Ce mercredi matin, toutes les voix s’accordaient pour nuancer l’information parue dans Libération : « À l’heure actuelle, aucune décision n’a été prise. Nous attendons l’avis que l’Institut national du cancer (INCa) rendra vendredi 23 décembre », assure au « Quotidien » Jean-Yves Grall, directeur général de la santé. « Le gouvernement annoncera d’ici la fin de semaine son plan d’action », a de son côté annoncé la porte-parole Valérie Pécresse sur LCI.
Demander aux 30 000 femmes porteuses de prothèses mammaires de marque PIP de contacter leur chirurgien en vue d’une explantation, serait une décision inédite. Mais pas inattendue. En avril déjà, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé recommandait aux femmes porteuses de ces implants interdits depuis 2010 de consulter leur médecin pour réaliser des examens cliniques et radiologiques appropriés. Elle suggérait même de discuter avec les patientes « d’une explantation préventive de la prothèse même sans signe clinique de détérioration de l’implant ». Le décès en novembre d’une porteuse d’implants défectueux, des suites d’un lymphome primitif du sein, puis le signalement consécutif de 8 cas de cancers chez des femmes opérées exigeaient des mesures radicales.
Si l’explantation systématique n’est pas officiellement décidée, « c’est l’opinion générale », confie le Pr Laurent Lantieri, chef du service de chirurgie plastique et reconstructive de l’hôpital Henri Mondor (AP-HP), et membre du comité de suivi. « Ce n’est plus seulement un principe de précaution, mais de prévention, car on ne peut pas savoir parmi ces prothèses frelatées lesquelles se rompront », argumente-t-il. « Tôt ou tard, on s’acheminera vers la décision de remplacer ces implants », confirme le Dr Sébastien Garson, secrétaire général du syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE) et également membre du comité de suivi. Prudent, Jean-Yves Grall rappelle que « la santé de ces femmes et la notion de sécurité sanitaire sont nos principales préoccupations ». « Si les experts de l’INCa préconisent l’explantation systématique, nous les suivrons, mais il n’y a pas d’urgence », ajoute-t-il.
Les chirurgiens se tiennent prêts.
Les autorités sanitaires et les médecins se veulent rassurants. « Il ne faut pas paniquer les femmes : les prothèses ne vont pas se rompre entre Noël et le jour de l’an », avertit le Pr Lantieri.
L’INCa devrait apporter plusieurs réponses aux questions pratiques qui se posent. Dans quel délai ces prothèses doivent-elles être retirées ? Faut-il effectuer une biopsie automatique du sein ? Faut-il remettre immédiatement un implant ? De quel suivi les femmes doivent-elles bénéficier ? « Les professionnels recevront toutes ces recommandations », assure Jean-Yves Grall. Ils seront également chargés de contacter leurs patientes.
Les chirurgiens se tiennent prêts. « Depuis mars 2010, plusieurs praticiens qui avaient posé des implants PIP ont rappelé leurs patientes, la majorité par prévention, et les ont remplacés », souligne le Dr Sébastien Garson. En tout, 523 femmes ont subi une explantation.
La question des honoraires n’est pas absente de leur réflexion. L’assurance-maladie prend en charge l’ablation et le renouvellement de l’implant pour la chirurgie reconstructrice. Pour une opération esthétique, seule l’explantation est remboursée. La profession réfléchit en interne à fixer un forfait pour la pose d’un nouvel implant. « 2/3 des chirurgiens sont pour l’instant prêts à jouer le jeu », estime le Dr Garson. Dans tous les cas, le Conseil national de l’Ordre des médecins aurait, d’après Jean-Yves Grall, « fait état de sa volonté de demander que les honoraires soient adaptés à la situation et que les dépassements soient mesurés ».
Enfin, les chirurgiens qui ont posé ces prothèses PIP ne devraient pas être inquiétés juridiquement. « C’est une fraude de l’industriel (l’entreprise Poly Implant prothèse, ndlr). Les pratiques ne sont pas en cause », assure le directeur général de la Santé.
Malgré ces gages d’assurance, les chirurgiens attendent un soutien logistique de la part des autorités sanitaires afin d’accueillir les femmes. Ils sont également conscients qu’une partie d’entre elles, opérées à l’étranger ou ignorantes de la marque de leurs implants, passeront entre les mailles du filet sanitaire.
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