AU TERME DU CONGRÈS, il y avait clairement un camp mécontent : le Nouvau Parti socialiste (NPS) qui ne semble pas avoir beaucoup influencé l'esprit de la synthèse, laquelle ressemble beaucoup à un accord entre François Hollande et Laurent Fabius. Disons que le PS a évité l'éclatement, ce qui ne constitue pas nécessairement une bonne chose, dans la mesure où des conflits idéologiques sérieux ont été enterrés sous une mince couche de sable.
Il y a quelques semaines, Bernard Kouchner et Michel Rocard qui, pour être quelque peu marginaux au PS, n'en ont pas moins des avis pertinents, estimaient, sous la colère que leur inspirait le « non » au traité constitutionnel européen, qu'une scission du PS était préférable à des compromis qui éloigneraient le parti de sa vocation européenne.
Pas aptes à gouverner.
D'ailleurs, on ne voit pas très bien sur quelle base M. Hollande et M. Fabius - et a fortiori MM. Emmanuelli, Montebourg et Peillon - ont pu tomber d'accord sur l'Europe.
On peut craindre que la grande explication ait été reportée sine die parce qu'il est urgent que le PS projette de lui-même une image unitaire et responsable pour corriger l'idée que s'en font les Français : dans un récent sondage, une forte majorité déclare que, pour le moment, les socialistes ne sont pas aptes à gouverner.
Entre le congrès du Mans et les élections de 2007, il y aura assez de déclarations contradictoires au sein du PS pour que les doutes de l'électorat se confirment. Certes, les militants socialistes ont courageusement décidé que nul ne devait se porter candidat à la présidence avant novembre 2006, mais qui est dupe ? MM. Hollande, Fabius, Strauss-Kahn, Lang, Mme Royal sont déjà candidats. Si, au lieu de fixer une date artificielle, le PS avait décidé de tenir une primaire, ce qu'il peut toujours faire, il nous aurait davantage rassurés sur sa cohésion.
La primaire, bien qu'elle soit considérée avec mépris à gauche comme à droite, constitue un excellent exercice démocratique ; car c'est l'électorat qui désigne le candidat, pas l'appareil du parti, au sein duquel les chausse-trappes, les manœuvres et les trahisons sont monnaie courante.
En tout cas, il n'était pas trop tôt pour que les socialistes aillent au fond des choses, au lieu de rechercher frileusement une unité de façade : qu'attendent-ils pour nous dire comment ils vont gouverner ? Vont-ils annuler toutes les réformes engagées par la droite - en dehors du vœu exprimé avec vigueur de renationaliser EDF, c'est-à-dire accroître la dette publique pour payer les nouveaux actionnaires ? Nous diront-ils comment ils réduiront le déficit tout en finançant les programmes sociaux dont ils affirment qu'ils sont plus que jamais nécessaires ? Comment ils rétabliront l'équilibre de l'assurance-maladie et des autres régimes de protection sociale, notamment les Assedic, fortement déficitaires ? S'engageront-ils dans une politique radicale, à conséquences autarciques ou garderont-ils les réformes déjà en place pour s'attaquer aux problèmes qui demeurent, par exemple le système d'enseignement, qui n'a pu être changé ni par eux ni par la droite ?
En tout cas, il est impératif que les socialistes se détournent de la méthode Jospin : il s'enorgueillit du bonheur qu'il a apporté aux Français pendant cinq ans, alors qu'il a simplement bénéficié d'une croissance qu'il n'a pas déclenchée. On ne peut pas faire ce numéro indéfiniment. Peu importe les responsabilités dans la crise actuelle, il faut trouver des solutions ici et maintenant. Certes, les socialistes ont un peu de temps pour présenter leur programme, mais ils feraient mieux de ne pas attendre la dernière minute. En outre, tout dépend du candidat socialiste à la présidence qui sera choisi. Si c'est Strauss-Kahn, ce n'est pas du tout Fabius (en termes idéologiques) et si c'est Hollande, ce n'est pas Lang.
LES SOCIALISTES DEVRAIENT PRENDRE EXEMPLE SUR LEURS AMIS ITALIENS ET ALLEMANDS
Leçons de l'étranger.
Les socialistes français feraient bien d'examiner avec sérieux deux leçons que viennent de lui donner l'Italie et l'Allemagne.
En Italie, il y avait, à gauche, beaucoup de candidats potentiels. Des élections primaires ont été organisées, qui ont désigné Romano Prodi, ancien président du Conseil, ancien président de la commission de Bruxelles, comme leader de l'ensemble de la gauche, laquelle va présenter un front uni contre Silvio Berlusconi. Le Premier ministre est politiquement à bout de souffle, ou au bout de ses bouffonneries. Et les sondages indiquent que la gauche l'emportera aux législatives.
L'autre exemple est allemand : au terme de longues, mais très minutieuses négociations, Angela Merkel a formé un gouvernement de grande coalition. La CDU et le SPD ont bel et bien été obligés d'accepter des compromis. La droite a accepté de taxer les plus riches ; la gauche a accepté une hausse de 3 % de la TVA pour résorber le déficit.
Les deux grandes formations politiques ont fait, en définitive, ce qu'a exigé le peuple allemand, pas moins las que le peuple français des stupides querelles idéologiques qui ont remplacé depuis longtemps l'intelligente gestion de la crise. Tous les Allemands ont opté pour le pragmatisme. Réduire les déficits, encourager la liberté d'entreprendre pour créer des emplois, et admettre enfin qu'il ne faut pas remplacer la dynamique industrielle par l'assistanat.
Mais si le SPD a accepté d'avaler un certain nombre de couleuvres, c'est parce que le chancelier Schröder avait déjà compris qu'il fallait réformer vite et en profondeur. Il est parvenu à un certain nombre de résultats, notamment dans le système de soins et dans la création d'emplois. Bien que Mme Merkel passe pour une Dame de fer germanique, elle a trouvé des interlocuteurs qui, une fois que les plus sectaires des hommes d'influence du SPD et de la CDU, ont été écartés, voyageaient sur la même ligne qu'elle. En France, l'alliance contre nature que représente la grande coalition a été accueillie par des commentaires goguenards. Si vous en montrez l'exemple au PS, gare à vous. Pour notre part, nous le montrons à la droite et à la gauche, en leur demandant :
1) De reconnaître que la crise socio-économique est sans précédent et qu'elle requiert des changements profonds, peut-être même une rupture, comme l'affirme Nicolas Sarkozy avec insistance.
2) De reconnaître qu'il n'y a pas de honte à passer des compromis dans une grande démocratie. La gauche n'est pas celle de Chavez au Vénézuéla ou celle de Castro à Cuba. La droite n'est pas celle de Berlusconi.
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