DEPUIS CERTAINS scandales médiatisés, comme le prétendu clonage du Coréen Hwang en 2005, la recherche internationale est entachée d’un certain soupçon. Les questions de conflit d’intérêt, d’honnêteté scientifique, de pression des sponsors industriels ont été soulevées avec vivacité. C’est sur cette toile de fond que la 16e Journée d’éthique médicale, organisée conjointement par l’institut Maurice-Rapin et le Laboratoire Pfizer, a pris pour thème cette année la manipulation des données dans le cadre de la recherche clinique. Afin de mieux cerner l’étendue du problème en France, de comprendre quel contexte les favorise. Et d’esquisser des réponses.
Qu’est-ce que la fraude en matière de recherche clinique ? «Cela va de la contrefaçon à la falsification des données, avec l’intention de tromper», explique Pierre-Henri Bertoye, du département de l’inspection de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé).
En apparence, en France, le phénomène n’est pas de grande ampleur ; la fraude toucherait «des activités isolées, et pas de grands enjeux thérapeutiques». Une soixantaine de dossiers sont inspectés chaque année et 17 affaires ont donné lieu à condamnation ces derniers temps. «Un chiffre biaisé», reconnaît Pierre-Henri Bertoye, du fait que peu d’essais cliniques sont inspectés. La fraude est donc «sous-estimée».
La manipulation des données est le fruit de personnalités fraudeuses, bien sûr, mais le contexte n’y est pas étranger. Dans la recherche institutionnelle, elle est favorisée par un système de reconnaissance qui repose surtout sur la publication dans les revues scientifiques, donc, sur un effet d’annonce. Même non financiers, les conflits d’intérêts entre chercheurs sont donc inhérents au système. «Peut-être faut-il rappeler que la recherche clinique n’existe que grâce à ceux qui n’en font pas, et qu’elle est au service de malades, non des carrières», rappelle, un brin ironique, Joël Ménard, délégué à la recherche clinique de l’AP-HP.
Comment lutter contre la malhonnêteté ? L’arsenal administratif, très lourd, qui tend à protéger le patient soumis à des recherches est «un leurre», selon François Lemaire, président de l’institut Maurice-Rapin. «Les essais provoquant des accidents sont souvent faits dans les normes, explique-t-il. Il ne faut pas se faire d’illusion et plutôt miser sur la formation et l’éthique des investigateurs.» Reste à mettre en place ces programmes dans les facultés.
Des répertoires publics.
Autre cheval de bataille : la constitution de répertoires publics de tous les essais, y compris les essais négatifs. Depuis des décennies, les éditeurs de revues scientifiques font du lobbying en ce sens, afin d’avoir accès aux informations les plus vérifiables. Pour François Lemaire, il s’agit d’éthique de base : «Dans la mesure où la recherche clinique ne fait appel qu’à l’altruisme des patients quis’y prêtent, on leur doit que les données résultantes soient rendues publiques.» Respect du malade et transparence de la recherche y trouvent leur compte, et le législateur a fini par trancher en faveur de cette mesure par la loi de 2004. Les industriels, d’abord très réticents, ont fini par taire leur contestation, la loi autorisant à protéger certaines données. Reste maintenant pour l’Afssaps à mettre au point ce registre, à l’image de ce qui se développe dans les pays anglo-saxons.
Edouard Ferrand, prix d’éthique médicale
Depuis 2000, la Journée d’éthique médicale est l’occasion de récompenser un travail de recherche dans ce domaine. Le Dr Edouard Ferrand est le lauréat 2006 pour sa thèse de doctorat sur « L’apport de la recherche clinique à la réflexion éthique. L’application au processus de décision de limitation ou d’arrêt de thérapeutiques actives ». Praticien à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, Edouard Ferrand est l’auteur d’un rapport de 2005 dénonçant l’insuffisante prise de conscience des problèmes éthiques liés à la fin de vie en milieu hospitalier.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature