Maladies auto-immunes spécifiques d’organes
En dehors des signes particuliers à chaque maladie, quatre signes cliniques majeurs ouvrent la discussion diagnostique : le vitiligo, les troubles pigmentaires, l’alopécie et le syndrome sec.
•Le vitiligo (photo 1) : localisé (cuir chevelu, organes génitaux) ou diffus (mains, membres, aisselles, paroi thoracique et abdominale), il est présent dans 10 à 43 % des maladies auto-immunes spécifiques d’organes, essentiellement la thyroïdite de Hashimoto, et la maladie de Basedow, mais également la maladie de Biermer, la maladie d’Addison, le diabète juvénile...
•Les troubles pigmentaires : ils vont de l’hypomélanose (pâleur albâtre de l’hypopituitarisme) au teint cireux de l’hypothyroïdie ou de la maladie de Biermer, en passant par la mélanodermie de l’addisonnien ou de la cirrhose biliaire primitive, qui vire à l’ictère dans les formes avancées, la caroténodermie des paumes des mains de l’hypothyroïdie, isolée ou associée au Poems syndrome (polyendocrinopathie- organomégalie-endocrinopathie-Composant Monoclonal-Skin Lesions).
•L’alopécie : habituelle dans le lupus érythémateux disséminé, elle est également présente dans 20 à 30 % des cas de maladies auto-immunes spécifiques d’organes, essentielle- ment les maladies thyroïdiennes ou surrénaliennes, surtout si elles sont associées (polyendocrinopathies auto-immunes).
•Le syndrome sec : signe emblématique de la maladie de Gougerot-Sjögren, il peut être isolé (maladie de Gougerot-Sjögren primitive) ou associé à d’autres maladies auto-immunes (syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire), le plus souvent des maladies systémiques (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, sclérodermie...) mais aussi à des maladies auto-immunes spécifiques d’organes comme la thyroïdite, la cirrhose biliaire primitive, la maladie coeliaque. Aussi, la recherche d’un syndrome sec est-elle souvent « juteuse » devant toute histoire d’asthénie répondant aux critères d’organicité, à confirmer par le test de Schimer, la biopsie d’une glande salivaire accessoire et le dosage des anticorps antinucléaires et anti-SSA.
Maladies systémiques
Six signes cliniques majeurs doivent attirer l’attention : polyarthrite -protéinurie et oedèmes, Raynaud, purpura, éruptions, livedo).
•La polyarthrite : les atteintes articulaires inflammatoires sont habituelles dans la plupart des maladies systémiques à un moment donné de leur évolution. En dehors de la polyarthrite rhumatoïde où l’arthrite est bilatérale et symétrique avec fixité des atteintes, elle est, dans les autres maladies systémiques, le plus souvent asymétrique, intermittente, prédominant aux mains, aux genoux et aux pieds.
•La protéinurie et les oedèmes: c’est à dessein que nous faisons apparaître la protéinurie dans le top 5 des meilleurs symptômes des maladies systémiques. Plusieurs raisons à cela :
– tout d’abord, pour mettre en garde le médecin de ne pas oublier la bandelette urinaire dans la démarche diagnostique de tout syndrome inflammatoire prolongé, à l’heure où l’examen des urines, pourtant essentiel en clinique, fait l’objet d’un désintérêt coupable de la part des médecins : «Examiner (mirer) les urines, c’est de la médecine à la papa», a envie de dire le jeune interne inexpérimenté, mais rompu à la biologie moléculaire et à la cybermédecine ;
– ensuite, parce que la plupart des maladies systémiques se compliquent tôt ou tard de glomérulonéphrites, qui peuvent être inaugurales et qui en aggravent toujours le pronostic (cas du lupus érythémateux disséminé, des connectivites mixtes, de la sclérodermie, de toutes les vascularites systémiques) ;
– enfin, parce que la découverte d’une atteinte rénale implique une réévaluation critique des choix thérapeutiques concernant les médicaments à élimination rénale.
•Syndrome de Raynaud : c’est un grand classique des maladies systémiques, à condition qu’il soit bilatéral ; situé en première ligne dans la sclérodermie ou le syndrome de Sharp dont il est souvent révélateur, il est également habituel dans le lupus érythémateux disséminé, la dermatomyosite, certaines polyarthrites, la périartérite noueuse et le syndrome de Gougerot-Sjögren (encadré). La manoeuvre de Allen est un test utile (photo 2) pour distinguer le Raynaud « coupable » (systémique) : revascularisation lente et hétérogène de la main après lever de la compression cubitale, du Raynaud « innocent » par simple vasospasme au froid, qui concerne, selon les régions, de 6 à 10 % de la population française.
