LE COLLECTIF national unitaire antidélation appelle les médecins, les travailleurs sociaux, les éducateurs, les enseignants, les élus et les magistrats à descendre dans les rues de la capitale le 22 mars pour marquer leur opposition au plan de prévention de la délinquance en cours de préparation au ministère de l’Intérieur, avec le concours de la Justice, de la Santé et de l’Education nationale. Un projet de loi fourre-tout, selon ses détracteurs, est attendu pour la fin du mois de juin.
Le ton est déjà donné par le rapport Bénisti, député UMP du Val-de-Marne, qui préconise un examen de santé des enfants à 3 ans afin de dépister les «agités», qui, l’âge venant, «avant 13ans», resteront «tard dehors la nuit», fugueront, feront «l’école buissonnière», violeront les «règles établies», commettront des «incivilité» et connaîtront des «situations d’échec scolaire». Des avertissements appuyés sur l’expertise collective de l’Inserm intitulée « Troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent », qui donne lieu à un vif mouvement de protestation des professionnels de l’enfance. L’appel « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans » a recueilli plus de 90 000 signatures en sept semaines (« le Quotidien » du 22 février). Les pédiatres et les pédopsychiatres, notamment, évoquent «une instrumentalisation des acteurs de santé à des fins de surveillance ou de contrôle des familles et de leurs jeunes enfants, une médicalisation des problèmes sociaux et une confusion des rôles entre la sphère santé et celle de la police ou de la justice».
Un danger pour l’exercice de la psychiatrie.
Le Dr Pierre Paresys, président de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), membre du Collectif antidélation, parle de «propositions liberticides» visant à faire participer «les équipes de secteur à un hypercontrôle social dans le cadre d’un “réseau” où la transparence et le “tout savoir sur tous” [levée du secret professionnel, ndlr] seraient de toute évidence la réponse à tout, réduisant le psychiatre à un expert coordinateur et prescripteur de psychotropes et de psychothérapies formatées». D’une façon plus générale, tous les citoyens sont concernés par le vent de «dénonciation qui souffle» sur la société avec le projet de prévention de la délinquance de Nicolas Sarkozy, souligne le Collectif antidélation, qui regroupe également le Syndicat de la médecine générale, le corps enseignant, la CGT ou le Syndicat de la magistrature. L’Union nationale des associations familiales juge inadmissible toute politique qui consisterait à décrire les pères et les mères comme des «fauteurs de troubles» et à les sanctionner, au lieu de les aider à «assumer leurs responsabilités».
Pour l’USP, qui sera dans la rue le 22 mars, le plan du ministre de l’Intérieur présenterait aussi un danger pour l’exercice même de la psychiatrie. «Il existe un risque que figure dans le projet de loi de prévention de la délinquance un volet touchant à la réforme de la loi du 27juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation», dit au « Quotidien » son vice-président, le Dr Olivier Boitard.
En matière de placements à la demande d’un tiers, par exemple, deux mesures condamnées par l’USP verraient le jour. Il serait envisagé de faire appel à un seul médecin, voire à un praticien de l’établissement où peut se faire l’hospitalisation, au lieu de deux sauf cas d’urgence ; les portes du privé seraient ouvertes aux hospitalisations sous contrainte, contrairement à aujourd’hui, à l’exception d’une clinique d’Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) bénéficiant d’une dérogation. «En cette époque de toléranceet de risque zéro», c’est tout le corps médical qui doit se sentir interpellé, estime le Dr Pierre Paresys.
> PHILIPPE ROY* Départ 13 h 30, place Denfert-Rochereau, en direction des ministères.
Rencontre des partenaires de la santé mentale
Après une première édition en 2003, les 2es Rencontres des partenaires de la santé mentale de la mairie de Paris se tiendront, en partenariat avec Psycom 75, les 16 et 17 mars à l’hôtel de ville de la capitale. Ces journées contribueront à mieux faire connaître les troubles psychiques et proposeront des réponses adaptées aux besoins des Parisiens, à l’exclusion de tout contrôle social, la Ville de Paris étant un fer de lance dans l’appel « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans ».
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