ON AIMERAIT QUE l'opposition elle-même ait assez de sens politique pour saluer l'artiste. Même Ségolène Royal doit admirer, en son for intérieur, cette irruption en fanfare à la tête de l'Etat. Jamais en si peu de jours et si peu de mots, un président n'aura autant accompli.
D'abord, l'ouverture est un immense boulevard. Ce n'est pas un chemin semé de roses : elle fait hurler la gauche, elle inquiète la droite et plus particulièrement les candidats à la députation, elle consterne ceux qui ont servi loyalement M. Sarkozy et seront néanmoins privés de portefeuille, car «la loyauté, c'est bien, l'efficacité, c'est mieux».
La meilleure des stratégies.
Qui pouvait croire, il y a encore quelques jours, que Nicolas Sarkozy irait aussi loin dans l'ouverture ? Mais comment ne pas découvrir en même temps que c'est la stratégie la plus efficace ? Elle réintroduit la notion d'unité du peuple français (réclamée de manière assez pathétique par Jacques Chirac la veille de son départ), la plus utile à la formation d'une forte majorité autour de l'UMP, la plus déstabilisante pour la gauche, qui pousse des cris d'horreur, et pour le « Modem », le Mouvement démocrate de François Bayrou. M. Bayrou évalue sans doute l'exiguïté de l'espace auquel le confinent une possible réconciliation des radicaux et le ralliement à M. Sarkozy d'hommes comme Hervé Morin, qui se sont battus à ses côtés et se trouvent maintenant au gouvernement. Et à la Défense, de surcroît.
ON DISAIT QUE LE MOT RUPTURE RISQAUIT DE NUIRE A SARKOZY. LA RUPTURE C'EST POURTANT L'ASPECT LE PLUS FORT DE SA GOUVERNANCE
Le plus important, peut-être, c'est le style : les premiers gestes de M. Sarkozy ont été pour ceux qui n'appartiennent guère à sa famille, les syndicats de travailleurs par exemple, et pour l'Allemagne, notre moitié européenne.
Ensuite, celui à qui on a reproché ses trois jours sur un yacht n'a pas perdu une seconde pour s'emparer des problèmes conjoncturels : il veut régler la question d'Eads d'une façon qui ne soit pas pénalisante pour les employés, sacrifiés sur l'autel de la mauvaise gouvernance ; il se saisit personnellement du dossier Ingrid Betancourt, otage depuis cinq ans des insurgés colombiens.
Non seulement le nouveau président arrive au pouvoir avec un programme remarquablement articulé, mais il applique aussi le programme des autres. Le centre, cher à Bayrou ? Il est en train de le faire sans Bayrou. L'ouverture du PS, la synthèse socialiste ? Il les réalise à la barbe de M. Hollande car sa propre ouverture contraint le PS à donner au pouvoir un peu de sa chair : combien de fois a-t-on répété au PS qu'il devait entreprendre sa refondation ? Ils n'ont pas voulu changer ? Voilà que le sol se dérobe sous leurs pieds : la confusion politique qui commençait à déranger leur petit confort se transforme tout à coup en cyclone qui balaie les haies dressées autour des partis et des étiquettes.
Les socialistes ont préféré, ces dernières années, se livrer à un harcèlement du pouvoir en croyant, à tort, qu'ils discréditeraient de la sorte M. Sarkozy. Suprême erreur : non seulement ils n'ont pas freiné sa course vers l'Elysée, mais dès qu'il y entre, il apparaît aussitôt comme l'homme de la rupture, comme l'opposé absolu de Chirac. Un petit Napoléon ? Plutôt Bonaparte sur le pont d'Arcole.
La parole et l'action.
On peut certes comprendre que François Hollande et ses amis dénoncent une stratégie qui tend à diviser le PS et la gauche pour assurer l'hégémonie de l'UMP aux législatives et une marche forcée vers la concentration de tous les pouvoirs à droite. Ce qui est grave pour eux, cependant, c'est qu'ils ne peuvent que la dénoncer, donc qu'ils ne peuvent pas en empêcher la mise en oeuvre : tous ceux qui poussent des cris d'indignation en sont restés à la parole, alors que s'avance vers eux le bulldozer de l'action.
A gauche, on en est encore à médire de M. Sarkozy, de ses intentions malveillantes, du « danger » qu'il représente, de sa domination des médias, de ses relations étroites avec le monde des affaires, de son droitisme. Nous ne pouvons pas garantir qu'il n'a pas obtenu du « Journal du Dimanche » la suppression d'un article relatant la non-participation au vote au second tour de Cécilia Sarkozy ; mais s'il l'a fait, c'est raté, puisque tout le monde en parle. Est-ce de cette manière que la gauche va obtenir des suffrages aux législatives ? Jamais un « maître tout-puissant des médias » n'a été attaqué avec une telle mauvaise foi, tourné en dérision, critiqué, accusé de tous les péchés, voué aux gémonies dans à peu près tous les « talk-shows » ; et les artistes, les intellectuels, les journalistes les plus virulents ne se rendent même pas compte de la contradiction entre les propos systématiquement malveillants qu'ils prononcent contre Nicolas Sarkozy et l'atteinte aux libertés qu'ils voient venir : ne sont-ils pas libres de dire tout le mal qu'ils pensent de Sarkozy ? Le coup du « Sarko-facho », ça suffit.
La gauche ne peut pas reprocher au nouveau président de concentrer tous les pouvoirs alors qu'il conduit une manoeuvre globale sur laquelle elle n'a aucune prise, justement parce qu'elle croyait que Nicolas Sarkozy serait un continuateur, un Chirac bis, un homme d'appareil. Elle aurait mieux fait de croire ce qu'il disait pendant la campagne.
Quant aux donneurs de leçons dans les médias, qu'ils se souviennent que, quand ils l'ont pu, les socialistes aussi ont concentré les pouvoirs. Ce n'est pas une question de droite ou gauche, c'est une affaire d'institutions. Ces institutions dans lesquelles François Mitterrand s'est coulé avec volupté après les avoir vilipendées et dont on voudrait aujourd'hui que M. Sarkozy se prive.
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