TOUT D'ABORD, il y a les arguments de la comorbidité entre ces différentes pathologies. Les études qui se sont intéressées au sujet montrent qu'un trouble déficit de l'attention-hyperactivité (TDAH) existe en comorbidité dans quasiment 70 % des cas de syndrome de Gilles de la Tourette (ST). Des résultats plus récents indiquent que des TDAH et des ST peuvent être associés au syndrome des jambes sans repos (SJSR). En 2005, l'équipe de Konofal et coll. publiait dans la revue de publications cliniques que «44% des sujets ayant un TDAH ont présenté un SJSR et que 26% des sujets souffrant de SJSR présentent des symptômes de TDAH, ou le trouble lui-même».
En travaillant sur l'idée que le TDAH, le SJSR et le ST font partie d'un même spectre de pathologies sous-tendues par une physiopathogie commune liée à un déficit en fer, Konofal et coll. trouvent des arguments supplémentaires.
–Dans le cas du TDAH: les taux de ferritine (marqueur du pool total du fer contenu dans le corps) sont trouvés réduits par certains auteurs, avec une corrélation, semble-t-il, entre la sévérité des troubles et l'ampleur de la carence. D'autres observent l'effet positif d'une supplémentation en fer, qui atténue les symptômes.
– Dans le cas du ST: de la même manière, Peterson rapporte dans une étude cas-témoins des taux de ferritine significativement réduits chez les cas étudiés. Un autre auteur trouve que le putamen et le noyau caudé sont de taille réduite dans le cerveau de sujets déficitaires en fer, ces régions étant en cause dans la physiopathologie du ST.
–Dans le cas du SJSR: c'est là que les preuves d'une carence en fer sont les mieux documentées. Les études montrent que la sévérité du syndrome est proportionnelle à la réduction du pool ferreux. Les recherches se sont intéressées au contenu du fer du cerveau. En utilisant l'IRM, les estimations montrent une réduction du fer dans la substance noire de ces patients.
«A notre connaissance, indiquent les auteurs, les trois pathologies n'ont jusque-là pas encore été considérées comme faisant partie du même ensemble de troubles. Et rares ont été les auteurs estimant qu'une carence en fer pouvait être impliquée dans la comorbidité entre SJSR et d'autres désordres neurodéveloppementaux.»
Maintenant, il reste à comprendre les mécanismes. Selon E. Konofal et coll., «il est possible que la carence en fer conduise à un TDAH, un SJSR ou un ST via son effet sur le métabolisme de la dopamine, ou d'autres catécholamines».
Le système dopaminergique.
De fait, des anomalies portant sur les voies du système dopamigergique ont été objectivées dans les trois syndromes.
En complément, on sait qu'une carence en fer est susceptible d'affecter les systèmes dopaminergiques, tout comme d'ailleurs d'autres neurotransmetteurs, de différentes manières. Des études sur des modèles animaux ont montré qu'un déficit en fer provoque une réduction des récepteurs à la dopamine D1 et D2 du striatum, ainsi que de la densité des transporteurs de la dopamine (DAT). Et puis l'on sait que le fer est un cofacteur de la tyrosine hydroxylase, qui est une enzyme limitant la synthèse des catécholamines. Enfin, le fer est nécessaire à la myélinisation.
«Il est possible que les dysfonctionnements du système dopaminergique ne soient pas identiques dans les trois types de troubles.»
Par exemple, le fait que le SJSR peut être traité par des agonistes dopaminergiques et que le ST réponde aux antagonistes dopaminergiques indique que les voies dopaminergiques sont différentes pour ces deux maladies. Les expressions phénotypiques du déficit en fer sont aussi probablement variables d'un type de trouble à l'autre.
Evidemment, si l'hypothèse d'une carence en fer se confirmait dans ces trois maladies, on peut supposer qu'une supplémentation en fer pourrait représenter un traitement efficace, particulièrement simple à mettre en place en cas de comorbidité.
L'article peut être consulté en ligne sur : www.sciencedirect.com.
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