Psoriasis unguéal : de nombreux pièges diagnostiques et un traitement au cas par cas

Publié le 12/12/2001
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REFERENCE

LE QUOTIDIEN
Comment diagnostiquer un psoriasis unguéal ?
Dr BERTRAND RICHERT

Le diagnostic de psoriasis est parfois difficile et comporte de nombreux pièges. Notamment, il faut savoir l'évoquer devant une hyperkératose sous-unguéale distale, alors que le premier diagnostic qui vient à l'esprit est celui d'onychomycose. C'est pourquoi il est impératif de faire un prélèvement de kératine unguéale pour examen direct à la recherche de filaments et mise en culture. Si cette dernière revient positive à Trichophyton rubrum ou à Candida albicans, cela confirme le diagnostic d'onychomycose et l'on met en route un traitement antifongique. Si la culture revient négative, le psoriasis est probable et il faut rechercher d'autres indices par l'interrogatoire : des antécédents familiaux, des symptômes cliniques (érythème sur le gland évoquant un psoriasis génital, prurit anal dans le cas d'un psoriasis inversé...), sans oublier d'examiner le cuir chevelu. Le cas échéant, la biopsie unguéale peut aider au diagnostic.
Dans certains cas, le psoriasis unguéal altère la kératine qui peut être contaminée secondairement par un champignon. Dans le doute, on va d'abord traiter T. rubrum et, si après traitement, l'ongle n'a pas changé d'aspect alors que la culture s'est négativée, il faut penser au psoriasis.

Quels sont les principaux aspects cliniques ?

Les formes cliniques varient en fonction de la localisation du psoriasis dans l'appareil unguéal.
L'atteinte inflammatoire de la matrice proximale (située sous le repli) entraîne des altérations de la surface de l'ongle : on retrouve les fameuses dépressions ponctuées en dé à coudre très évocatrices, mais non pathognomoniques du psoriasis - puisqu'elles peuvent aussi se rencontrer dans l'eczéma chronique et la dermatite atopique - ou une trachyonychie où l'ongle a l'air d'être poncé, décapé. Ce type d'altération se rencontre dans le psoriasis, mais aussi le lichen ou la pelade.
L'atteinte de la matrice distale (qui correspond à la lunule), entraîne, quant à elle, des altérations de la face profonde de l'ongle, qui se traduit par des taches rouges sur la lunule (lunule ponctuée) ou une leuconychie (ongle blanc dans la partie proximale).
Enfin, lorsque la totalité de la matrice est atteinte, l'ongle est tourmenté, complètement remanié, épaissi, gondolé et jaunâtre. Cet aspect va souvent de pair avec une atteinte du lit de l'ongle.
L'atteinte de la partie médiane du lit de l'ongle se caractérise par les taches saumon ; elles sont pathognomoniques du psoriasis. Si c'est une atteinte de la partie distale du lit de l'ongle, il y a deux schémas possibles :
- soit la parakératose (lésion initiale du psoriasis) est compacte, ce qui provoque un épaississement sous-unguéal, et l'ongle va être soulevé parfois jusqu'à 5 mm, rendant les tâches manuelles quotidiennes difficiles ;
- soit les cellules parakératosiques n'adhèrent pas entre elles ; elles sont alors éliminées et on observe une onycholyse à bord sinueux : l'ongle est décollé de son lit et souligné par un liseré rouge. Cet aspect est hautement évocateur du psoriasis, mais il est préférable de réaliser quand même un prélèvement au niveau de l'ongle décollé pour exclure une onychomycose.

Pouvez-vous rappeler les différents recours thérapeutiques ?

Le traitement est également fonction de la localisation.
Devant des dépressions ponctuées qui traduisent une atteinte matricielle, on peut avoir recours, si c'est une femme, à des vernis égalisateurs qui contiennent des résines permettant de boucher les trous avant d'appliquer un vernis de couleur.
Si on a une trachyonychie avec un ongle rugueux et dépoli, les dérivés de la vitamine D (calcipotriol tacalcitol) peuvent avoir un effet un peu lissant.
Dans le cas d'une atteinte distale avec érythème de la lunule ou simplement une leuconychie, en général on ne traite pas. Les femmes peuvent mettre un vernis colorant pour cacher les lésions.
Si l'ongle est épaissi, il faut d'abord vérifier s'il y a une atteinte cutanée, auquel cas on peut envisager un traitement per os : les rétinoïdes (notamment Soriatane) sont le traitement de choix. On peut également, s'il y a une atteinte matricielle, avoir recours à des injections intramatricielles d'acétonide de triamcinolone, efficaces mais douloureuses, à réserver aux formes paucidigitales. Elles doivent être réalisées sous bloc digital.
Chez un patient qui présente par ailleurs un psoriasis cutané très inflammatoire, on peut instaurer un traitement par méthotrexate qui va ralentir la croissance unguéale et stabiliser cette hyperkératose désordonnée.
S'il s'agit d'un psoriasis du lit de l'ongle de forme hyperkératosique (ongles soulevés à la partie distale), il est conseillé de découper toute la partie d'ongle située au-dessus, et d'associer localement un dérivé de vitamine D (qui réduit l'hyperkératose) avec des rétinoïdes (s'il y a une atteinte cutanée concomitante), du méthotrexate ou des réinjections intralésionnelles d'acétonide de triamcinolone dans le lit sous-jacent sous anesthésie locale. Cette infiltration entraîne une amélioration très nette dans 90 à 100 % des cas.
En revanche, dans la forme onycholytique où l'ongle est décollé, les infiltrations intralésionnelles du lit n'entraînent d'amélioration que dans 50 % des cas. Il faut faire découper au patient toute la partie d'ongle qui n'adhère plus à son lit, pour masser l'ongle et le lit de l'ongle avec un corticoïde puissant (propionate de clobétasol), deux fois par jour.

*Dr Bertrand Richert, unité d'onychologie, Liège.

L'atteinte unguéale est fréquente chez les patients psoriasiques

Le psoriasis cutané s'accompagne d'une atteinte unguéale chez environ la moitié des patients. Selon certains auteurs, de 85 à 90 % des psoriasiques auraient des manifestations unguéales au cours de leur vie. Mais l'importance des anomalies unguéales n'est pas corrélée à celle du psoriasis cutané.
Lors d'un psoriasis arthropathique, les manifestations unguéales précèdent l'atteinte articulaire dans 80 à 90 % des cas.
Chez l'enfant, le psoriasis représente de 7 à 40 % des altérations unguéales tous types confondus.
Le psoriasis unguéal touche plus volontiers les mains que les pieds : les atteintes pluridigitales sont les plus fréquentes, mais dans 10 % des cas, le psoriasis n'atteint qu'un seul ongle, ce qui constitue, en particulier chez l'enfant, un piège diagnostique.

Dr Annie DUMONCEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7030