Qu'il s'agisse de l'effet « référendum » (on évite soigneusement d'annoncer des mesures impopulaires) ou de lenteurs administratives habituelles, le résultat est identique : plusieurs dossiers cruciaux impliquant les médecins, les patients ou les complémentaires semblent « en suspens » depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Sur deux sujets hautement sensibles (le cahier des charges des contrats responsables fixant les règles de prise en charge des dépassements d'honoraires ; la diminution du taux de remboursement pour les patients qui ne respectent pas les parcours de soins), le blocage des décrets nécessaires semble démontrer qu'il est urgent d'attendre.
Quant à la réunion de la commission des comptes de la Sécu, que le gouvernement aurait pu programmer en mai, elle se tiendra après le référendum.
D'autres dossiers épineux avancent au rythme de l'escargot, comme la mise en place d'un dispositif cohérent d'évaluation des pratiques professionnelles et de formation médicale continue (FMC). Deux obligations légales dont les médecins attendent toujours les règles du jeu exactes.
Quant au roman à épisodes « démographie et permanence des soins », la conclusion reste à écrire. Malgré les diagnostics multiples, malgré l'accord tarifaire sur les gardes et astreintes, la question centrale du traitement des médecins exerçant dans les zones dites déficitaires reste entière. Il faudra pourtant appliquer un jour les mesures favorables (bonus, exonérations, primes) adaptées à l'exercice particulièrement difficile des praticiens concernés.
Le ministre de la Santé ne peut certes pas pousser tous les feux en même temps. Le suivi des réformes de la classification commune des actes médicaux (Ccam) et de la tarification à l'activité (T2A) pourrait déjà occuper un secrétaire d'Etat à temps plein. Il n'empêche que, parfois, à trop attendre, on s'expose au risque de la surenchère.
• Comptes de la Sécu : après le référendum
Moment fort de l'agenda médico-social, la réunion de la commission des comptes de la Sécu est depuis quelques années un rendez-vous délicat pour tout ministre de la Santé chargé de l'assurance-maladie. Cette année particulièrement, les prévisions actualisées (en l'occurrence pour 2005) de cette institution seront regardées à la loupe, presque un an après le vote de la loi sur la réforme de l'assurance-maladie. Car si certains signaux sont au vert depuis quelques mois (dépenses d'indemnités journalières en nette diminution, courbe de croissance modérée des soins de ville), d'autres sont franchement à l'orange (médicament, hôpital), voire carrément au rouge (tarissement des entrées de cotisations avec un chômage à deux chiffres). Dans ce contexte, l'objectif de réduction du déficit de l'assurance maladie à 8 milliards d'euros en 2005 reste-t-il accessible ? Philippe Douste-Blazy veut le croire. Début avril, le ministre annonçait, malgré un déficit historique du régime général en 2004 (12 milliards d'euros), une première « bonne surprise » sur les comptes, avec « deux milliards d'économies de plus que prévu » (la commission des comptes tablait, il est vrai, sur un trou de 14 milliards). Tous les espoirs seraient permis pour cette année. « Si la tendance se maintient », Xavier Bertrand n'a d'ailleurs pas d'inquiétude quant à l'intervention du comité d'alerte sur les dépenses .
Verdict de la commission des comptes dans quelques semaines, sans doute à la mi-juin. Après le référendum.
• Contrats responsables : le bras-de-fer
Très attendu par les trois familles de complémentaires (mutuelles, assurances et institutions de prévoyance), par les spécialistes libéraux et par les associations de patients, le décret sur les contrats complémentaires « responsables » (qui seront les seuls à bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux) fait l'objet, depuis des mois, d'intenses et permanentes tractations, retardant sa parution. L'enjeu principal de ce texte est en effet de fixer les règles de prise en charge des dépassements d'honoraires hors parcours de soins dans le cadre de ces contrats subventionnés qui seront mis en place en 2006. Longtemps, le gouvernement a hésité entre la logique stricte de la réforme de l'assurance-maladie (qui privilégie le parcours de soins et pénalise le « hors-piste ») et la recherche d'un compromis acceptable par les spécialistes (solvabilisation des dépassements d'honoraires par les complémentaires).
Il semblait ensuite que le gouvernement voulût imposer un reste à charge de sept euros pour les patients qui consultent un spécialiste en accès libre (secteur I ou secteur II pour éviter toute iniquité de traitement).
Pour les médecins du secteur II (autorisés à facturer des dépassements au delà de 32 euros), les complémentaires pourraient rembourser à loisir au-delà de ce seuil. Reste à savoir si cette option sera retenue. Le Dr Chassang, président de la Csmf, est très clair. « Si le gouvernement interdit intégralement le remboursement de tout dépassement hors parcours de soins, mettant à mort le secteur II, ce serait une déclaration de guerre. »
• Pénalisation des patients « hors réforme » : un gel programmé ?
