qui le connecterait enfin à la réalité économique et financière.

En dépit de toutes ces pesanteurs, la candidate du PS a réuni près de 47 % de voix. Pour une part, elle les doit au vif ressentiment que le personnage Sarkozy a inspiré, mais inspirera de moins en moins, à une forte fraction de la population. On a voté contre lui plus que pour Ségolène. Peu importe : le fait est que Mme Royal a écarté une menace extrêmement sérieuse, celle du centre de François Bayrou, qu'elle a fait un score bien meilleur que Lionel Jospin en 2002, qu'elle s'est maintenue au second tour et qu'elle n'a nullement essuyé une défaite accablante.

Tout le monde aura noté qu'elle s'est d'ailleurs adressé un satisfecit le soir du 6 mai et qu'elle rappelle à chaque occasion ces 17 millions de voix qui se sont portées sur son nom.

Non seulement, elle a triomphé dans l'échec, mais elle a souhaité que le choix du candidat socialiste à la présidence se fasse dès cette année, étant entendu qu'elle ne voit qu'elle-même pour ce rôle. Elle voudrait exaspérer ses concurrents qu'elle ne s'y prendrait pas mieux et, à notre avis, il va encore se produire quelques conflits de personnalités si le Parti n'est pas rapidement pris en main par une personnalité forte, capable de tenir tête aux ténors, d'amorcer la fameuse refondation sans laquelle rien ne sera possible désormais, et de distribuer les rôles.

L'ordre hiérarchique s'établira de lui-même selon la réforme choisie : si la refondation est molle et indécise, la gauche du PS prétendra qu'elle domine le parti. Si le changement, comme c'est souhaitable, est profond, comparable à celui du New Labour, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal apparaîtront comme les deux hérauts possibles d'un PS rénové.

Entre deux risques.

M. Strauss-Kahn, dans l'hypothèse qui lui serait favorable, a, à n'en pas douter, les capacités d'un homme d'Etat et une compétence plus étendue que celle de Mme Royal. Mais il ne suffit pas, pour que la gauche retourne au pouvoir, qu'elle ait de bonnes idées ; il faut d'abord que ces idées soient différentes de celles que s'apprête à appliquer le gouvernement de M. Fillon ; il faut ensuite qu'elles soient assez séduisantes pour reconstituer les réserves de voix de la gauche. Nul ne peut dire où la France en sera en 2012, mais il nous semble qu'avec les élections de cette année, elle s'est donné les moyens d'un redressement considérable. Quand on observe l'action du président Sarkozy, on voit très bien les étapes qu'il a fixées : il a passé le premier tour en attirant sur son nom les voix du Front national ; puis il a emporté le second tour sur l'idée que, entre deux risques, celui de l'« homme dangereux » et celui de l'irresponsabilité attribuée à Mme Royal, le premier était le moindre. Enfin, il a constitué un gouvernement d'ouverture qui, pour le moment, semble insubmersible.

lA GAUCHE, PLUS QUE JAMAIS, A BESOIN D'UN PROJET ET D'UN CANDIDAT EXCEPTIONNELS

En effet, le président Sarkozy a aujourd'hui une popularité comparable à celle du général de Gaulle après son élection en 1958. C'est dire que l'opposition s'égosille vainement à le critiquer et que les Français n'écoutent guère les sirènes de censeurs souvent excessifs. Il rencontrera des obstacles, comme tout président, mais après tout, s'il est au pouvoir, c'est pour gouverner autrement. Il a changé le style de fond en comble. Il lui reste à produire des résultats susceptibles de satisfaire les Français qui ont tant souffert de la crise économique.

S'il y parvient, le retour de la gauche sera difficile, lent, et se produira peut-être après 2012. C'est dire qu'elle ne doit pas se contenter d'un projet et d'un candidat de qualité, et qu'elle doit trouver un projet et un candidat exceptionnels.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8174