Journées de Dermatologie de Paris 4-8 décembre 2001

Prurit sine materia : mieux comprendre pour traiter efficacement

Publié le 04/12/2001
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Le prurit sine materia est un prurit sans lésion dermatologique sous-jacente (en dehors d'éventuelles lésions de grattage). Ses causes sont variées, souvent extra-dermatologiques.
Des données très récentes permettent de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de cette affection.

Le prurit, très différent de la douleur

Premièrement, on sait maintenant que l'histamine n'est pas le seul médiateur impliqué. Des cytokines (IL2, interféron alpha), certaines prostaglandines et des neuromédiateurs (substance P, CGRP et surtout des endorphines) interviennent également. La responsabilité des endorphines montre bien que les mécanismes du prurit diffèrent totalement de ceux de la douleur. Elle ouvre par ailleurs une piste thérapeutique nouvelle, celle des antagonistes de la morphine.
Deuxième avancée, on connaît désormais le trajet du prurit, depuis sa naissance dans la peau (autour de la jonction dermo-épidermique et dans l'épiderme), jusqu'à certaines régions du cerveau, en passant par des fibres nerveuses spécifiques du prurit, elles aussi différentes de celles de la douleur. A chaque niveau, des causes dermatologiques ou extra-dermatologiques peuvent induire un prurit.
Le plus souvent, l'origine du prurit se situe au niveau des fibres nerveuses cutanées au niveau cérébral.

Le traitement dépend de la cause

A chaque cause correspond un mécanisme physiopathologique et un traitement adapté.
Parmi les très nombreuses causes de prurit sine materia (plus d'une cinquantaine), les principales sont : le prurit psychogène, le prurit idiopathique incluant le prurit sénile, le prurit hépatique, le prurit gravidique et le prurit lié à l'insuffisance rénale chronique.
Le prurit psychogène concerne les centres cérébraux spécifiques. La prise en charge ne peut s'envisager que globalement en tenant compte du problème psychique sous-jacent : dépression, anxiété par exemple. Certains antidépresseurs sont particulièrement indiqués car ils ont en eux-mêmes une action antiprurigineuse ; ce sont la doxépine et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
Encore plus fréquent, le prurit idiopathique, dont l'origine est toujours difficile de déterminer, semble pouvoir impliquer des facteurs psychogènes et/ou une xérose cutanée sénile. On propose généralement des traitements locaux : hydratants, antiprurigineux...

L'intérêt des antagonistes de la morphine

Le prurit d'origine hépatique rejoint certains prurits gravidiques. On a longtemps cru qu'ils étaient dus à l'accumulation dans la peau de toxines non éliminées par le foie. Cette hypothèse n'est plus retenue ; on suppose aujourd'hui que ce prurit est lié à des dérivés morphiniques produits par le foie dans ces circonstances et qui engendrent un prurit en stimulant des zones cérébrales spécifiques. Des études récentes montrent l'intérêt des antagonistes de la morphine dans ce type de prurit. Plusieurs molécules sont en cours d'évaluation. Une est commercialisée en France, dans une autre indication que le prurit sine materia (traitement de la dépendance alcoolique). Il s'agit de la naltrexone (un comprimé par jour) qui semble donner des résultats intéressants, même s'il n'a pas pour le moment l'AMM pour le prurit.
Enfin le prurit associé à une insuffisance rénale chronique, pourrait lui aussi relever de ce type de mécanisme, même si cette hypothèse n'est pas encore confirmée. Les antagonistes de la morphine pourraient là aussi être intéressants.

D'après un entretien avec le Dr Laurent Misery (CHU Brest).

Dr Denise CARO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7024