Amandine, le premier bébé-éprouvette tricolore, vient de fêter ses vingt ans. Née le 24 février 1982 par fécondation in vitro (FIV) grâce à l'équipe dirigée par le Pr René Frydman, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Antoine-Béclère à Clamart (Hauts-de-Seine), la jeune fille, étudiante en sciences, accepte pour la première fois de témoigner.
« Mes parents m'ont expliqué très jeune comment j'ai été conçue et (...) c'est comme si je l'avais toujours su (...), c'était normal, dit-elle. Je ne suis pas un exploit, je suis là, j'existe. » Naître « dans une rose, un chou-fleur ou une éprouvette, c'est pareil, non ? », interroge-t-elle. Avant elle, Louise Brown avait été le premier bébé au monde né par FIV, le 25 juin 1978, à Oldham, en Grande-Bretagne.
Depuis Amandine, les naissances dues à la procréation médicalement assistée (PMA) n'ont cessé de progresser. En vingt ans, 100 000 bébés sont nés en France par FIV : chaque année, on enregistre 45 000 FIV et 10 000 naissances. Pour la seule année 1998, 13 453 enfants sont nés grâce à la PMA, soit 1,8 % des naissances. Ce chiffre est en amélioration régulière grâce à la conjonction de divers facteurs : le renforcement de la technicité des centres, une meilleure sélection des patients volontaires, une plus grande efficacité de la stimulation ovarienne et le recours à la congélation d'embryons, puis à l'ICSI (injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde) depuis 1993, qui permet la prise en charge de l'infertilité masculine, en cause dans 50 % des cas.
Un avis attendu
Si ces pratiques sont désormais acceptées par tous, la dernière avancée de la PMA, le diagnostic préimplantatoire (DPI), risque fort de faire l'objet d'une polémique dans les mois à venir. Le père du premier bébé-éprouvette, le Pr René Frydman, révèle qu'il a demandé l'avis du Comité national d'éthique pour élargir son application à la conception de bébés-médicaments. Jusqu'à présent, la France admet une seule finalité au DPI : la sélection, après FIV, d'embryons non atteints par certaines affections génétiques, parmi lesquelles la mucoviscidose, la myotonie de Steinert, l'X fragile, la chorée de Huntington et la myopathie de Duchenne. Craignant des dérives eugéniques, le gouvernement français n'a donné son feu vert au DPI qu'en juillet 1999, huit ans après la naissance du premier bébé sélectionné génétiquement.
Accepté par beaucoup dès lors qu'il s'agit de s'assurer que l'embryon est sain, le DPI ne fait pas du tout l'unanimité dans le cadre d'un usage élargi, revendiqué par le Pr Frydman. Le premier enfant-médicament, Adam, est né il y a deux ans aux Etats-Unis, pour sauver sa sur Molly atteinte de l'anémie de Fanconi. La Grande-Bretagne vient à son tour d'autoriser le premier couple à utiliser la FIV suivi du DPI dans ce but. Cette fois, il s'agit de sauver Zain, 3 ans, atteint de thalassémie. Les parents ont déjà quatre autres enfants, mais aucun n'est histocompatible avec Zain.
La permission de recourir au typage HLA avant l'implantation vient d'être donnée par l'Autorité de fécondation humaine et d'embryologie (HFEA). A la naissance de l'enfant, les médecins pourront alors prélever des cellules souches, capables de régénérer la moelle osseuse, à partir du cordon ombilical.
Le but de l'opération, sauver une autre vie, est louable. Mais la guérison ne doit-elle pas rester le but direct de l'acte médical ? « Il convient de distinguer le typage HLA seul du typage HLA accompagné d'un DPI, qui présente quand même un intérêt médical, puisque, en plus de sélectionner un embryon compatible avec le frère ou la sur malade, il évite à ce même embryon de porter la mutation familiale, nuance Stéphane Viville, de l'unité fonctionnelle du DPI (CMCO, Strasbourg). Le projet de loi bioéthique interdit la fabrication d'enfant-médicament. Le Pr Frydman compte sur le CCNE pour inverser la tendance (en France, six couples au moins ont fait une telle demande) : si l'avis du comité y est favorable, le Parlement inclura peut-être un nouvel amendement dans ce sens.
Hormis le dépistage de maladies génétiques et la création d'enfants-médicaments, le DPI a d'ores et déjà une troisième application : le choix du sexe de l'embryon. « Trois centres proposent officiellement ce service (Australie, Corée, Inde), tous en faveur des garçons, selon Stéphane Viville. Sinon, on peut imaginer de faire des bébés-médicaments non plus pour les cellules souches du cordon ombilical, mais pour prélever leurs cellules souches adultes. Ce qui augmenterait beaucoup l'efficacité de la technique et le nombre de débouchés. »
Concernant la PMA en général, nombre d'évolutions sont nécessaires pour en augmenter le taux de réussite, qui ne dépasse guère les 30 %. Pour Stéphane Viville, l'avenir de la PMA repose sur « l'amélioration de la stimulation ovarienne, inefficace chez certaines femmes, l'amélioration des milieux de culture, la conservation des des ovocytes immatures, la maturation des gamètes in vitro et la cryoconservation des ovocytes ».
Les Raëliens multiplient les offres de clonage humain
« Venez et repartez dans votre pays enceinte de l'enfant de vos rêves ! » Moyennant 5 000 dollars, les femmes intéressées peuvent acheter les ovocytes de Raëliennes triées sur le volet.
Outre le trafic de gamètes, les Raëliens ont fait du clonage humain leur spécialité. Dans leur dernier communiqué, ils annoncent que leur société, Clonaid*, vient de démarrer le projet de cloner un malade en phase terminale, dans un endroit tenu secret. « L'homme en question, atteint d'une maladie incurable, n'a pas de famille et désire être cloné. Il a l'intention de léguer ses biens à la mère adoptive et d'abandonner le traitement qui le maintient en vie dès la naissance de l'enfant. » Selon les Raëliens, cet homme a déclaré: « Je veux naître une nouvelle fois avec une mémoire vierge et avec la possibilité de vivre uniquement les bons moments que j'ai vécu ». Le communiqué indique que cet homme figurait « en deuxième place sur une liste de 3 000 personnes ayant exprimé un intérêt pour investir dans les services de Clonaid. La mère porteuse est l'une des 50 jeunes femmes raëliennes sélectionnées pour prendre part au projet. » Raël décrit le clonage « comme une première étape dans un processus plus important qui permettra bientôt aux êtres humains de vivre indéfiniment et en parfaite santé physique et mentale. » En attendant que le clonage devienne réalité, la société Clonaid propose la conservation de l'ADN, en vrac, des animaux de compagnie, des couples homosexuels ou hétérosexuels stériles, des chevaux pur-sang, des soldats américains envoyés en Afghanistan, des personnes en fin de vie, des personnes en pleine forme, etc.
* Sites www.clonaid.com et www.rael.org.
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