Hypothèses
Quels sont les principaux diagnostics à évoquer ?
– pemphigoïde bulleuse devant l'âge de la patiente, le prurit initial suivi de l'éruption érythémateuse et bulleuse de disposition symétrique ;
– toxidermie devant le caractère polymorphe de l'éruption, du prurit, de l'hyperéosinophilie et de la notion d'introduction d'un nouveau médicament dix jours avant l'apparition des symptômes ;
– épidermolyse bulleuse acquise dans sa forme inflammatoire sur les mêmes arguments que pour la pemphigoïde bulleuse ;
– scabiose en raison du prurit intense et du contexte (institutionnalisation) et de l'existence d'exceptionnelles formes bulleuses de scabiose mimant une pemphigoïde bulleuse ;
– le terrain et le tableau clinique permettent d'éliminer dans un premier temps les autres causes de bulles ; – infectieuses, caustiques, toxiques, autres dermatoses bulleuses auto-immunes, notamment le pemphigus (âge, absence d'atteinte muqueuse et absence de signes de Nikolski, lésions inflammatoires, bulles solides).
Bilan
Quels sont les examens complémentaires à réaliser?
– la biopsie cutanée sur une vésicule ou une bulle met en évidence un décollement (bulle) sous-épidermique contenant des polynucléaires éosinophiles, sans anomalie de l'épiderme (absence de nécrose kératinocytaire et d'acantholyse), associée à un infiltrat dermique lymphocytaire contenant de nombreux éosinophiles (fig. 5) ;
– l'immunofluorescence cutanée ou immunofluorescence directe réalisée en peau péribulleuse met en évidence un dépôt d'IgG et de fraction C3 du complément le long de la membrane basale (fig. 6) ;
– la recherche d'anticorps antimembrane basale circulants par immunofluorescence indirecte est positive ;
– le prélèvement de sarcopte est négatif.
Diagnostics ?
Quels diagnostics retenir à l'issue de ce bilan?
Les deux diagnostics possibles sont la pemphigoïde bulleuse et l'épidermolyse bulleuse acquise dans sa forme inflammatoire.
Les arguments en faveur de la pemphigoïde bulleuse à ce stade sont :
– épidémiologiques : la PB est la dermatose bulleuse auto-immune la plus fréquente du sujet âgé ;
– cliniques : l'absence d'atteinte du visage, d'atteinte muqueuse et de grains de milium sont en faveur de la pemphigoïde bulleuse ;
– à ce stade, en pratique courante, le diagnostic de pemphigoïde bulleuse est posé.
Quels examens permettent de différencier ces deux entités en cas de doute?
– les deux antigènes cibles dans la PB sont des constituants des hémidesmosomes (BPAg 1 de 230 KDa et Ag BPAg 2 de 180 KDa) situés dans la lamina lucida tandis que, dans l'EBA, l'antigène cible est le collagène VII constituant des fibrilles d'ancrage sous la lamina densa ;
– l'immunofluorescence indirecte sur peau clivée par le NaCl retrouve un dépôt d'IgG et de fraction C3 du complément sur le versant épidermique du clivage en cas de pemphigoïde bulleuse et sur le versant dermique en cas d'épidermolyse bulleuse acquise ;
– la mise en évidence de l'Ag BP 180 par la méthode ELISA (Enzyme-Linked Immunoabsorbent Assay) permet le diagnostic de PB, mais il existe environ 15 % de faux positifs chez les sujets âgés ;
– l'immunotransfert met en évidence les deux antigènes BPAg 1 et BPAg 2 dans la PB, et le collagène VII (145 et 290 KDa) dans l'EBA.
Quel traitement ?
– le traitement de la PB a reposé pendant environ 40 ans sur la corticothérapie générale (prednisone : dose initiale de 0,5 à 1 mg/kg/j maintenue 15 jours après l'obtention du contrôle de la maladie, puis diminuée progressivement puis arrêtée au bout d'un an) à l'origine de nombreuses complications dans cette population âgée ;
– en 2002, l'étude de P. Joly et coll. a montré que la corticothérapie locale (40 g de propionate de clobetasol/jour initialement puis diminuée progressivement jusqu'à l'arrêt en un an) avait une e le long de la basale (photo 6)fficacité comparable à la corticothérapie générale et que morbidité et mortalité étaient diminuées dans le groupe traité par corticothérapie locale comparé à celui traité par corticothérapie générale ;
– le traitement de première intention est donc actuellement la corticothérapie locale.
* Signe de Nikolski : la pression de la peau non bulleuse induit une bulle ou une érosion (dans le cas du pemphigus, par exemple).
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