EN 2004, 640 000 ENFANTS ont été contaminés par le VIH. Le continent africain, et plus particulièrement l'Afrique de l'Ouest, reste le plus touché.
L'enquête menée par les lauréats du prix Trémolières, Alice Desclaux (université d'Aix-Marseille) et Bernard Taverne (Institut de recherche pour le développement), tous deux médecins et anthropologues, les recherches réalisées sur le sang par le Dr Jacqueline Zittoun (laboratoire d'hématologie de l'hôpital Henri-Mondor, Créteil) et celles de Vanessa Rousseau, historienne, soulignent les difficultés rencontrées auprès des populations autochtones nourries de cultures ancestrales.
Le lait des mères séropositives est le premier véhicule du VIH. Or elles ne sont pas prêtes à adopter les solutions préconisées et utilisées dans les pays du Nord : le remplacement par le lait artificiel. Les études faites par les deux chercheurs démontrent la force des coutumes dans les structures sociales établies : influence des guérisseurs, respect des ancêtres, croyances dans les génies tutélaires, règles familiales, médecine indigène. La mère doit allaiter son bébé, faute de quoi, elle risque d'être rejetée par le groupe. Et même si, à force d'explications et d'informations, le système établi reconnaît l'intérêt de changer de méthode, le coût de l'achat des produits de substitution est totalement dissuasif. De même, les dispensaires, faute de moyens financiers, ne peuvent assumer la prévention.
Obstacles socioculturels.
Le bilan des anomalies hématologiques en Afrique réalisé par le Dr Zittoun est tout aussi alarmant. Plusieurs facteurs interviennent. Des facteurs génétiques, comme ceux qui sont en jeu dans les hémoglobinopathies et les enzymopathies : drépanocytose, déficit en G6PD, qui provoquent des anémies sévères aux conséquences mortelles (on dénombre 100 millions de porteurs en Afrique). Les facteurs nutritionnels, avec les carences en fer et en folate, surtout chez les jeunes enfants et les femmes enceintes et allaitantes. Les infections parasitaires, comme le paludisme ou la toxoplasmose, bactériennes, comme la tuberculose, et, enfin, virales (virus d'Epstein-Barr et lymphone de Burkitt, VHH8 et VIH).
Comment parvenir à éradiquer ces maux très lourds quand la prévention, seul moyen actuel de limiter les dégâts, se heurte aux règles socioculturelles codifiant la vie des communautés ? L'approche historique et ethnologique étaye les données scientifiques : au sang sont associés tabous et superstitions, hérités notamment de la tradition judéo-chrétienne et modelés par les représentations occidentales ; le monde musulman s'en est également emparé, avec les notions de sang pur et impur.
Le VIH trouve donc en Afrique un terrain favorable pour sa propagation, les différentes formes de prophylaxies (vaccinations diverses, éducation des populations en matière d'alimentation, etc.) qui se heurtent aux préjugés et aux traditions d'une société régie par des principes ancestraux difficiles à modifier.
A lire : « Allaitement et VIH en Afrique de l'Ouest », d'Alice Desclaux et de Bernard Taverne, Editions Karthala, 2000, en réimpression. « Le goût du sang », de Vanessa Rousseau, Editions Armand Colin, 2005, 26 euros.
Le prix Trémolières
Créé en 1982 à l'initiative du Dr Guy Héraud, endocrinologue et diabétologue, le prix Jean Trémolières, doté de 3 000 euros, honore la mémoire du pionnier dans le domaine de la nutrition. Il est attribué chaque année par l'Aprid (Association des praticiens pour l'information en nutrition et diététique) et récompense les travaux d'un chercheur sur la psychologie, les habitudes et les comportements alimentaires. L'approche étant pluridisciplinaire, ce prix est accessible à toute thèse ou mémoire de doctorat en histoire, sciences sociales, biologie ou médecine. Pour l'année 2005, les candidats doivent envoyer leurs études avant le 31 décembre à l'Aprid, dont le président est Bernard Messing, chef de service d'hépato-gastro-entérologie à Lariboisière (Paris) : BP 154, 75770 Paris Cedex 16, tél. 01.47.04.87.44, aprid@aprid.asso.fr.
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