Prévention de la violence infantile

Protéger la mère et l'enfant

Publié le 27/04/2008
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CONTRAIREMENT aux idées reçues, la violence des jeunes diminue depuis plusieurs siècles. Les agressions physiques sont plus fréquentes avant la puberté qu'après. Par ailleurs, il est très rare qu'un enfant qui n'a pas utilisé la violence physique jusqu'à 6-7 ans se mette à le faire plus souvent que les enfants de son âge. Une trajectoire d'agression physique commence très tôt dans la vie. C'est donc à la petite enfance qu'il faut s'intéresser si l'on veut comprendre le phénomène et l'endiguer. Pour autant, un petit enfant qui utilise l'agression physique avant 2 ans ne sera pas forcément un adolescent délinquant. Tout est donc affaire de conjonction de facteurs neuro- environnementaux, sociofamiliaux. Et, là, une intervention est possible. A condition qu'elle soit précoce, explique Richard Tremblay. Certains enfants, et certaines familles étant plus à risques que d'autres.

Repérer, dépister est donc indispensable pour aider des agresseurs occasionnels à ne pas devenir des agresseurs chroniques et, éventuellement, des adolescents perdus. Depuis le XIXe siècle, les efforts de prévention, de la délinquance en général et de la violence en particulier, sont centrés sur les adolescents avec un système judiciaire plus tourné vers la répression que vers la prévention, relève le pédopsychiatre. Or ce système «est inefficace et ses coûts exorbitants», dit-il. Parce qu'il est alors souvent trop tard, parce que ce système passe par le regroupement des « déviants » avec les effets de contagion que l'on connaît. Alors que des programmes «centrés sur le soutien aux parents et aux enfants depuis la grossesse jusqu'au début de l'école primaire ont des effets préventifs remarquables à très long terme».

C'est donc pendant la petite enfance que les interventions sont les plus efficaces. La vie en harmonie avec les pairs s'apprend tôt. Et l'argument de la stigmatisation des familles prises en charge ne tient pas, selon l'auteur, dès lors que les services proposés sont appropriés. Autrement dit qu'ils ont été validés, évalués. N'en déplaise à «quelques belles âmes qui voudraient prévenir la délinquance sans faire les efforts qu'exige une science de la prévention», alors que certains services ont des effets bénéfiques importants et d'autres des effets pervers indéniables.

Richard Tremblay dit de son livre qu'il est le récit de son combat à contre-courant contre les idées toutes faites, les conclusions faciles et les idées qui font surtout plaisir à ceux qui les émettent. «L'avancement des connaissances est un sport de compétition rude avec des règles très exigeantes», écrit le pédopsychiatre. En matière de psychiatrie, et plus particulièrement de pédopsychiatrie et de connaissances sur le développement de l'enfant, l'idéologie domine souvent le débat, comme en témoignent les débats houleux après les conclusions de l'expertise collective de l'INSERM. Controverse sur laquelle il revient longuement dans sa postface pour expliquer que souligner un lien entre délinquance juvénile et problèmes de comportement observés antérieurement à la maternelle ou en primaire ne revient ni à «fliquer» ni à «stigmatiser», mais à réfléchir au dépistage et à la prévention. Ce sont les troubles dont il souffre qui stigmatisent et font partir à la dérive un enfant et non pas la vigilance du repérage et les propositions d'aide, dit le Dr Tremblay. Pour souligner aussi la terreur engendrée par certains groupes de pression interdisant toute discussion scientifique sur le sujet. Et, partant, toute politique sérieuse et scientifiquement fondée de prévention des troubles des conduites.

Pour une politique familiale.

L'agression physique est un comportement très fréquent avant 24 mois. «Saint Augustin et Darwin le notaient déjà!», souligne Richard Tremblay. Ce comportement n'est donc pas le produit de la télévision ou des jeux vidéo. Ce qui est plus nouveau sans doute est le regroupement dans certains quartiers, la concentration dans certaines structures, d'enfants à qui peu de comportements alternatifs sont proposés. Ces enfants-là sont alors placés sur la trajectoire de la violence chronique. Le récit de Sonia Imloul dans les quartiers dits difficiles, en l'occurrence en Seine-Saint-Denis, est fait pour émouvoir : enfants de 3-4 ans qui agressent violemment et sournoisement les autres enfants et les adultes, le tout sur fond de découragement et d'impuissance des enseignants, de dysfonctionnement de l'aide sociale à l'enfance et de frilosité de la police à s'exprimer.

S'ils font froid dans le dos, ces exemples spectaculaires n'aident pas le lecteur à comprendre la complexité de la question ni à entrevoir les solutions possibles. Personne ne conteste que les enfants, qui, dès leur plus jeune âge, tapent, mordent, insultent, agressent de manière croissante et chronique leurs alter ego comme les enseignants, puissent représenter un danger pour leurs camarades et le personnel éducatif et puissent avoir un avenir sombre. Mais le mélange d'histoires de psychopathologie avérée, de maltraitance parentale et de victimes de l'exclusion sociale ne sert pas le propos de l'auteur, chargée de mission Action sociale à la délégation interministérielle à la ville, destiné, dit-elle, à interpeller les politiques sur la nécessité de prendre en compte la dimension familiale du problème.

La fondatrice d'une association de prévention de la délinquance des mineurs aujourd'hui disparue, Respect 93, est plus convaincante quand elle évoque les dangers et les réalités de la ghettoïsation, l'écoeurement de certains travailleurs sociaux ou membres de l'Education nationale, le débordement des services sociaux et des juges dans les zones où se concentrent les difficultés ou l'efficacité des associations de prévention comme celle de la magistrate Claude Beau, Mission possible. Il n'y a donc pas d'enfants bandits, mais des adultes négligents ou dépassés.

Richard E. Tremblay, « Prévenir la violence dès la petite enfance », Odile Jacob, 262 pages, 25 euros.
Sonia Imloul, « Enfants bandits », éditions du Panama, 156 pages, 15 euros.

> Dr CAROLINE MARTINEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8362