Des effets d’annonce qui tiennent en haleine, parfois agacent et qui surtout laissent perplexes les médecins libéraux. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui multiplie les interventions, semble en effet souffler le chaud et le froid sur la profession. Son discours, il y a deux semaines aux Entretiens Bichat, a été perçu comme trop « hospitalocentré » à la CSMF comme au SML, alors que MG France y a vu des promesses intéressantes pour la médecine générale… mais à concrétiser.
Le syndicat réclame désormais qu’un investissement de 500 millions d’euros supplémentaires par an pendant toute la durée du quinquennat pour la seule discipline de la médecine générale soit dégagé. Il demande annuellement ce que les généralistes ont obtenu sur la totalité de la convention de 2005 ! Pour y parvenir, MG France souligne que la stricte application de l’ONDAM 2013 au poste médecine générale (soit + 2,7%) ne suffira pas. « Si le gouvernement ne met pas davantage, cela voudra dire que son discours n’a pas de traduction concrète », prévient le Dr Leicher.
Ces derniers jours, les arbitrages du PLFSS n’étaient pas encore arrêtés et on en saura davantage lundi prochain à l’issue de la Commission des comptes de la Sécu. Mais nul besoin d’être devin pour supposer que l’ONDAM n’ira pas forcément dans le sens escompté par le Dr Leicher.
Un PLFSS équilibré entre hôpital et médecine de ville
Marisol Touraine a néanmoins fait savoir, lors de son déplacement à Cannes à la XVIIIe université d’été de la CSMF, que « le prochain PLFSS traduira une évolution équilibrée de ces deux secteurs ». Plus réaliste, les taux de ces deux secteurs devraient donc ne pas marquer un écart aussi important que celui de cette année (2,6 % pour l’hôpital, 2,1 % pour la ville en 2012), comme le réclamait Michel Chassang. Si la ministre a envoyé un signal fort à la médecine de ville, on est encore loin d’un renversement de vapeur au bénéfice des généralistes comme le souhaiterait MG France.
À Cannes, la ministre a voulu rassurer les libéraux sur ses intentions, sans pour autant désespérer l’hôpital. « J'ai cru comprendre que certains trouvaient mes interventions trop hospitalocentrées ces dernières semaines. C'est une erreur d'appréciation. Je ne vois pas ce que notre système de santé aurait à gagner à l'affaiblissement de l'hôpital public », s’est-elle défendue.
« La ministre a beaucoup reculé à l’université d’été du CSMF », estime un membre du SML. Pour autant, son président, Christian Jeambrun, qui reçoit Marisol Touraine ce vendredi à Lille à l’occasion du Congrès annuel de son syndicat, entend lui rappeler son refus d’adhérer à « un parcours de santé qui ressemble à un programme de santé de dispensaire à l’anglaise ». « Pas question de se voir imposer un schéma de ce type », martèle le Dr Jeambrun. Le leader syndical plaiderait plutôt pour un parcours de soins à entrées multiples, non pénalisant pour le patient. « On a vu les limites du parcours de santé actuel, nous ne voulons pas le supprimer mais l’améliorer », nuance-t-il.
Décidément, ambiance garantie à Lille:? sur les expérimentations en médecine de proximité annoncées par Marisol Touraine à la fin de l’été, le SML tire aussi à boulets rouges et entend bien le lui faire savoir. « On me dit au ministère que j’ai mal interprété ses propos, mais la mise en place de ces expérimentations dans deux régions que nous ne connaissons pas encore prévoit un parcours de santé forfaitisé à entrée unique en collaboration avec d’autres professionnels de santé », explique Christian Jeambrun. « Comme ce processus pourrait se généraliser, cela revient à dire qu’il n’y aurait plus de paiement à l’acte », conclut-il inquiet. Alors, comment Marisol Touraine va-t-elle jongler entre les différentes susceptibilités syndicales ? Et quelles surprises réserve-t-elle à la médecine de proximité ? Réponse dans trois jours.
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