C’EST UNE PLANCHE par essence savonneuse. Parce qu’elle n’est pas transparente, parce qu’elle est peu ou mal contrôlée, l’activité libérale qu’exercent dans leur établissement une partie des médecins hospitaliers alimente régulièrement la chronique. Dans son édition du 25 janvier, « Le Parisien-Aujourd’hui » a ouvert une nouvelle fois le dossier pour dénoncer « Ces grands médecins qui dérapent ».
Selon les dernières statistiques précises disponibles – une étude de la Caisse nationale nationale d’assurance-maladie fondée sur des chiffres de 1998 –, le secteur privé à l’hôpital concerne quelque 4 500 praticiens qui gagnent par ce biais 47 000 euros par an. Une moyenne qui recouvre des situations très hétéroclites, puisque certains hospitaliers affichaient, déjà en 1998, des honoraires privés dépassant les 150 000 euros annuels.
L’activité libérale des médecins de l’hôpital (universitaires ou non) est tout ce qu’il y a de plus légale. Elle existe depuis cinquante ans et leur permet de consacrer au maximum 20 % de leur temps à des consultations privées et d’utiliser des lits de leur service pour hospitaliser des malades personnels. Les honoraires sont fixés par entente directe avec le patient ; les médecins versent une redevance à leur établissement (de 20 à 30 % sur la base des tarifs conventionnels). Des contrats d’activité libérale lient les médecins à leur administration et, dans les hôpitaux, des commissions de l’activité libérale doivent veiller au respect des règles.
Fait pour retenir à l’hôpital les grands noms de la médecine, le dispositif essuie très régulièrement des attaques. En 1982, sa disparition est programmée pour 1986. Sans suite. En 1999, une opération transparence impose, entre autres, que ce soit l’administration des hôpitaux qui encaisse les honoraires perçus dans le cadre des secteurs privés ; elle est abandonnée en 2003.
Depuis quelques années, notamment du fait de la raréfaction de l’offre de soins dans certaines spécialités, plusieurs questions se posent. Le secteur privé ne met-il pas en péril l’égalité d’accès aux soins ? A-t-il pour certains patients valeur de coupe-file dans un hôpital dont il mobilise en outre une partie des moyens ?
Faux, rétorquent presque à l’unisson les médecins hospitaliers. «L’adage est toujours valable: le secteur privé retient les médecins à l’hôpital et attire les malades», explique le Pr Alain Autret, qui préside la Coordination nationale des médecins hospitalo-universitaires. «L’activité libérale est plébiscitée par la population. Des malades ne viendraient pas à l’hôpital public s’ils n’avaient pas cette possibilité d’y personnaliser la relation avec leur médecin. Par ailleurs, le secteur libéral est statutaire et parfaitement encadré. S’il y a des dysfonctionnements, tout existe pour qu’ils ne perdurent pas», renchérit le Pr Roland Rymer, président du Snam (Syndicat national des médecins des hôpitaux publics). Pour le Pr Rymer, le dispositif véhicule beaucoup de «clichés». Y compris sur la question de la rapidité des traitements : «Il y a aussi de l’attente dans les secteurs privés, ce n’est pas une spécificité de l’activité publique.»
Une activité en diminution.
A noter que, si aucune statistique ne le montre encore, il est probable que, après une longue période d’augmentation, la part des médecins hospitaliers ayant une activité libérale soit en diminution depuis quelques année – et continue sur cette pente dans l’avenir. Deux raisons à cela : l’instauration, en 2000, d’une prime de service public exclusif pour les médecins n’ayant pas de secteur privé ; la création toute récente, via la Lfss 2007, d’une retraite complémentaire pour les hospitalo-universitaires. Quel rapport entre la retraite et l’activité libérale ? Le fait, tout simplement, que pour les hospitalo-universitaires n’ayant pas droit à la retraite sur la partie hospitalière de leurs émoluments, cotiser à la Carmf (Caisse autonome des médecins retraités de France) grâce à leur activité libérale était jusqu’à présent le seul moyen de s’en constituer une. Certains étaient même prêts pour cela à travailler à perte dans le cadre de leur secteur privé, témoigne l’un d’entre eux.
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