LA PROTEINE p53 est connue pour son rôle de suppresseur de tumeur : en cas de dommage à l’ADN, la protéine est capable d’arrêter le cycle cellulaire pour permettre la réparation des chromosomes endommagés. Et si les dommages sont trop importants pour être réparés, p53 déclenche alors le programme de « suicide » de la cellule : l’apoptose. La protéine p53 est donc considérée comme une « bonne » protéine, qui aide l’organisme à éliminer les cellules susceptibles de conduire à l’apparition de cancers.
Pourtant, des travaux conduits à l’université de Californie suggèrent qu’il serait certainement bénéfique de supprimer l’activité de p53, transitoirement bien sûr, lors des radiothérapies (et vraisemblablement des chimiothérapies). Christophorou et coll. viennent en effet de démontrer que, dans les conditions de stress cellulaire associé à l’irradiation, l’activité de p53 n’apporte aucun bénéfice à l’organisme.
p53 rétablie de manière transitoire.
Pour parvenir à cette constatation, l’équipe californienne a utilisé une lignée de souris génétiquement modifiées qui expriment une protéine p53 mutante non fonctionnelle. La fonctionnalité du suppresseur de tumeur mutant peut cependant être rétablie de manière transitoire par administration de 4-hydroxytamoxifène (4-OHT).
Lors d’une première expérience, les chercheurs ont comparé l’effet d’une irradiation corps entier aux rayons gamma chez les souris mutantes, traitées au 4-OHT juste avant l’irradiation, et chez des souris mutantes non traitées. La dose de rayons qui a été utilisée (2,5 Gy) est connue pour induire une réponse apoptotique qui dépend de la protéine p53.
Cette expérience a montré que la fonctionnalité de la p53 au moment de l’irradiation est associée à la survenue de réponses pathologiques et ne permet pas de diminuer le risque de survenue d’un cancer radio-induit. Les chercheurs ont en effet observé que, chez les souris traitées au 4-OHT, l’irradiation induit une très forte réponse pathologique, se traduisant par la mort par apoptose de nombreuses cellules des organes lymphoïdes primaires et de l’épithélium intestinal. Le phénomène entraîne un leucocytopénie. Chez les animaux mutants non traités par le 4-OHT, l’apoptose est négligeable et la leucocytopénie transitoire.
A plus long terme, la survie des deux groupes de souris est très semblable. Le fait que la protéine p53 soit fonctionnelle au moment de l’irradiation ne semble pas protéger les souris de l’apparition ultérieure de lymphomes induits par les dommages génétiques dus aux rayons gamma.
Lors d’une seconde expérience, les chercheurs ont irradié un lot de souris mutantes, puis ils ont administré du 4-OHT à la moitié des animaux huit jours plus tard. Dans cette situation, non seulement les animaux mutants traités n’ont pas développé les réponses pathologiques associées à l’irradiation, mais leur survie a été améliorée par rapport à celles des souris mutantes non traitées irradiées. La fonctionnalité « tardive » de p53 semble donc être suffisante pour la destruction des cellules « précancéreuses » produites lors de l’irradiation.
Un système d’alerte conduit à l’activation de p53.
Des travaux complémentaires ont permis à Christophorou et coll. de montrer que cette activité « tardive » de p53 dépend de la protéine p19ARF. Schématiquement, lorsque l’irradiation endommage des gènes impliqués dans le contrôle de la prolifération d’une cellule, un système d’alerte conduit à l’activation de p19ARF qui va elle-même activer le suppresseur de tumeur p53. Grâce à ce mécanisme, seules les cellules engagées dans une voie de prolifération non contrôlée pouvant conduire à la cancérogenèse seront détruites par apoptose via l’activité de p53.
L’ensemble de ces résultats suggère donc que, lors d’une radiothérapie et, par extension lors d’une chimiothérapie, l’activité « précoce » de p53 est spécifiquement associée aux réponses pathologiques conduisant à la destruction de nombreuses cellules saines.
Seule l’activité « tardive » de la protéine aurait un intérêt dans la destruction des cellules mutantes potentiellement cancéreuses. Par conséquent, il pourrait être intéressant de développer des protocoles permettant d’inhiber transitoirement l’activité de p53 lors des radio- ou chimiothérapies.
Christophorou MA et coll. « Nature », édition en ligne avancée.
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