Lorsqu’il s’agit de prescrire un lait dans une pathologie bien précise, certains laits thérapeutiques sont « incontournables ». Les hydrolysats poussés de protéines de laits de vache sont indiqués dans le traitement des allergies aux protéines de lait de vache prouvées, qui concernent environ 1 à 2 % des bébés. Les hydrolisats poussés sont également indiqués lorsqu’un biberon de complément est provisoirement nécessaire au cours de l’allaitement maternel exclusif (maternité, pathologie de la mère contre-indiquant provisoirement l'allaitement), pour éviter une sensibilisation.
Prévenir les allergies
Les laits HA sont indiqués en prévention de l’allergie en cas de terrain atopique familial, de la naissance jusqu’à 4-6 mois. « Cela concerne théoriquement 15 à 20 % des bébés, mais en pratique les laits HA sont très peu prescrits. Les protéines contenues dans ces laits sont partiellement hydrolysées, ce qui diminue le risque de sensibilisation, mais la démonstration de leur efficacité n’est pas établie pour tous les laits HA du commerce. Si l’allergie aux protéines du lait de vache est avérée, seul un substitut à base d’hydrolysat poussé de protéines de lait de vache doit être utilisé, les laits HA ne sont pas indiqués », estime le Pr Patrick Tounian (Hôpital Trousseau, Paris). De même que les hydrolysats, les laits HA peuvent augmenter les régurgitations et modifier la consistance et la couleur des selles.
Exceptionnellement, en cas d’allergie aux hydrolysats, on peut avoir recours à des préparations à base d’acides aminés libres. Toux deux partagent cependant le même inconvénient de faible palatabilité. Un hydrolysat partiel de riz peut aussi convenir, du fait de l’absence de parenté antigénique avec le lait de vache. Son goût est meilleur.
Les préparations à base de protéines de soja (PPS), sont déconseillées avant trois ans en raison des phytoestrogènes qu’elles contiennent. « Les seules indications concernent désormais les familles végétaliennes qui n’acceptent aucun produit d’origine animale, et les nourrissons qui deviennent allergiques aux protéines de lait de vache vers 7-8 mois et qui refusent les hydrolysats à cause de leur goût. Mais avant de les prescrire, il faut pratiquer un test cutané, car l’allergie croisée aux protéines de soja et de lait de vache est fréquente : elle concerne 15 % des formes IgE médiées – celles qui peuvent provoquer un choc anaphylactique - et 50 % des formes digestives (intolérances, etc.) », met en garde le Pr P. Tounian. Dès 2005, l’Afssa recommandait d’utiliser des PPS à taux réduit en isoflavones et de ne pas dépasser 1 mg/kg par jour. Or les préparations actuellement disponibles sur le marché dépassent toutes la quantité recommandée !
La diversification alimentaire précoce, longtemps accusée de favoriser les allergies, est en voie d’être réhabilitée… surtout chez les enfants allergiques ! De nombreux travaux suggéraient déjà que plus on introduisait les aliments tard, plus l’enfant était allergique. « Une étude récente montre que la diversification précoce (à partir de 4 mois) chez les enfants allergiques diminue la quantité d’IgE spécifiques. En pratique, il serait même conseillé de commencer la diversification par les aliments les plus allergisants (œufs, poisson…) » ajoute le Pr P. Tounian.
Améliorer les troubles fonctionnels
Les laits « épaissis » (appelés « AR » en pharmacies, « confort » ou « premium » en magasins d’alimentation) sont indiqués chez environ 5 % des nourrissons. Ils diminuent de façon modérée les régurgitations et le reflux gastro-oesophagien « Ceux qui contiennent des fibres de caroube (uniquement des laits « AR ») s’épaississent dans le biberon, alors que ceux qui contiennent de l’amidon (riz, pomme de terre, tapioca ou maïs) s’épaississent seulement une fois dans l’estomac, il est donc important de bien l’expliquer aux parents. Le choix dépendra aussi de l’effet sur le transit : accélération pour la caroube et constipation pour certains amidons », souligne le Pr P. Tounian.
Sachant que l’intolérance primitive au lactose est rarissime, et que l’intolérance de type « adulte » permet en général d’en ingérer des quantités modérées, les laits appauvris en lactose sont indiqués essentiellement en cas de diarrhée aiguë sévère et ne concernent qu’environ 1 % des enfants.
Vérifier la réalité des bénéfices
Selon la loi, deux types d’allégations sont aujourd’hui reconnus pour les laits infantiles : les allégations nutritionnelles (100 % lactose, ou enrichi en acides gras essentiels) et les allégations santé (« accélère le transit intestinal », « contribue à diminuer l’incidence des manifestations allergiques »). Certains laits dont les bénéfices ne sont pas médicalement prouvés peuvent néanmoins présenter des bénéfices. Ainsi, les laits enrichis en acides gras polyinsaturés à longues chaînes favorisent le développement neurosensoriel non seulement des enfants nés prématurément, mais aussi des enfants à terme. Parmi eux, l’acide linoléique et l’acide alphalinoléique sont essentiels, car non synthétisés par l’organisme. Certains laits enrichis en probiotiques ont démontré une efficacité sur la prévention des gastro-entérites, mais il faut se garder des extrapolations, car ce qui est vrai pour une souche de probiotiques dans une formulation précise ne l’est pas pour une autre. Les laits enrichis aux prébiotiques seraient plutôt indiqués dans le traitement de la constipation et la prévention des allergies, mais là encore chaque souche doit avoir fait ses preuves.
Éviter certaines erreurs
Devant l’inquiétude des parents, certains médecins sont tentés de conseiller des changements de lait trop fréquents, alors qu’en pratique mieux vaut attendre quelques semaines après l’introduction d’un nouveau lait. Les changements non justifiés sont anxiogènes pour les parents et finissent par coûter cher… « Une autre erreur consiste à ne pas donner assez de lait à son bébé à partir du moment où l’on introduit d’autres aliments. Jusqu’à l’âge d’un an, un bébé a besoin de 500 ml de lait par jour, celui-ci peut être consommé seul ou mélangé avec des légumes ou des fruits dans un biberon », conseille le Pr P. Tounian. Enfin, contrairement à une idée reçue, les laits de croissance présentent un réel intérêt de 1 à 3 ans en relais des laits de suite (de 6 mois à 1 an), surtout pour prévenir une carence martiale. Par rapport au lait de vache, ils entraînent un surcoût de 10-15 € par mois, mais celui-ci est compensé par la diminution des besoins en viandes riches en fer.
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