LES RELATIONS entre les médecins libéraux et les infirmières, les kinésithérapeutes, les pharmaciens, les psychologues, les diététiciens, les podologues, les orthoptistes et autres paramédicaux sont forcément complexes, notamment parce que les premiers prescrivent et que les autres exécutent. Mais les médecins interrogés par « le Quotidien » assurent que leurs relations avec les autres professions de santé sont bonnes, à de très rares exceptions près. Ce qui peut compliquer leurs relations n’est pas un problème de champ de compétences mais la question démographique : pour les médecins contactés, le principal souci, avec notamment les infirmières ou les kinés, tient à leur rareté et à la difficulté d’en trouver.
Le Dr Michel Chahinian est généraliste à Clamart depuis près de 25 ans. Avec une expérience du terrain qui lui simplifie pas mal de problèmes. «Après tant d’années passées dans la même ville, indique-t-il au “Quotidien” , je connais tout le monde, que ce soient les infirmières, les pharmaciens ou les kinés.» Heureusement, d’ailleurs, car cette commune de la banlieue sud de Paris est confrontée, comme beaucoup d’autres, à une pénurie de paramédicaux. «Par exemple, ajoute-t-il, si je prescris à un patient âgé une ordonnance pour des soins et une toilette à domicile, j’appelle moi-même l’infirmier car je le connais bien et il me refuse rarement quelque chose. Si le patient appelle lui-même, il a de grandes chances d’être refusé. Les infirmiers et les kinés sont si peu nombreux à Clamart que c’est la croix et la bannière pour les faire se déplacer.»
La visite à domicile, mission impossible.
Un témoignage confirmé par les autres médecins contactés. Par exemple, le Dr Martine Raynaud, généraliste à Bondy, en Seine-Saint-Denis : «Pour ce qui concerne les kinés et les infirmières, il y a une grande pénurie. Ceux qui restent sont vraiment débordés et obtenir une visite à domicile pour un patient est devenu presque impossible.» Mais le Dr Raynaud a quelques petits trucs pour obtenir les faveurs de ces professions si courtisées : «Je connais les méthodes des infirmières avec lesquelles je travaille le plus, je connais leurs petites habitudes, leurs préférences en termes de soins, et je prescris en conséquence.» Et ça marche. «Du coup, mes relations avec les infirmières sont vraiment excellentes.» Chacun a sa méthode pour faciliter les relations avec les infirmières ou les kinés. Le Dr William Roy, qui exerce dans le quartier du Marais, en plein coeur de Paris, a pris l’habitude de «téléphoner régulièrement à ces professionnels pour parler du suivi des patients». Autant de raisons de garder le contact et de perpétuer de bonnes relations avec des professionnels très recherchés. D’autant que, selon le Dr Chahinian, la situation s’aggrave. «La pénurie d’infirmiers et de kinés pose de plus en plus de problèmes et c’est chaque année plus dur de garder les personnes âgées à domicile à cause de ça. Il m’est déjà arrivé de téléphoner à six infirmiers différents sans que personne ne soit en mesure de répondre positivement.»
Les médecins interrogés par « le Quotidien » se sont tous essentiellement polarisés sur trois professions : infirmières, kinés et pharmaciens. Certes, le Dr Raynaud explique que la pénurie est la même dans sa ville pour les orthophonistes, mais qu’en revanche, côté pédicures et podologues, l’offre reste abondante. Mais ce sont les trois professions citées plus haut qui concentrent l’essentiel des commentaires.
Substituer en conséquence.
Avec les pharmaciens, le Dr Chahinian assure qu’il ne rencontre guère de difficultés. «Avec eux aussi je n’ai aucun souci et nous travaillons en bonne entente. Il est vrai que nous, médecins, ça nous agace parfois un peu qu’ils substituent nos prescriptions, mais aujourd’hui c’est devenu la norme. Comme, de plus, je prescris de plus en plus en DC, ça me pose moins de problèmes.» Même tonalité chez le Dr Raynaud : «Si les pharmaciens ne s’amusent pas à substituer mes prescriptions par un médicament qui ne me plaît pas, tout va bien. Mais les pharmaciens de mon quartier me connaissent et ont pris l’habitude de substituer en conséquence.» Dont acte. Cependant, comme le reconnaît le Dr Roy, les choses ne sont pas toujours aussi roses. «Avec les pharmaciens, mes relations sont distantes, mais courtoises. Parfois, je trouve un peu irritant qu’ils prescrivent à un patient une décoction au cassis pour une infection urinaire, par exemple. Ces patients arrivent ensuite à mon cabinet alors que l’infection s’est aggravée. En revanche, je n’ai aucun problème avec leur droit de substitution, et je prescris moi-même assez souvent en DCI.»
Conclusion du Dr Chahinian : «Au jeune médecin qui vient s’installer en ville, et qui n’a donc pas de contacts avec les infirmières et les kinés, je souhaite bien du courage. Mais si vous êtes là depuis longtemps et que vous faites partie de réseaux, c’est sensiblement plus facile.»
Effectifs en France métropolitaine au 1er janvier 2006 (exercice en libéral) | |||
HOMME | FEMME | TOTAL | |
Pharmacien | 16 217 | 17 791 | 34 008 |
Sage-femme | 28 | 2 590 | 2 618 |
Infirmier | 9 727 | 55 495 | 65 222 |
Masseur-kinésithérapeute | 29 924 | 18 995 | 48 919 |
Orthophoniste | 557 | 12 559 | 13 116 |
Orthoptiste | 166 | 1 828 | 1 994 |
Psychomotricien | 133 | 470 | 603 |
Pédicure-podologue | 3 474 | 7 224 | 10 698 |
Ergothérapeute | 17 | 79 | 96 |
Audio-prothésiste | 488 | 207 | 695 |
Opticien-lunetier | 3 738 | 1 643 | 5 381 |
Source : Drees, mai 2006. |
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