ANTIQUITES
PAR FRANÇOISE DEFLASSIEUX
O N connaît le royaume de Naples, son passé normand et capétien, ses cathédrales gothiques, ses châteaux forts dont l'influence se fait sentir sur l'architecture d'une grande partie de l'Italie du sud. On connaît aussi les Vêpres Siciliennes de 1282, qui chassèrent définitivement les Français de l'île.
Les manuels d'histoire sont beaucoup moins loquaces sur les pulsions expansionnistes qui poussèrent Charles d'Anjou à la conquête d'une grande partie de l'Europe de l'est : Par le jeu des mariages, il installe la dynastie sur le trône de Croatie (1292-1409), de Hongrie, de Pologne, et, de manière plus éphémère, voire virtuelle, sur la Serbie et la Bosnie. Avec toujours en point de mire la reconquête du royaume de Jérusalem.
Ces dynasties sombrèrent successivement dans la violence au cours du XVe siècle, sans marquer durablement l'Histoire.
La seule trace encore visible et palpable de ces royaumes chimériques, c'est dans l'art et l'architecture qu'on les trouve.
C'est par souci de mémoire vis à vis d'une histoire qui ne le touche que de loin, que le conseil général de Maine et Loire a mis sur pied l'étonnante exposition de l'Abbaye de Fontevraud.
Installée dans l'immense dortoir des religieuses de Fontevraud, elle confronte pour la première fois plus de deux-cents objets venus d'une demi douzaine de pays différents, dont beaucoup sortent pour la première fois de leur musée ou de leur monastère hongrois ou croate. Tous les genres sont représentés : peinture, sculpture, enluminure, orfèvrerie...
Les objets les plus précieux ou les plus fragiles figurent sous forme de copies, comme le reliquaire de Saint-Siméon, (XIVe siècle) (la photo de l'original est dans le catalogue). C'est aussi sous la forme de copies XIXe que l'on peut encore admirer de nombreux objets détruits lors de la Seconde Guerre mondiale, comme les « Chroniques enluminées » de Hongrie, dont l'original du XIVe était conservé à Budapest.
XIXe aussi, dans le plus style Troubadour stricto sensu, la statue du jeune Conradin, dernier des Hohenstauffen, décapité à 15 ans sur l'ordre de Charles d'Anjou. La tête du gisant de ce dernier, venue du musée de Capodimonte, est en revanche le vrai original.
Un grand nombre de reliquaires permet d'apprécier la variété du genre : cur, têtes, bustes entiers, mini-chapelles... Une châsses de la Sainte-Croix, début XVe, venue de Croatie, associe le vermeil et le cristal de roche. Certains sont de véritables bijoux, comme une feuille de lierre émaillée rouge qui ferait un très joli pendentif.
Les tableaux sont nombreux : un charmant panneau siennois du XIVe sur le thème de la Présentation de la Vierge, est visible, en temps normal, à la cathédrale de Bordeaux. Un retable à fond or de la Crucifixion, de la même époque, nous vient, lui, de Croatie.
Parmi les curiosités, on remarque le hanap de Sigismond formé d'une corne d'aurochs montée en argent niellé, prêté par la cathédrale d'Esztergom, en Hongrie.
L'exposition s'appuie sur un gros catalogue somptueusement illustré qui comble, par la photo, les manques inévitables. Il permet aussi de comparer les architectures des bâtiments civils et religieux qui portent la marque de l'influence capétienne. Les auteurs font la part belle aux héros et aux événements, et nous en apprennent beaucoup sur une histoire lointaine qui nous touche pourtant directement.
L'Europe des Anjou. Abbaye Royale de Fontevraud, 49590 Fontevraud. Jusqu'au 16 septembre, chaque jour de 9 h à 18 h 30. Entrée : 46 F.
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