La loi du 13 août avait prévu que la participation de l'assuré puisse être majorée pour les assurés n'ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant. Cette minoration du taux de remboursement pour les patients non vertueux, décidée par l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) dans des limites fixées par le gouvernement, devait logiquement intervenir à compter du 1er juillet, date d'application officielle des parcours de soins autour du médecin traitant. Mais, selon certains proches du dossier, le gouvernement, qui doit publier un décret préalable, serait tenté par le gel, voire l'abandon, de cette mesure impopulaire. « Elle n'est plus d'actualité », affirme un leader médical. « Le gouvernement ne va pas y toucher, il ne veut pas charger davantage la barque des assurés », confirme un autre. En fait, le gouvernement attendra le dernier moment pour se décider car il veut connaître le nombre exact de patients inscrits dans le dispositif du médecin traitant. Si le tiers des Français seulement est passé au médecin traitant, difficile de pénaliser tous les autres.
• Résidents : l'installation en question
L'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-Img) avait rendez-vous hier au ministère de la Santé pour discuter de l'ouverture d'un moratoire à l'installation visant à faciliter le premier exercice des futurs omnipraticiens. Après plusieurs mois de grève contre la nouvelle convention, le syndicat a obtenu de négocier ce point crucial, également réclamé par le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg). Les internes redoutent de pâtir de la mise en place du dispositif du médecin traitant à partir du 1er juillet. Ils souhaitent disposer d'une période pendant laquelle les patients pourront les consulter sans modulation du ticket modérateur. Cette mesure pourrait devenir inutile si le décret concernant les modulations du ticket modérateur est repoussé aux calendes grecques. Les patients seraient alors remboursés de la même manière après avoir consulté un médecin autre que leur médecin traitant.
• Démographie médicale : quelles incitations ?
Le secrétaire d'Etat à l'assurance-maladie, Xavier Bertrand, a annoncé que « 2005 serait l'année de la démographie médicale » (« le Quotidien » du 15 février). Après avoir chargé l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (Ondps) de dresser un état des lieux annuels de la profession médicale, le ministère de la Santé a demandé au Pr Yvon Berland de réunir une commission de la démographie médicale afin d'analyser les dispositifs incitatifs susceptibles d'améliorer la répartition des médecins sur le territoire. Dans son rapport, la commission indique avoir décelé d « sérieux risques pour demain » dus à « une diminution programmée de l'offre de soins et à l'évolution des comportements des jeunes médecins » (« le Quotidien » du 3 mai). Certaines mesures incitatives, déjà opérationnelles, sont « totalement inconnues des professionnels de santé » car « peu lisibles », souligne la commission dans son rapport.
Plusieurs aides ont pourtant vu le jour avec la loi sur l'aménagement des territoires ruraux définitivement adoptée en début d'année. Il est ainsi prévu des aides des collectivités territoriales pour les médecins qui désireraient de s'installer dans certaines zones rurales « en déficit en matière d'offres de soins », mais la nature et les conditions d'attribution de ces aides doivent être fixées par décret en Conseil d'Etat. Le médecin peut bénéficier d'une exonération de la taxe professionnelle pendant deux à cinq ans s'il s'installe « dans une commune de moins de 2 000 habitants ou située en zone de revitalisation rurale ». Une indemnité d'étude et de projet professionnel peut également être attribuée à tout étudiant en médecine, à partir de la première année du troisième cycle, s'il s'engage à exercer comme médecin généraliste au moins cinq ans, dans l'une des zones déficitaires. D'autres mesures sont à l'étude mais tardent à être mises en place, comme le statut du collaborateur libéral.
Par ailleurs, certains s'interrogent sur les suites de l'accord conclu entre l'assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux (Csmf, SML et Alliance) relatif à la permanence des soins. La revalorisation des gardes et astreintes sera-t-elle suffisante pour ramener les médecins généralistes dans les tours de garde ?
• EPP-FMC : les deux font-ils toujours la paire ?
L'évaluation des pratiques professionnelles (EPP), rendue obligatoire par la réforme de l'assurance-maladie, est aujourd'hui sur les rails. A partir du 1er juillet, tous les médecins de France disposeront d'un délai de cinq ans pour satisfaire à cette obligation, sous peine de sanctions disciplinaires. De grandes interrogations planent sur le financement du dispositif dont le coût est évalué à plus de 25 millions d'euros. La Csmf et les unions souhaitent obtenir une enveloppe financière suffisante et transitoire du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (Faqsv). Certains experts se demandent comment s'articulera l'évaluation avec la formation médicale continue (FMC). Une réunion à la Haute Autorité de santé (HAS) devait réunir hier à cet effet les responsables de l'évaluation pour les médecins libéraux (unions régionales), les hospitaliers (commissions médicales d'établissemen) et les médecins salariés.
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