« J'ai dû faire un certificat médical pour autoriser un enfant à boire de l'Hépar, parce que la crèche l'avait demandé aux parents » : davantage que la masse des tâches administratives*, « c'est l'irrationalité des demandes qui nous agace », commente un membre du jury de la thèse en médecine générale que vient de soutenir Coralie Cellerier-Le Diset, à Besançon. Sujet de cette étude qualitative ? Le « ressenti des médecins généralistes par rapport aux tâches administratives », un travail pour lequel onze praticiens ont été interrogés lors d'entretiens semi-dirigés.
Premier enseignement : la notion de tâches administratives reste « très subjective », parce que les généralistes n'y mettent pas a priori la même chose, explique l'auteure. Un exemple : certains médecins traitants interrogés – minoritaires – estiment que la rédaction d'un courrier à un confrère fait partie des charges administratives alors que ce n'est pas le cas pour la grande majorité des autres.
Dossiers MDPH, APA, FSE, compta…
Selon cette thèse, un tiers de la consultation proprement dite est consacré « à la paperasserie », qui recouvre la télétransmission de la feuille de soin, la rédaction éventuelle de certificats, la gestion d'appels téléphoniques impromptus ou encore – plus chronophage – la constitution de dossiers pour la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) ou encore l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les assurances. Cela représente en moyenne 5 minutes par patient qui s'ajoutent au temps administratif que le médecin passe « hors consultation », souvent le soir ou le week-end.
Or, « ce temps administratif hors consultation est très variable », résume Coralie Cellerier-Le Diset. Il oscille entre deux heures par semaine (au mieux) et… 1H30 par jour pour gérer les demandes inopinées des patients, la lecture des comptes rendus adressés par les confrères, l'interprétation des résultats d'analyse, établir la comptabilité ou encore le réapprovisionnement… Impossible de généraliser car les praticiens ne réalisent pas les mêmes tâches (certains généralistes vérifient par exemple tous leurs versements en tiers payant, d'autre pas) et n'ont pas les mêmes aides (le recours à un secrétariat change évidemment la donne).
En 2012 déjà, dans une vaste étude de la DREES (ministère de la Santé) sur les emplois du temps des généralistes, les médecins de famille déclaraient avoir consacré en moyenne quatre heures « aux tâches de gestion, secrétariat, comptabilité, en dehors des consultations et des visites la semaine précédant l’enquête », ce qui représente 7 % de leur temps de travail hebdomadaire moyen. Or, si disposer d’un secrétariat est très fréquent pour les généralistes en groupe (76 %), ce n’est le cas que d’un tiers de ceux qui exercent seuls.
Le certificat, la bête noire
Autre enseignement : les griefs médicaux à l'égard des tâches administratives s'avèrent en réalité « la marque d'une insatisfaction plus diffuse », qui touche en premier lieu aux relations avec les caisses d'assurance-maladie. « Les médecins veulent d'abord être libres de leurs prescriptions », résume Coralie Cellerier-Le Diset. Conséquence : pour les généralistes, les conflits avec une caisse locale « qui leur demande des comptes » prennent volontiers le dessus sur les solutions aidantes proposées par l'assurance maladie sur l'Espace pro.
Autres sujets récurrents qui fâchent, illustre la thèse : les « bugs » informatiques et certains certificats médicaux longs à établir qui « ne servent à rien » . « Il sera peut-être nécessaire, au cours des années à venir, de refuser toute rédaction d'un certificat non exigé par la législation », avance Coralie Cellerier-Le Diset. La gestion des arrêts de travail – une des tâches identifiées comme les plus chronophages en consultation –pourrait sans doute être simplifiée, suggère l'auteure. « Pourquoi ne pas fonctionner comme nos voisins suisses », où le médecin n'intervient que lorsque l'arrêt de travail dépasse les deux jours ?
*Les tâches administratives sont celles qui ne se rattachent pas aux soins donnés directement au patient.
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