•Le purpura : autre grand classique des maladies systémiques, le purpura (à condition qu’il soit non thrombopénique) ne mérite qu’une citation, tant il est diabolisé chez les malades (et les médecins), ce qui offre du même coup la garantie d’une reconnaissance immédiate et d’un transfert du patient sur le champ vers le spécialiste. En fait, il y a de nombreux types de purpura en pathologie, mais le seul qui signe la maladie systémique est le purpura déclive (mollets, jambes, chevilles, dos du pied) ; (les immuns complexes circulants obéissent aussi aux lois de la pesanteur et infiltré, c’est-à-dire palpable (photo 3). Dans cette configuration, il s’agit d’un signe clinique majeur qui affirme l’existence d’une vascularite. La biopsie est indispensable et permet de rattacher le purpura à une vascularite leucocytoclasique simple (infections, médicaments, purpura rhumatoïde) ou à une vascularite nécrosante systémique, qu’elle soit primitive (périartérite noueuse, maladie de Wegener, maladie de Churg et Strauss, micropolyangéite microscopique, cryoglobulinémie) ou secondaire à une autre connective.
•Eruption cutanée : l’érythème est avec les arthralgies un des signes les plus fréquents et les mieux connus des médecins dans les maladies systémiques ; les limites de cet exposé ne permettent pas d’en dresser un catalogue exhaustif. Il faut retenir que, dans les maladies systémiques, l’érythème ne gratte pas ; il est fixe, il desquame souvent et il apparaît le plus souvent en région exposée (visage, avants-bras, mains) et fait l’objet de descriptions très imagées (vespertilio du lupus [photo 4], érythème lilas des paupières de la dermatopolymyosite [photo 5]...), il est souvent plan mais peut être papuleux ou vésiculeux. Il peut siéger sur les mains, le thorax, le dos et prendre différents aspects (cocarde, annulaire, télangiectasique, polymorphe...). En fait, son intérêt dans les maladies systémiques est d’indiquer que, s’il est associé à une autre atteinte inflammatoire (articulaire, rénale, pulmonaire, neurologique), sa seule présence définit le cadre des syndromes cutanéo-systémiques, c’est-à-dire en fait des maladies systémiques tout court !
•Le livedo racemosa (photo 6) : désigne des marbrures violacées dessinant un réseau permanent, peu modifié par le froid, localisé le plus souvent aux membres inférieurs. Sa présence est très évocatrice de trois grands types d’affections systémiques : la périartérite noueuse (de 56 à 78 % des cas), les cryoglobulinémies (20 %) et le syndrome des antiphospholipides (de 4 à 55 %) ; les autres étiologies (embolies de cristaux de cholestérol, myxomes cardiaques, syndrome de Sneddon) n’appartiennent pas au cadre des maladies systémiques.
•Signes mineurs d’auto-immunité: de façon non exhaustive, on peut citer parmi les signes d’orientation utiles : les phlébites, surtout si elles sont récidivantes ou de topographie inhabituelle (syndrome des antiphospholipides), l’urticaire fixe (cas des vascularites urticariennes), l’érythrose palmaire (lupus), les hémorragies en flammèches sous-unguéales (Sapl) (photo 7), les télangiectasies péri-unguéales, les ulcères de jambe et l’anétodermie. Ce petit signe clinique, souvent méconnu, est très précieux dans le diagnostic des maladies systémiques. Il se présente sous la forme d’une petite hernie à la surface de la peau, secondaire à une disparition localisée du tissu élastique. Il est fréquent dans le lupus et dans ce cas corrélé à la présence d’un anticorps antiphospholipide.
Etiologies auto-immunes du syndrome de Raynaud
Sclérodermie systémique
Syndrome de Sharp
Lupus érythémateux disséminé
Dermatopolymyosite
Polyarthrite rhumatoïde
Périartérite noueuse
Syndrome de Gougerot-Sjögren primitif ou secondaire
Maladie de Buerger
Maladie de Takayashu
Maladie de Horton
Cryoglobulinémie
Thyroïdite
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