PAR LE Pr PIERRE BONFILS*
LA PREMIÈRE ÉTAPE de l'analyse clinique d'un patient présentant une dysosmie (trouble olfactif) est de définir la nature de la plainte. La dysosmie peut être quantitative : perte de l'odorat (hyposmie ou anosmie), plus rarement augmentation de l'odorat (hyperosmie). Presque toutes les maladies du système olfactif conduisent à une hyposmie, voire à une anosmie.
L'analyse d'une dysosmie qualitative est plus subtile. La cacosmie est la perception d'une mauvaise odeur qui existe réellement à l'intérieur du sujet. Cette mauvaise odeur est permanente et elle peut être sentie par l'entourage. Les causes sont dominées par une dent (sinusite d'origine dentaire, aspergillose sinusienne, mauvais état dentaire), mais également par une amygdalite chronique et un reflux gastro-oesophagien. La cacosmie n'est donc pas une « maladie du système olfactif », mais la perception d'une mauvaise odeur par un système olfactif intact.
La parosmie est la perception d'une mauvaise odeur, souvent décrite comme une odeur de caoutchouc brûlé, d'excrément, dont la caractéristique essentielle est d'être déclenchée lors de la stimulation du système olfactif par une molécule odorante provoquant usuellement une sensation plutôt agréable. Exemple : le patient hume l'odeur provenant d'une tasse de café, mais il perçoit une odeur désagréable ne correspondant pas à celle qu'il attend. La perception d'une parosmie signe l'atteinte du système olfactif et elle est dominée par deux étiologies : une dysosmie postrhinitique et un traumatisme crânien.
La phantosmie, ou hallucination olfactive, est la perception erronée d'une odeur. Le patient sent une odeur qui n'existe pas. Elle témoigne le plus souvent de l'existence soit d'une maladie neurologique (tumeur cérébrale, épilepsie), soit d'une maladie psychiatrique (schizophrénie).
Une meilleure connaissance des étiologies.
Les travaux cliniques effectués dans les centres de l'odorat ont permis de préciser les étiologies et les aspects cliniques des différentes dysosmies. Près de 90 % des dysosmies sont liées à quatre étiologies : un traumatisme crânien, une rhinite aiguë, le vieillissement et les maladies rhino-sinusiennes chroniques, notamment la polypose naso-sinusienne. Les 10 % restants sont dus à une soixantaine de pathologies rares.
Une dysosmie (le plus souvent une anosmie) immédiatement consécutive à un traumatisme crânien (quelle que soit son importance, quel que soit son site) doit faire porter le diagnostic de dysosmie posttraumatique. C'est un diagnostic d'interrogatoire. Aucun examen complémentaire n'est utile ; si trois mois après le traumatisme, l'odorat n'est pas revenu, les chances de récupération sont faibles.
La dysosmie postrhinitique est immédiatement consécutive à une rhinite aiguë (et non à une maladie chronique naso-sinusienne). Elle touche le plus souvent les femmes (70 % des cas) après la ménopause (âge moyen : 55 ans). C'est un diagnostic d'interrogatoire. Aucun examen complémentaire n'est utile. La récupération spontanée (aucun traitement n'a fait preuve d'une quelconque efficacité) est observée dans environ 60 % des cas.
La dysosmie liée à l'âge est évoquée devant une hyposmie progressive, pouvant mener à l'anosmie, survenant chez des sujets après 75 ans. Il n'existe aucun contexte neurologique, aucun trouble cognitif. La découverte d'une telle hyposmie associée à un trouble cognitif doit faire penser à la maladie d'Alzheimer ; la dysosmie pourrait en être le premier symptôme.
La dysosmie secondaire à une pathologie chronique rhino-sinusienne est suspectée chez des patients ayant une hyposmie ou une anosmie associée à une obstruction nasale, une rhinorrhée antérieure ou postérieure, des éternuements, des pesanteurs ou des douleurs de la face. Ici, l'examen clinique est essentiellement rhinologique, il est réalisé avec un fibroscope nasal.
Les dysosmies secondaires à une pathologie chronique rhino-sinusienne varient selon le type de pathologie sous-jacente. Les rhinites chroniques (allergiques ou non) donnent des hyposmies. Les rhino-sinusites diffuses comme la polypose naso-sinusienne donnent des anosmies. Les sinusites localisées, notamment les sinusites antérieures, donnent des cacosmies (origine dentaire).
Le développement récent des tests olfactifs.
L'olfactométrie est une technique subjective de mesure de la qualité de l'odorat, actuellement en plein développement. C'est une méthode psycho-olfactive sujette à des variations en fonction du degré d'attention et de la personnalité de l'individu testé. De nombreux tests ont été commercialisés ; les molécules odorantes utilisées doivent essentiellement stimuler le système olfactif avec une faible stimulation trigéminale. Les tests olfactométriques n'ont aucun intérêt dans l'établissement du diagnostic positif, topographique et étiologique d'une dysosmie. Ils permettent de donner une appréciation globale de l'odorat du patient. Ils sont intéressants pour suivre la récupération d'un trouble olfactif. Les potentiels évoqués olfactifs sont encore au stade expérimental. Enfin, rappelons qu'il n'existe aucun test médico-légal permettant d'affirmer ou d'infirmer la présence d'une dysosmie chez un patient ayant engagé une procédure judiciaire.
* Département d'ORL et de chirurgie cervico-faciale, université Paris-V, faculté de médecine Paris-Descartes, laboratoire de recherche LNRS, unité CNRS UMR 7060, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
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