POUR DES PROFESSIONNELS de santé, il est toujours utile d'écouter Yves Bur, un des parlementaires de droite les plus engagés sur les questions médico-économiques depuis une dizaine d'années. Utile, mais pas forcément agréable… Le député UMP du Bas-Rhin est réputé pour son franc-parler, et son discours bouscule volontiers les corporatismes de tout poil. «Le secteur n'en manque pas», ironise-t-il avec une pointe d'agacement. Les médecins se souviennent d'amendements « Bur » visant à taxer les récalcitrants à la télétransmission ou à encadrer les dépassements d'honoraires.
Invité par le CNPS (qui réunit les libéraux de santé – médecins, pharmaciens, infirmières, orthophonistes, kinés…) sur le thème de la future loi Bachelot (Santé, patients, territoires), Yves Bur n'a pas spécialement ménagé son auditoire (une quarantaine de soignants). «Les professionnels de santé comme tous les Français ont été habitués à la culture du déficit, tout le monde a pris de mauvaises habitudes, attaque-t-il. Cette culture nous a conduits dans une impasse car il en va d'un pays comme d'un ménage: à un moment, la charge de la dette devient insupportable, le roi est nu.»
Sanction, récompense.
Le député prend acte de l'engagement du gouvernement d'un retour à l'équilibre des comptes de la Sécu dès 2011. Mais pour relever ce défi, prévient-il, «il faudra jouer sur tous les leviers de la dépense», de façon continue,dès lors que le gouvernement refuse d'augmenter les prélèvements obligatoires.
Pour le député, la question de l' «offre médicale» est posée et l'organisation de la médecine de ville n'échappe pas à une remise en cause. Certes, Yves Bur affirme que les relations entre les libéraux de santé et l'assurance-maladie s'inscriront toujours dans le cadre du «contrat». Mais, ajoute-t-il, les conventions «devront évoluer».Le pilotage de l'offre par les ARS mais aussi les nouveaux contrats individuels avec intéressement aux résultats sont les premiers signes du changement. À la clé, avance le député, «d'autres modes d'exercice et d'autres modes de rémunération, une nouvelle culture de l'évaluation, de la récompense et de la sanction quand on s'écarte du chemin». S'agissant de la répartition des libéraux sur le territoire, faut-il des mesures contraignantes ? Le député met en garde les professionnels : ils devront s'investir pour trouver des «systèmes d'autorégulation» efficaces, faute de quoi, la régulation de la démographie par la puissance publique sera cette fois inévitable. «L'an passé, souligne-t-il , beaucoup de mes collègues ont été mécontents du retrait des articles [sur l'installation] qui avaient mécontenté les internes.»
Le président du CNPS, le Dr Michel Chassang, rappelle que les libéraux de santé ne sont pas d' «affreux corpos», mais aussi force de proposition. Ils sont disposés à s'impliquer dans la réforme. Encore faudrait-il être écoutés. «Pour l'instant, on reste sur notre faim», met-il en garde (Roselyne Bachelot recevra demain les syndicats de médecins libéraux).
Autre inquiétude du CNPS : l'éventualité d'un recours aux ordonnances pour légiférer, procédure honnie qui rappelle aux libéraux les heures sombres du plan Juppé. Mais Yves Bur n'est pas aussi catégorique. «Le texte [de la loi santé] risque de comporter plus de 400 articles! On y passera des semaines en cas d'obstruction. Les ordonnances qui ne sont pas notre tasse de thé ont été évoquées à propos du seul volet ARS…» À un pharmacien qui rappelait les efforts entrepris par la profession depuis 1993, Yves Bur a répliqué sèchement : «Il faut changer votre logiciel» avant d'appeler tous les libéraux de santé au «devoir d'audace».
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