La souffrance des médecins, taboue car victime du mythe du « sauveur surhomme », n’en est pas moins réelle. La charge émotionnelle et les lourdes responsabilités viennent s’ajouter aux conditions difficiles de l’exercice, notamment aux nombreuses gardes et astreintes effectuées tout au long de certaines carrières comme les pédiatres, les obstétriciens, les anesthésistes réanimateurs... C’est d’ailleurs précisément sur cette réalité que capitalisent désormais les praticiens hospitaliers pour défendre leurs causes auprès du Gouvernement.
Casus belli
« Toute la littérature scientifique le reconnaît : le travail de nuit, même alternant comme chez les médecins, entraîne des effets graves sur la santé, notamment des maladies cardio-vasculaires, l’augmentation des risques de cancer, des troubles digestifs », insiste Nicole Smolski, médecin anesthésiste réanimatrice à Lyon et présidente d’Avenir hospitalier. D’où l’importance, défend l’intersyndicale, de créer un seuil limite de 1 000 nuits pour les professionnels qui effectuent des gardes nocturnes toute leur carrière durant, de mettre en place une prévention de la pénibilité ainsi qu’une obligation de mesurer l'exposition aux risques professionnels (dont le travail de nuit), d’accorder le droit de cesser les gardes après 60 ans et de comptabiliser le travail de nuit à hauteur de trois demi-journées et non de deux, comme c’est le cas aujourd’hui. « Nous souhaitons aussi obtenir des équivalences pour les retraites afin de gagner des semestres d’annuité », ajoute Nicole Smolski.
Très mobilisé sur ce sujet, Avenir hospitalier a averti la ministre de la Santé, Marisol Touraine, fin septembre, qu’il lancerait un mouvement de grève à l’autonome si rien n’était fait. « Ce qui est important, ce n’est pas public contre privé ou tel métier par rapport à tel autre, c’est l’exposition à un risque pour la santé, liée à certaines pratiques professionnelles », précise Nicole Smolski qui reconnaît cependant que pour l’heure, « chacun exerce la pression de son côté ». Avenir hospitalier n’a d’ailleurs pas été approché par les syndicats de sages-femmes.
Sage-femme, cette belle inconnue
Pourtant, l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF), dont les adhérents sont issus à la fois du privé et du public, est aussi partisane de faire front commun contre la réforme des retraites. « Le but est de défendre les intérêts de nos adhérents et de notre profession mais certainement pas au détriment d’une autre », indique Willy Belhassen, vice-président de l’ONSSF. Pour l’heure, l’organisation « décortique la loi ». Mais les responsabilités et la charge horaire sont lourdes, si bien que le stress est souvent à la hauteur de l’engagement professionnel. Les sages-femmes voudraient que cette réalité soit un peu moins souvent « oubliée » par les pouvoirs publics.
Les libéraux en embuscade
S’il partage la vision de ses confrères sur la nécessité d’intégrer la pénibilité dans le régime de retraite de certaines professions de santé à risque, le docteur Jean-François Rey, hépato-gastroentérologue et président de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS), rappelle que les libéraux exerçant en cabinet ou en clinique ne sont pas tout à fait logés à la même enseigne. En effet, ils ne bénéficient pas de la norme européenne de quarante-huit heures maximum de travail ni de repos compensateurs, alors même qu’ils sont de plus en plus sollicités pour des « missions transversales telles que les commissions médicales, chronophages, mais ni reconnues ni valorisées ». Pour Jean-François Rey, il faudra de toute façon en passer par des négociations spécifiques à chaque profession, selon le degré de pénibilité subie.
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