LES SPÉCIALISTES de l'obésité le disent tous : la télévision n'est pas votre amie. Sans que vous apparteniez forcément à la grande tribu des « couch potatoes » (littéralement, des pommes de terre de canapé), elle vous permet allègrement de cumuler les facteurs de risque de surpoids. Non seulement vous ne bougez pas en la regardant - à moins d'avoir installé votre matériel de fitness devant - mais en plus vous grignotez le plus souvent, motivés par les publicités alléchantes qui défilent sous vos yeux. Passionnés par ce programme, vous finissez par vous coucher bien tard, et la boucle est bouclée.
Facteurs de risque.
Selon l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes, service des recommandations professionnelles, septembre 2003), l'obésité de l'enfant augmente de façon significative en même temps que le nombre d'heures de télévision par jour. Plusieurs études établissent un lien entre ces deux facteurs, lien que l'on peut décomposer selon plusieurs paramètres. En premier lieu, la sédentarité, qui touche aussi bien les adeptes de la télévision que ceux des jeux vidéo ou de l'ordinateur. Ensuite, les prises alimentaires : les promoteurs du programme national Nutrition Santé (Pnns) expliquent que « dans des essais d'intervention portant sur la réduction du temps passé devant la télévision, une amélioration des marqueurs anthropométriques de l'obésité a été observée, parallèlement à une diminution des prises alimentaires devant la télévision ». Pour cette raison, le programme propose de réduire progressivement, en concertation avec l'enfant, le temps télévisuel « au profit d'autres activités ». Par ailleurs, les nutritionnistes constatent que les prises alimentaires devant le petit écran se font soit sous forme de grignotage entre les repas (le cas typique est l'enfant qui grignote devant la télévision en rentrant de l'école et n'aura pas faim au dîner, où il ne mangera que le dessert... sucré), soit lors d'un repas, de façon très rapide (on avale le repas qui n'est pas régulé par le rythme d'une conversation par exemple) et sans tenir compte du sentiment de satiété (absorbé par les images, on mange bien plus que nécessaire, par automatisme). Enfin, de longs temps télévisuels sont associés à des couchers plus tardifs. Or, explique-t-on à l'Anaes, « les études identifiées ont montré l'existence d'une relation entre une durée courte de sommeil et l'obésité de l'enfant », même en ajustant les facteurs relatifs au faible niveau d'activité physique ou au nombre élevé d'heures passées devant la télévision. On peut imaginer que les enfants qui passent leur temps devant la télévision sont aussi ceux qui bénéficient, pour diverses raisons, de moins d'attention de leurs parents, donc de moins d'éducation face aux messages publicitaires et de moins nombreuses occasions d'exercer des activités valorisantes et/ou physiques à l'extérieur. Il s'agit pourtant de leur apprendre à limiter le temps de télévision et, surtout, à utiliser la télévision plutôt que de la subir, en déterminant des plages précises et en apprenant à décrypter les messages publicitaires. « L'éducation alimentaire de votre enfant passe donc aussi par le développement de son esprit critique face à ces messages », assurent les promoteurs du Pnns.
Outil de communication.
Comme toute technologie, la télévision est avant tout un outil et ne peut être diabolisée comme telle. Elle sert de vecteur de communication, aussi bien pour les publicitaires (voir encadré) que pour des actions de santé publique. Toute la subtilité consiste donc à gérer le temps télévisuel et surtout à éduquer les jeunes (et les moins jeunes) face à ce média qui peut devenir intrusif si l'on n'y prend garde. L'un des enjeux consiste d'abord à comprendre un message publicitaire pour ce qu'il est. Ainsi, lorsque le Pnns conseille de manger cinq fruits par jour et qu'une marque de jus de fruits présente des spots où l'on voit un verre de jus d'orange trôner en haut d'une pile de quatre fruits, il ne faut pas, bien sûr, en déduire qu'un jus de fruits égale un fruit. « Beaucoup de parents laissent leurs enfants boire du jus de fruits à volonté en croyant bien faire », résume une nutritionniste, qui rappelle qu'un « cent pour cent pur jus sans sucre ajouté » peut réglementairement contenir un certain taux de sucre ajouté, du moment que le plafond au-delà duquel il faut le déclarer n'est pas dépassé. Pour ne pas être en reste, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) a lancé cet automne une campagne de spots télévisés pour limiter la consommation des produits sucrés. A l'image, les spots montrent pudiquement des produits sans marque, mentionnant simplement « boisson sucrée », « yaourt nature », « bonbons », « chocolat ». En effet, explique-t on à l'Inpes, « nous avons dû inventer de nouvelles lignes de produits n'existant pas dans le commerce », sous la pression de plusieurs industriels de l'agroalimentaire qui ont « clairement fait savoir qu'ils nous attaqueraient en justice si l'on pouvait reconnaître un seul de leurs produits sur nos images ». De leur côté, les Laboratoires Roche ont utilisé la publicité télévisée pour communiquer sur le surpoids auprès du grand public de façon institutionnelle. En somme, puisqu'on ne peut l'éviter, on cherche à retourner le problème, à la manière du PPD des « Guignols » qui s'exclame au petit écran : « Vous regardez trop la télévision, bonsoir ! »
Le point de vue de l'Afssa
Selon l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments :
- les enfants qui ont la télévision dans leur chambre sont plus obèses que ceux qui ne la regardent « que » dans le salon ;
- la réduction du temps passé à regarder la télévision suffit aussi à entraîner une diminution de l'obésité chez les enfants déjà atteints ;
- en France, la proportion de spots alimentaires destinés aux enfants est de 62 % en moyenne le mercredi, « 77 % sur la chaîne la plus appréciée qui leur est dédiée » (juillet 2004) (42 % pour les adultes) ;
- la publicité télévisuelle entraîne une augmentation de consommation non seulement du produit d'une marque, mais également de l'ensemble des produits de la catégorie ;
- 10 % des programmes regardés par des enfants de 4 à 10 ans sont des publicités.
L'agence défend donc le principe d'une régulation de la publicité télévisuelle destinée aux enfants.
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