Surprise et raretés
Un homme âgé de 31 ans présentait de longue date une histoire de rhino-conjonctivite évoluant de mars à mai (1). Ce patient possédait depuis un an un caméléon comme animal de compagnie et souffrait de prurit, d'érythème et de poussées urticariennes au contact de son animal préféré. Ces réactions apparaissaient rapidement après le contact et n'étaient pas observées chez d'autres personnes dans les mêmes conditions.
Les tests cutanés ont confirmé une allergie aux pollens de bétulacées et ont mis en évidence des sensibilisations aux acariens domestiques, aux épithélias du chat et au Ficus benjamina.
En reprenant l'histoire, les investigateurs ont appris que le caméléon se promenait sur un ficus présent au domicile du patient dont il ne souffrait pas a priori sur le plan respiratoire. L'examen des feuilles du ficus ont permis de constater la présence de traces de griffure. De fait, les griffes du caméléon portaient des particules de latex du ficus.
Il s'agissait donc d'une allergie au Ficus benjamina par procuration via un caméléon !!!
Premier enseignement : en allergologie, il faut penser au portage de l'allergène avant de vouloir s'ingénier à mettre en cause le responsable du portage. Deuxième enseignement : il faudra encore attendre pour lire une étude probante d'allergie au caméléon lui-même. Sait-on jamais, l'adoption de reptiles comme animaux de compagnie se développant, ce n'est peut-être pas sans espoir ?!
La patate douce, Ipomoea batatas, membre de la famille des Convolvulaceae, est largement utilisée dans l'alimentation. Pourtant, il n'y a pas de réactions allergiques publiées.
Des auteurs espagnols (2) rapportent trois cas d'allergie à la patate douce, parmi lesquels un seul patient présentait un état allergique connu.
Les réactions étaient assez sévères : urticaire généralisée, angio-œdème, chute tensionnelle, nausées, vomissements.
Les explorations suivantes ont été pratiquées : prick-prick natif, prick avec extrait, Elisa Ig E et immunoblot. Tous les tests cutanés étaient négatifs, mais des Ig E spécifiques ont été détectées par Elisa et/ou immunoblot dans les trois cas. Les bandes allergéniques retrouvées étaient de 54-64 kD, 19-24 kD et 74 kD. Les tests pratiqués avec les autres aliments étaient tous négatifs.
A priori, il s'agit ici des trois premiers cas d'anaphylaxie à la patate douce.
Voilà donc une nouvelle allergie alimentaire qui ne manquera pas de se développer du fait de la mondialisation des cuisines exotiques.
Quand l'hévéa cache la forêt de ficus !
L'arbre ornemental Ficus benjamina (FB) est un nouvel allergène intérieur potentiellement associé à l'hypersensibilité à la figue (Ficus carica). Une étude (3) a eu pour but d'évaluer la prévalence de la sensibilisation à FB et d'étudier les réactions croisées avec d'autres fruits ainsi qu'avec le latex d' Hevea brasiliensis, le caoutchouc naturel.
Au total, 4 930 patients suspects d'être sensibles aux aéroallergènes ont été testés de façon consécutive.
Parmi les 2 662 sujets réagissant aux aéroallergènes, 66 réagissaient à FB soit 2,5 %. Dix d'entre eux avaient une allergie isolée à FB. Seuls 10,6 % des sujets positifs à FB étaient aussi positifs au latex d' Hevea brasiliensis. La sensibilisation au FB était spécifiquement associée à des tests cutanés positifs à la figue fraîche (83 %), à la figue sèche (37 %), au kiwi (28 %), à la papaye (22 %), à l'avocat (19 %), à la banane (15 %) et à l'ananas (10 %). Ces résultats ont été confirmés in vitro (inhibition du Rast).
Il semble donc que l'allergie au latex de FB, constatée chez 2,5 % de sujets atopiques, soit largement indépendante de l'allergie au latex d' Hevea brasiliensis. Cette sensibilisation est en revanche communément associée à une allergie à la figue et aux autres fruits exotiques. La réaction croisée est médiée, au moins partiellement, par des thiolprotéases et non pas par des allergènes hevein-like.
Cela pose le problème de la prévention des accidents au latex per-opératoires. Que doit-on faire des patients allergiques à FB lorsqu'ils doivent subir une intervention chirurgicale ? En effet, 10 % des allergiques à FB le sont aussi au latex d' Hevea brasiliensis.
Manioc et latex, le futur couple à la mode ?
L'allergie au latex est souvent associée à une allergie aux fruits. Une équipe brésilienne (4) a décrit les cas de deux femmes allergiques au latex qui ont développé des réactions anaphylactiques avec urticaire et bronchospasme juste après avoir mangé du manioc bouilli.
Chez ces deux patientes, les tests cutanés aux aéroallergènes classiques étaient négatifs, alors que ceux pratiqués avec du manioc cru et bouilli étaient positifs. Elles présentaient aussi des tests positifs à la papaye fraîche et, l'une d'elles, à l'ananas. Les tests étaient en revanche négatifs pour la banane, le kiwi et la châtaigne (fruits du groupe latex). Toutes deux présentaient des taux élevés d'Ig E spécifique du latex. L'inhibition du Rast a révélé une réaction croisée entre le latex et le manioc. Le test de provocation orale en double insu a été pratiqué jusqu'à une dose cumulée de 20 g, puis en ouvert : les patientes n'ont réagi qu'à 30 g.
Ces deux observations confirment ainsi les résultats d'études précédentes dont celle de Gaspar et al. (Allergy, 2003) : il faut définitivement ajouter le manioc à la liste des aliments qui croisent avec le latex.
Une information à connaître à l'heure où le brassage des populations et l'importation d'habitudes alimentaires d'outre-mer peuvent confronter l'allergologue français à une allergie au manioc dans le cadre d'une sensibilisation au latex. Dans cette étude, il est cependant dommage que les auteurs n'aient pas pratiqué d'immunoblot. En effet, ces deux femmes, tout en étant bien allergiques au latex, ne présentaient pas d'allergie croisée aux classiques fruits du groupe latex. La ou les protéines de latex qui croisent avec celles du manioc ne sont peut-être pas les mêmes qui croisent avec les fruits du groupe latex.
(1)D'après R.Jarisch et coll., Vienne, Autriche.
(2) D'après A. Velloso et coll., Madrid, Espagne.
3) D'après W. Hemmer ,Vienne, Autriche.
4) D'après C.E.S. Galvao et coll., Sao Paulo, Brésil.
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