IL EST aujourd’hui difficile pour le public de faire le tri dans ce que proposent les théâtres qui ont une programmation de « danse contemporaine », dont les théâtres de Chaillot et de la Ville sont les principales scènes parisiennes, ayant à la fois une vaste capacité et des prix attrayants. Il faut bien dire que la rubrique « danse » ne signifie pas que le spectateur va voir des danseurs danser. Ainsi le Théâtre de la Ville, qui propose à chaque saison une liste de compagnies qui se renouvelle extrêmement peu et dans laquelle plus de la moitié fait des spectacles de « théâtre - danse » où la part de chorégraphie est quasi nulle ou inexistante. Le plus souvent ces spectacles, principalement ceux proposés par des compagnies flamandes, comportent une part croissante de provocation qui a entraîné, lors des dernières saisons, de vives réactions du public et de la presse. Hormis cette surenchère, le propos ne se renouvelle que peu, mais le public, en grande partie composé d’abonnés, reste fidèle, quoique l’on voit de moins en moins de spectateurs sans place en rechercher au dernier moment devant le théâtre.
Un hommage au corps féminin.
La Berlinoise Sasha Waltz, que l’on considère plutôt comme l’excellence de ces spectacles de « théâtre- danse », y présentait avec « Gezeiten » (Marées) sa dernière création à la célèbre Schaubühne de Berlin. Consternant spectacle où, passées dix minutes de réel intérêt pour de belles images de groupe, des idées de construction stimulantes, on s’ennuie ferme pendant deux heures. Aucune narration, du mouvement gratuit, des courses effrénées, des cris, tous les tics et les déjà-vu s’accumulent jusqu’à la mise à sac totale de la scène à laquelle on assiste impuissant. Inutile de dire qu’une grande partie du public choisit la fuite… Seule gratification, trois « Suites pour violoncelle » de Jean-Sébastien Bach sont jouées à l’avant-scène par l’excellent James Bush. Parmi les plus iconoclastes qui se produisent au Théâtre de la Ville, le Flamand Jan Fabre détient la palme et ses spectacles à Paris ou en Avignon ne manquent jamais de faire scandale. Très à part dans sa production, ce court solo « Quando l’uomo principale è una donna » réalisé en 2004 pour la danseuse Lisbeth Gruwez, pendant lequel une femme se dénude, se sert un cocktail, accroche des flacons d’huile d’olive au plafond et danse (réellement !) dans les flaques du précieux liquide. Sensuelle, érotique, animale, primitive même, cette danse nue, à terre, sur le tube italien « Volare » est un magnifique hommage au corps féminin et le changement de danseuse cette saison pour la belle Sung-im Her en justifiait bien la reprise dans le cadre intime du théâtre des Abbesses.
Humour et raffinement.
Une des valeurs sûres de ce théâtre, concernant la « danse pure », est Anne Teresa de Keersmaeker et sa compagnie bruxelloise Rosas qui présentaient leur ultime création pour le théâtre de La Monnaie. « D’un soir un jour » est un vaste programme en deux parties comportant six petites pièces magnifiquement agencées sur des musiques de Stravinsky, Debussy et du Britannique George Benjamin (né en 1960), occasion rare d’entendre la lumineuse musique symphonique de cet élève d’Olivier Messiaen. De cet ensemble un peu inégal, avec ses références à Nijinski et aux Ballets russes, les relectures du « Prélude à l’après-midi d’un faune » et de « Jeux » de Debussy avec projection, en fond, de la partie de tennis de « Blow up » d’Antonioni sont les deux extrêmes et les moments les plus forts. Il ne faudra pas manquer la reprise de cette chorégraphie qui reste par son vocabulaire aux marges du classique, lors de sa reprise au prochain festival Montpellier danse (1).
Aussi aberrant que cela puisse sembler, le travail du chorégraphe Thierry Malandain et du ballet Biarritz n’avait jamais été montré à Paris. Il fallait courir en grande banlieue (ou à New York !) pour voir les chorégraphies de cet ancien danseur de l’Opéra de Paris, chorégraphe talentueux au style plutôt néoclassique. « Les Créatures » (2003) réglées sur « les Créatures de Prométhée » de Beethoven évoque de façon très lisible à la fois la Genèse et la naissance de la danse. A travers un système de références d’une belle sophistication, Malandain, dans une esthétique à la fois austère pour le décor et baroque pour les costumes, fait défiler solos, duos, ensembles par une compagnie de seize danseurs de profils très différents, dont l’excellence a séduit le public de Chaillot qui la découvrait. Plus d’une fois, l’on a pensé à Kylian devant l’humour, le raffinement de la chorégraphie et la pureté des idées, meilleur compliment possible à ce chorégraphe dont on pourra admirer en octobre le travail sur la scène du Palais Garnier, lors d’une soirée entièrement consacrée à Serge Lifar (2).
1) Festival Montpellier Danse, le 1er juillet à 20 h 30. Tél. 0.800.600.740. Prix des places de 19 à 32 euros€.
2) Opéra de Paris : 0 892.89.90.90 et www.operadeparis.fr, du 9 au 28 octobre
2006/2007 au Théâtre de la Ville...
La politique « on prend les mêmes et on recommence » du Théâtre de la Ville pour sa programmation « danse » est à double tranchant. On est certain d’y retrouver des valeurs sûres telles de Keersmaeker, Preljocaj (pas cette saison) ou Maguy Marin (dont on ne pensait pas revoir un jour sa pièce maîtresse « May B » (1981) qui sera « recréée » en novembre, avis à ceux qui ne l’auraient jamais vue) ou Joëlle Bouvier. Mais on déplore de dire que ceux qui se renouvellent extrêmement peu comme Josef Nadj, Pina Bausch, Jan Lauwers, Wim Wandekeybus... y reviennent toujours. Quelques outsiders, tels Sidi Larbi Cherkaoui, Koen Augustinen, Peeping Tom, méritent d’être visités. Grande est la liste de ceux qui se contentent d’assurer leur « création annuelle », notamment les titulaires de CCN. Ne pas manquer, pour les passionnés de danse indienne, toujours bien représentée dans le cadre intime des Abbesses, Padmini Chetitur, Shantala Shavalingappa et Akram Khan.
Théâtre de la Ville : 01.42.74.22.77 et www.theatredelaville.com.
... et à Chaillot
Moins riche en spectacles chorégraphiques majeurs que celle qui s’achève, la saison prochaine du théâtre de Chaillot verra cependant le retour de William Forsythe avec « Three Atmospherica Studies » sur des musiques de David Morrow et Thom Willems, de Bianca Li avec « Corazón loco » et de Philippe Decouflé deux fois « le Sombrero » et « Solo ». Abou Lagraa, Hiroaki Umeda, Jean Claude Gallotta et Richard Siegal sont aussi à l’affiche de ce théâtre qui se partage entre danse et théâtre.
Théâtre national de Chaillot : 01.53.65.30.00 et www.theatre-chaillot.fr
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