POURQUOI A-T-ON si longtemps délaissé ce « Roi d'Ys », oeuvre de maturité d'Edouard Lalo (1823-1892), compositeur sans gloire ni honneurs mais qui a tout de même laissé pour la postérité une « Symphonie espagnole » et des merveilles de musique de chambre ? Et aussi cet opéra tardif créé en 1888 à l'Opéra-Comique, fortement influencé par Wagner et qui est presque un mini-« Lohengrin », mini, car sa concision (deux bonnes heures avec entracte) interdit tout grand développement et lui permet d'aller à l'essentiel sans lasser l'auditeur.
Comme dans l'opéra romantique wagnérien, il y a le couple de vilains sombres, l'héroïne blonde qui attend la venue – le retour ici – d'un chevalier que l'on croyait disparu et qui arrive dans une armure, prêt à se battre pour elle. La blonde et la brune sont soeurs et rivales pour l'amour du chevalier. Le roi, leur père, est bon et humain mais a un faible pour sa cadette. Bref, une intrigue comme on les aime, ficelée sur mesure pour faire un bon opéra.
« Le Roi d'Ys » regorge de pages splendides, à commencer par son ouverture, un vrai morceau de concert symphonique que Lalo a fait jouer comme tel avant l'achèvement de l'opéra. Nicolas Joel – pour ce qui sera une de ses dernières grandes productions avant son départ de Toulouse pour l'Opéra de Paris – a réuni un quintette vocal exceptionnel qui a une diction de premier ordre. Sophie Koch a belle allure dans le rôle de la brune Margared, dont elle a les noirceurs vocales et l'engagement complet. Inva Mula trouve en Rozenn un rôle sur mesure qu'elle nuance merveilleusement. Chez les hommes, même engagement pour Franck Ferrari (Karnac) et Charles Castronovo (Mylio), une découverte de taille et certainement un ténor avec lequel il faudra compter. Paul Gay, enfin, donne une grande humanité au Roi.
Le chef franco-canadien Yves Abel mène les forces du somptueux Orchestre du Capitole ainsi que ses choeurs, enrichis pour l'occasion par le choeur d'hommes de l'Opéra du Rhin, avec un bon sens du drame.
Nicolas Joel, avec ses complices Ezio Frigerio et Franca Squarciapino, a placé l'action dans une architecture grandiose, un escalier de marbre bleu, et peuplé la scène de personnages évoquant l'atmosphère de la légende bretonne d'où Edouard Blau a tiré son livret, sans pompe ni effets inutiles. L'escalier monumental donne une unité de lieu à l'action. La vengeance de la méchante soeur consistant à ouvrir l'écluse pour engloutir la ville d'Ys sous les eaux, on n'a pas renoncé à l'effet, tout à fait spectaculaire, de l'arrivée de l'eau sur scène par cascades. Un superbe spectacle qui fera certainement référence dans la carrière de ce chef-d'oeuvre méconnu.
Capitole de Toulouse : 05.60.22.24.30 et www.theatre-du-capitole.org. Prochain spectacle : « Don Giovanni » (reprise) mise en scène : Brigitte Jacques-Wajemen, direction Günter Neuhold avec T. Iveri, T. Lehtipuu, I. d'Arcangelo, B. Haveman, du 9 au 25 novembre.
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