QUAND on dit «Athènes est la capitale de la Grèce», c’est de la mémoire sémantique (celle des concepts). Quand on dit «J’ai visité Athènes en 2002», c’est de la mémoire épisodique (ou autobiographique), tout comme les souvenirs d’enfance évoqués par Proust grâce au parfum d’une madeleine. L’outil de réactivation de cette mémoire se situe dans l’hippocampe, ce qu’ont déjà suggéré des études. Et l’hippocampe fait partie des zones touchées précocement au cours d’affections neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer. Comme l’est la mémoire autobiographique.
Cette mise en situation est nécessaire pour comprendre les travaux de l’équipe de Francis Eustache et Pascale Piolino (Inserm U 218, Caen), publiés dans « Cerebral Cortex ». Les neurophysiologistes français ont pu répondre à une question jusqu’à présent controversée.
Il est bien reconnu que l’hippocampe joue un rôle clé dans l’enregistrement et la consolidation d’un événement de la vie. Mais, une fois la mémorisation consolidée en quelques années, cette structure cérébrale est-elle mise à l’écart dans la réactivation du souvenir ou, au contraire, est-elle utilisée à chaque rappel, quel que soit le temps écoulé ?
Grâce à l’imagerie fonctionnelle en résonance magnétique, l’équipe a pu confirmer qu’au cours de toute remémoration d’un élément autobiographique l’hippocampe est activé. Avec une subtilité : la partie gauche de la structure est activée quelle que soit l’ancienneté du souvenir, la partie droite s’y ajoute pour des événements situés dans des périodes intermédiaires.
IRM fonctionnelle.
Il a fallu user d’un subterfuge pour arriver à ce résultat. En effet, au cours des travaux antérieurs, les sujets analysés avaient été interrogés sur leurs souvenirs avant l’IRM fonctionnelle, ce qui occasionnait un biais. L’équipe française a donc enrôlé des couples unis de longue date. Alors que seules les femmes subissaient l’examen, les hommes étaient interrogés sur des événements de la vie de leur conjointe. Il fallait qu’ils n’aient eu lieu qu’une fois, avoir duré moins d’une journée, être personnels et avoir une unité de temps et d’espace. Par exemple : «Le jour où le père est tombé de la falaise», «la visite du musée des Offices de Florence»…
Les femmes sélectionnées étaient âgées de 60 à 75 ans, afin d’éviter un autre biais : la fraîcheur du souvenir chez des adultes jeunes.
Sous l’IRM, les douze volontaires (droitières et en bonne santé) ont réagi alors qu’on les incitait à se remémorer cinq épisodes balayant le cours de leur vie. La stimulation se faisait à l’aide de 25 phrases indices.
L’imagerie a pu montrer que le réveil de ces souvenirs épisodiques enfouis active un vaste réseau impliquant l’hippocampe. En outre, plus le souvenir est riche en bruits, saveurs, odeurs, couleurs… plus l’activation hippocampique est intense.
La portée de ce travail concerne les affections neurodégénératives, dont l’Alzheimer. Tout d’abord dans le diagnostic, ensuite dans la préservation de l’identité de ces patients. Il importe, chez eux, que de petites parcelles de souvenirs autobiographiques soient maintenues, expliquent les auteurs en conclusion.
« Cerebral Cortex » Doi : 10.1093/cercor/bhl153.
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