Le Quotidien du Médecin a publié récemment le point de vue (« Le Quotidien » du 6 mai 2019 : « La psychanalyse a-t-elle encore une place dans la psychiatrie du XXIè siècle ? ») de M. Ramus directeur au CNRS, psychologue, et professeur attaché à l’ENS, qui demandait, après le déremboursement probable par la Sécurité Sociale des soins homéopathiques, le déremboursement des soins prodigués par une psychiatrie qui s’inspirerait, dans son action, de la psychanalyse. Ce courrier n’est pas une réponse — et d’ailleurs pourrait-il y en avoir une ? - à ces élucubrations si éloignées de la problématique concrète du soin, mais une question à vous spécialement adressée.
En effet nous nous étonnons que vous vous fassiez, avec tant de facilités, le porte-parole de tels propos écrits qui visent à délégitimer une pratique psychiatrique pourtant essentielle à la qualité journalière du soin. Vous êtes lus – au quotidien !- par les praticiens qui reçoivent dans leur cabinet les patients en souffrance, par ceux qui les accueillent en milieu hospitalier, pensez-vous vraiment que sa publication dans votre journal va pouvoir les aider dans cette mission difficile ?
Vous avez traité récemment de la situation de crise dans laquelle se trouvent les hôpitaux psychiatriques. En effet ceux-ci sont bien dans une situation de crise, à l’instar d’ailleurs de tout le monde hospitalier. Il s’agit ici d’une discipline, la psychiatrie, qui a une histoire dont les tout premiers pas se font avec Pinel. Celle-ci est en danger. Et ces dangers sont paradigmatiques de ceux rencontrés par la médecine d’aujourd’hui, une médecine de plus en plus technicienne qui fait de ses patients ses objets. Business de plus en plus coûteux pour la collectivité et qui ne trouve pas toujours les effets attendus. L’étude et l’attention portées au champ de la psychiatrie et à ses embarras pourraient d’ailleurs aider à orienter la résolution de ceux constitutifs du champ beaucoup plus large aujourd’hui de cette médecine dont vous vous faites régulièrement l’écho.
Un premier diagnostic avait été posé en 2003 aux États Généraux de la Psychiatrie à Montpellier. Dans ses après-coups quelques-uns, dans la perspective de réhabiliter la clinique, avaient pris la décision de fonder le Collège de Psychiatrie. Notre courrier aujourd’hui s’autorise de ce fondement.
Le constat fait à l’époque, qui reste tout à fait valable aujourd’hui, était qu’une discipline était sur le point de disparaître. Cette dissolution relevait d’un programme très clair. Alors qu’il eut été possible d’étendre au champ médical dans son ensemble les enseignements déduits de la pratique psychiatrique, nous avons assisté au choix fait, par la prise d’une série de mesures concernant son exercice, de sa mise au pas par une médecine technicienne : l’ère d’une psychiatrie purement technicienne prenait son envol. Le diagnostic posé à Montpellier en 2003 se vérifie, et nous en faisons tous les frais de différentes manières, patients, soignants, collectivité…
Le diagnostic posé est pourtant simple. Faire du patient le simple objet d’une démarche technicienne est une impasse. Pourtant, depuis Pinel s’est ouvert l’espace d’une écoute du patient où s’est inventée toute une clinique qui, depuis plus de deux siècles, a servi de guide à l’action et donné corps à ce qu’est la psychiatrie. Or cette clinique, dont l’invention se poursuit aujourd’hui avec nos patients, est aujourd’hui négligée, voire délibérément ignorée, au profit de codifications mortifères venues, entre autres, des compagnies d’assurances. Ceci n’est pas sans conséquences et modifie la nature de l’accueil et du soin en entretenant dans les services de psychiatrie une violence sous-jacente : ce dont se plaignent les patients, les soignants, les pouvoirs publics… et ce dont la presse médicale se fait l’écho. À juste titre.
Pourtant prendre au sérieux le propos de nos patients est non seulement un préalable absolu à notre travail, mais son cœur même.
Nous sommes donc très étonnés de cette publication, si peu confraternelle, et qui participe du délitement déjà bien avancé de cette discipline.
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NDLR : le texte en question a été publié dans une de nos pages «Débats», qui donnait la parole à M. Franck Ramus, très critique vis-à-vis de la psychanalyse, mais aussi au Dr Michel Lévy, psychiatre et psychanalyste à Rodez. Il s'agissait de tribunes libres : en aucun cas, «Le Quotidien» ne s'est fait «le porte-parole» de l'un ou l'autre de ces points de vue.
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