En ville et à l'hôpital, la permanence des soins a pris ses quartiers d'été

Quand la Vienne montre l'exemple

Publié le 16/07/2003
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C'est une organisation de la régulation médicale qui pourrait faire école à l'heure où la prise en charge des soins non programmés reste un défi posé aux médecins et aux pouvoirs publics sur l'ensemble du territoire.

Dans la Vienne (86), tous les acteurs impliqués dans la permanence des soins (médecins libéraux, responsables hospitaliers, SAMU, agence régionale de l'hospitalisation - ARH -, Ordre, CPAM, services déconcentrés de l'Etat) ont collaboré pour créer, depuis le 1er juillet, un système qui tente de répondre aux attentes des patients, mais aussi des professionnels : celles des généralistes, d'abord, qui ont exprimé ici comme ailleurs leur souhait « de ne plus être dérangés jour et nuit », celles du SAMU-centre 15 qui, pendant la grève des gardes, avait vécu une situation de « crise permanente ».

Un centre de régulation à côté du 15

Premier étage de la fusée : la création d'un numéro d'appel spécifique (05.49.38.50.50) pour filtrer le recours aux généralistes de garde la nuit, le week-end et les jours fériés, le 15 étant réservé, si possible, aux « appels lourds » (urgences vitales). Une campagne de communication locale sur le « bon usage » de ces deux numéros d'appels doit favoriser la prise de conscience des assurés. « Le SAMU ne souhaitait plus réguler les appels libéraux, explique un généraliste du département qui a participé au projet . Notre idée a été de dissocier l'urgence15 c'est-à-dire l'infarctus, l'embolie pulmonaire ou l'accident de la route avec des blessés, de l'urgence libérale plus relative (mais qui peut également se révéler grave), avec la volonté de donner une réponse adaptée et équitable sur tout le département. » Ce principe de la régulation partagée des appels étant acquis, l'Ordre et les généralistes ont organisé en concertation avec l'assurance-maladie et l'Etat la « sectorisation » (découpage géographique) du département en 28 zones de garde, avec un médecin responsable par secteur, aucun canton ne devant rester « découvert ». La liste des généralistes disponibles est établie chaque trimestre. Comme le prévoit la convention, la caisse primaire verse aux médecins d'astreinte désignés un forfait de 50 euros correspondant à 12 heures de disponibilité, auquel s'ajoute, bien sûr, le paiement des actes éventuels réalisés.

Régulation : 3C de l'heure pour les généralistes

Mais, pour remotiver les généralistes sur le terrain, encore fallait-il créer les conditions d'une régulation efficace (capable de gérer en amont les nombreux appels sociaux, les conseils médicaux, la bobologie, etc.), valorisée financièrement, et qui travaille en bonne intelligence avec les médecins qui se déplacent (les « effecteurs »). « Ce qu'on voulait absolument, c'est un vrai filtrage, donc, plus de confort », résume un généraliste. Avec un objectif : diminuer, voire supprimer, les visites injustifiées en garde, et « désengorger le 15 ». Les généralistes du département ont pris les choses en main en créant en février 2003, au-delà des clivages syndicaux, l'Association des praticiens pour la permanence des soins dans la Vienne (APPS 86). Cette structure s'est engagée à trouver les généralistes volontaires (une soixantaine actuellement) pour assurer cette régulation médicale, logiquement accueillie dans les locaux du SAMU-15. Une formation à la régulation dispensée par les médecins du SAMU est prévue. Quant aux modalités, notamment financières, de la participation des généralistes à la régulation, elles ont été formalisées par une convention entre l'APPS 86 et l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (URCAM). Pour 2003, l'URCAM a accordé une dotation de 150 000 euros pour la rémunération des généralistes régulateurs (soit 3C de l'heure) et 35 000 euros pour le fonctionnement de l'association des médecins. L'ARH a financé de son côté la création de sept postes de permanencier (des agents hospitaliers formés), qui s'ajoutent aux neuf postes existants au SAMU de Poitiers.
Dans une période de flou juridique propice aux tâtonnements ou à la méthode Coué pour la permanence des soins, la Vienne fait partie de ces départements qui ont pris le taureau par les cornes.
« Nous avons voulu créer quelque chose avant qu'on nous impose un système national, résume le Dr Benas Eleftherios, généraliste en secteur rural et président de l'APPS 86. Le message que nous envoyons au gouvernement, c'est de privilégier dans les prochaines réformes les associations de terrain qui proposent des choses utiles, plutôt que les syndicats nationaux. Pour l'instant, la décentralisation en médecine, ça n'existe pas. » Jean-Pierre Raffarin, qui connaît bien la Vienne, et qui a fait de la décentralisation son cheval de bataille, entendra-t-il l'appel de la base ?

Cyrille DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7368