CE N'EST pas un hasard si l'UFC-Que choisir intervient aujourd'hui dans le débat sensible sur les contrats complémentaires santé responsables. A l'heure des ultimes arbitrages politiques avant la publication du décret définissant le cahier des charges de ces contrats, qui seront les seuls à bénéficier d'aides publiques considérables (7 milliards d'euros par an au titre de l'exonération de la taxe sur les conventions d'assurance, d'avantages fiscaux et sociaux, du crédit d'impôt, etc..), l'influente association de consommateurs a mis les pieds dans le plat. Elle demande, au nom de la cohérence de toute la réforme, que les dépassements d'honoraires hors parcours de soins, de même que les majorations de participation demandées aux usagers, soient exclus du remboursement dans le cadre de ces contrats complémentaires aidés par des fonds publics. Libre aux assureurs de faire ce qu'ils veulent... s'ils renoncent aux aides fiscales et sociales.
Pour Jacques Mopin, vice-président de l'UFC-Que choisir, « s'il n'est pas question de priver un assureur de sa liberté d'assurer, il est anormal que l'argent de la collectivité soutienne le "hors parcours" ». D'où la demande de sortir du périmètre des contrats responsables les dépassements lorsque le patient consulte un spécialiste en accès libre.
40 % de l'activité des spécialistes en jeu.
Pour les spécialistes libéraux, en particulier ceux qui exercent en secteur I, le champ des contrats responsables est un enjeu crucial. C'est ni plus ni moins la solvabilisation de leur nouvel espace de liberté tarifaire par les complémentaires qui se joue. En clair, si les règles qui régissent les contrats responsables interdisent demain le remboursement d'une part très significative du montant des dépassements hors parcours de soins, ce qui aboutirait à laisser aux patients un reste à charge très élevé, de nombreux usagers renonceront définitivement à consulter un spécialiste en accès libre. Le respect du parcours de soins serait imposé « à marche forcée », en quelque sorte. « Avec la réforme, on a demandé aux usagers d'accepter de nouvelles contraintes, argumente Alexandre Biosse-Duplan, chargé de mission santé à l'UFC-Que choisir. Il est logique que les fonds publics soutiennent le parcours coordonné, sinon, il aura très peu d'intérêt pour les usagers. C'est toute la réforme qui tomberait alors à l'eau. » Il ajoute que le contrat « responsable » sera un « label social » dont il serait paradoxal que certains assureurs privés puissent tirer doublement avantage dans un contexte concurrentiel (avantages financiers et possibilité de proposer de « supercontrats » couvrant larga manu les dépassements).
Le message de l'UFC-Que choisir, résumé sous la formule « Non aux contrats irresponsables au profit des assureurs et des spécialistes », est politique. Il exhorte le gouvernement d'empêcher les assureurs privés (1) de rembourser les dépassements lorsque l'assuré « ne joue pas le jeu » du passage préalable par le médecin traitant. Or, selon l'UFC-Que choisir, les assureurs et les syndicats de spécialistes multiplient justement les pressions pour « dissocier » contrats responsables et respect du parcours de soins. « Le gouvernement ne doit pas céder aux corporatismes médicaux, met en garde Alexandre Biosse-Duplan . Or on a l'impression qu'il est en train de lâcher du lest. »
Une récente note du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, portant sur les complémentaires santé, éclaire les enjeux financiers pour les spécialistes. « La présence d'une couverture complémentaire est associée à une dépense plus élevée. Selon l'estimation la plus récente, l'écart est de + 30 % pour les soins de ville. De manière attendue, l'impact est beaucoup plus fort sur les dépenses de spécialistes (+ 40 %) que de généralistes (+ 19 %). » Une raison largement suffisante pour que les syndicats médicaux se battent pied à pied sur le front des contrats responsables.
(1) La Mutualité française a déjà recommandé à ses mutuelles adhérentes de ne pas rembourser les dépassements hors parcours. Les institutions de prévoyance n'ont pas fait connaître leur position.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature