« Jenufa », de Leos Janacek, à l'Opéra néerlandais d'Amsterdam

Quand les chanteurs sont aussi de bons acteurs

Publié le 07/10/2001
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CLASSIQUE

« Jenufa » n'est pas l'opéra le plus séduisant de Janacek. Une sombre histoire de famille morave où, pour sauver l'honneur et ménager un mariage possible, la marâtre de Jenufa, sacristine du village de surcroît, n'hésite pas à noyer froidement dans un torrent le nourrisson de cette dernière. On pense vaguement à l'affaire qui dans notre pays défraya la chronique de la dernière décennie du siècle passé ; de fait, Janacek, à la fois compositeur et librettiste, avait pris son thème d'une pièce naturaliste de Gabriela Preissova de 1890 inspirée d'un fait divers réel.

Née d'une longue gestation, « Jenufa », achevée en 1904, dut attendre les années vingt avant de connaître un avenir international. Paris ne l'a créée qu[212]en 1980, pas même en tchèque, et, presque un siècle après sa création à l'Opéra national de Brno, elle ne s'est pas autant imposée que sa sœur « Katia Kabanova » plus attrayante car si le contexte social y est aussi opprimant, le public s'identifie plus facilement dans une histoire d'amours contrariées que dans les intrigues villageoises et les sentiments bâillonnés de « Jenufa ». Il s'agit cependant d'un chef-d'œuvre d'une modernité stupéfiante dont Kafka écrivit : « Le livret est de la musique », et dans lequel Kundera voyait un acte polémique contre le romantisme.

Une réalisation plutôt stéréotypée

Mais rien de cela n'est fait pour effrayer le Nederlandse Opera qui s'est fait une réputation de taille dans le répertoire lyrique du XXe siècle et y a fait entrer « Jenufa » en 1997. Reprise par Marcel Sijm, la production des Anglais Richard Jones et Antony McDonald est de ces réalisations plutôt stéréotypées où l'on utilise volontiers tout l'espace scénique, refusant trop d'intimité et surtout tout naturalisme, manipulant les foules, vêtues de préférence dans le style d'une époque décalée par rapport à l'action. Souvent on s'y ennuie ferme si les chanteurs ne sont pas aussi de grands comédiens. Ce n'était pas le cas ici avec, dans les rôles principaux, cinq véritables acteurs, « bêtes de scène », peut-on même dire, tant le naturel de leur jeu et l'expression de leurs personnages donnait une lisibilité exceptionnelle à ce drame touffu.
Le soprano russe Elena Prokina (Jenufa) voix riche aux accents naturels, porte tout simplement à la compassion de sa condition de fille perdue. Kathryn Harries, véhémente Kostelnicka, sait trouver toutes les nuances psychologiques de ce rôle épuisant. En Starenka, la grand-mère, la vétérante Pauline Tinsley, fait preuve d'une grande autorité. Les deux ténors Peter Straka (Laca) et Kurt Streit (Steva) montrent un grand dramatisme vocal. L'excellent chœur de l'Opera néerlandais donne aux villageois moraves une vérité terrible. Tendant trop souvent à couvrir les chanteurs, Edo de Waart dirige avec clarté et passion le Radio Fhilharmonisch Orkest dans une œuvre dont l'extraordinaire originalité permet d'augurer encore de beaux jours au répertoire des théâtres lyriques.

Muziektheater Amsterdam (00.31.20.6.255.455) les 10, 13, 16, 19 et 23 octobre à 20 heures. Prochain spectacle, « Lear », d'Aribert Reimann, du 4 au 28 novembre.

A la clé

Tatsuya Shimono, Grand Prix du 47e Concours International de Jeunes chefs d'orchestre de Besançon

A l'issue de l'épreuve finale du 47e Concours International de Jeunes Chefs d'orchestre de Besançon qui fête cette année son cinquantième anniversaire, le Grand Prix de direction d'orchestre a été décerné à Tatsuya Shimono (Japon). Le Prix du public a été attribué à Naotaka Tachibana (Japon). Né en 1969 à Kagoshima (Japon), Tatsuya Shimono s'est vu offrir, outre un prix de 70 000 F, de nombreux engagements dans des orchestres du monde entier parmi lesquels l'Orchestre du Capitole de Toulouse, l'Orchestre philharmonique de Strasbourg et l'Orchestre de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne.

Journées Ravel

Les journées Ravel de Montfort-l'Amaury auront lieu les 6 et 7 octobre avec pour leur 6e édition une thématique poétique. Les pianistes Noël Lee et Dominique Merlet, le mezzo-soprano Hélène Hébrard, l'ensemble « Les Violoncellistes » participeront à ces journées.

Renseignements et réservations : 01.34.86.10.

Festival de danse à Cannes

Du 1er au 8 décembre aura lieu, sous la direction artistique de Yorgos Loukos, le Festival de danse de Cannes dont les invités seront cette année la Compagnie Toothpick de Tero Saarinen (Finlande), la Batsheva Dance Company (Israël), les Centres chorégraphique d'Orléans (Josef Nadj), de Lorraine, de Rillieux-le-Pape (Maguy Marin, du Havre (Hervé Robbe). Un hommage particulier sera rendu à Rosella Hightower par Monique Loudières.

Renseignements et réservations : 04.92.59.41.20. Site Internet : www.cannes-on-line.com

« Les Noces de Figaro » au Théâtre des Champs-Elysées

Après « Cosi fan Tutte », le chef belge René Jacobs poursuit son cycle Mozart avec six représentations des « Noces de Figaro » avec le Concerto Köln dans une mise en scène de Jean-Louis Martinoty, avec Véronique Gens, Pietro Spanoli, Patricia Ciofi et Monica Bacelli.

Théâtre des Champs-Elysées (01.49.52.50.50) du 15 au 25 octobre. Prix des places : de 78 F à 721 F (11,89 à 109,92 euros).

Olivier BRUNEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6983