LE TEMPS DE LA MEDECINE
Vache folle et Buffalo Grill
La Cour de cassation a annulé les poursuites pour homicides involontaires contre les 4 dirigeants de Buffalo Grill, estimant que la mise en examen ne reposait pas sur des « indices graves et concordants ». L'instruction dont est chargée la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy porte sur une possible importation frauduleuse de viande britannique qui aurait exposé les clients de la chaîne de restaurants à un risque de contamination par le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Les 4 prévenus restent poursuivis pour mise en danger de la vie d'autrui, tromperie sur l'origine, la qualité et la nature de la marchandise (« le Quotidien » du 3 octobre 2003).
Pour Martin Hirsch, directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), c'est là l'exemple à ne pas suivre. La justice a décidé d'incriminer en « spéculant un lien entre une maladie et les circonstances dans lesquelles les victimes auraient pu être exposées, qui fait fi de ce que les spécialistes du sujet savent de la durée d'incubation minimale », écrit-il dans une tribune publiée par « Libération » le 15 janvier dernier. Martin Hirsch ne dit pas « qu'il n'y a pas des éléments à charge - peut-être que cette chaîne de restaurants a contourné la loi pour des motifs mercantiles », il conteste « le raccourci qui en fait la cause des effets sanitaires ». « Drôle d'époque, s'indigne-t-il, où ce sont les tribunaux qui disent les vérités scientifiques. » Pour le patron de l'AFSSA, il est urgent de repenser les modes de coopération entre les systèmes d'expertise des autorités judiciaires et des autorités sanitaires.
Affaire Perruche
En raison d'une trop grande disparité entre la réalité scientifique et la réalité judiciaire, c'est le législateur qui a mis un terme à la jurisprudence Perruche. Nicolas Perruche, 19 ans, est né lourdement handicapé, la rubéole de sa mère n'ayant pas été décelée lors de la grossesse. Un arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2002 avait confirmé ce rapport de causalité en introduisant la notion d'une indemnisation intégrale du handicap. Avec la loi du 4 mars 2002, dite « anti-Perruche », le seul préjudice matériel subi par la famille du fait du handicap de son enfant est pris en charge par la « solidarité nationale », et non plus par l'hôpital ou le médecin fautif.
Réduction des risques
Un dernier exemple, quelque peu à la marge, montre que la justice peut être en déphasage total avec la santé, là encore par défaut, sans doute, de synergie entre l'autorité judiciaire et l'autorité sanitaire. Jean-Marc Priez, ancien président de Techno Plus, association spécialisée dans la réduction des risques, a été poursuivi pour avoir provoqué et facilité l'usage de stupéfiants. Il lui était reproché d'avoir fourni des conseils à des usagers d'héroïne et de cocaïne. En réalité, le prévenu n'a fait que son métier d'acteur de la réduction des risques en empruntant à des « stratégies validées par les pouvoirs publics ».
Mais la loi de 1970 sur les stupéfiants stipule qu'il est interdit de présenter sous un jour favorable des produits illicites. En principe, le testing ou la distribution de matériel facilitant la prise de drogues sont passibles, eux aussi, de poursuites, alors qu'au nom de la santé publique ils sont recommandés « sur le terrain » par le ministère de la Santé et tolérés par l'Intérieur.
Finalement, le tribunal de grande instance de Paris a annulé les poursuites à l'encontre de Jean-Marc Priez (« le Quotidien » des 15 et 19 septembre 2003), pour vices de procédure.
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