Si la santé physique des enfants d'âge scolaire est, « dans l'ensemble, correctement suivie et évaluée », il n'en est pas de même de la santé mentale. « Presque tout est à mettre en place en ce domaine : formation du personnel réalisant les bilans, codification de leur contenu, renforcement du suivi », indique le rapport sur « La santé mentale de l'enfant de la maternelle à la fin de l'école élémentaire » réalisé par les Académies de médecine* et des sciences et remis aux ministres de la Santé et de l'Education.
C'est dès la petite enfance qu'il faut intervenir : la plupart des comportements nocifs responsables des décès prématurés (tabac, alcool et autres addictions, déséquilibres alimentaires, comportements à risque, violences et suicide) s'acquièrent pendant l'enfance et l'adolescence ; or « la santé mentale du jeune enfant influence celle de l'adolescent, donc sa résistance aux exemples nocifs ou, au contraire, sa fragilité ».
Education parentale
La prévention commencera avant même la naissance de l'enfant, si l'on suit les préconisations des Académies, par une « préparation à la parentalité ». « L'éducation parentale devrait être systématique dès le début de la grossesse et être poursuivie ensuite », indique le rapport. Avec « un effort particulier » pour les mères et les couples « qui, pour des raisons personnelles ou sociales, sont peu préparés à affronter leurs responsabilités ».
Dans ce domaine de l'éducation parentale, « la France est très en retard », insiste le Pr Maurice Tubiana. Pour aider les parents à assumer leur rôle, des lieux spécifiques pourraient leur être ouverts. Cela permettrait « d'éviter nombre d'affaires de sévices et de négligences à enfants », estime même le Pr Philippe Evrard. Et pourquoi pas, quand la relation est difficile, des tuteurs d'éducation ?
Dans le même esprit, les académiciens recommandent d'inciter les mères à rester auprès de leur enfant jusqu'à l'âge de 6 mois et à les allaiter pendant cette période. Ils souhaitent que l'on promeuve le congé parental, quand cela est possible, jusqu'à l'âge de 2 ans, ou, à défaut, que l'on aménage les horaires de travail des parents de jeunes enfants. Sans oublier d'améliorer les systèmes de garde.
Le dépistage dès la maternelle
A l'âge de la maternelle, on n'est déjà plus dans la prévention mais dans le dépistage : il importe de détecter au plus tôt les anomalies du développement psychique et intellectuel. Le bilan qui est réalisé à l'âge de 3 ans est à cet égard « particulièrement important » et pourrait faire l'objet d'un certificat complétant ceux effectués à 9 et 24 mois. Les enseignants doivent être sensibilisés au repérage des enfants à risque et recevoir la formation nécessaire dans les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) et au cours de la formation continue. Ils doivent travailler avec les services de santé scolaire, lesquels n'hésiteront pas à collaborer si nécessaire avec des experts qualifiés.
Les professionnels de santé ont bien sûr leur rôle à jouer dans la protection et la surveillance de la santé mentale de l'enfant. Il faut donc, en particulier, que les généralistes et les pédiatres reçoivent une formation mise à jour sur le développement psychomoteur et intellectuel de l'enfant. A commencer par des données sur le développement cérébral du bébé et les facteurs qui l'influencent et sur l'interaction mère-nourrisson.
Par ailleurs, toujours dans l'optique de prévention des conduites à risque, le rapport insiste sur l' « impératif de santé publique » qu'est l'éducation à la santé à l'école. Elle doit être institutionnalisée, faire l'objet d'un programme et d'évaluations, et des outils pédagogiques doivent être disponibles.
Enfin, les académiciens estiment qu'il faut « rationaliser et simplifier » les structures permettant la surveillance de la santé de l'enfant, avec, par exemple, à l'échelle de la région, une structure assurant la cohérence du système et sa supervision.
« Agir pour améliorer la santé mentale des enfants est une tâche difficile et longue qui nécessitera beaucoup d'efforts, notamment dans le domaine de la formation, conclut le rapport. Mais sans elle, on ne peut pas espérer de baisse de la violence ni de diminution des comportements à risque, lesquelles conditionnent à terme une amélioration de la santé des Français. »
* A l'Académie de médecine, deux groupes de travail sur la santé mentale des jeunes de 0 à 4 ans et de 5 à 12 ans ont été mis en place et coordonnés par Maurice Tubiana et Michel Arthuis. Ils ont travaillé en liaison avec la mission dirigée par le Dr Philippe Most, chargée par les ministères d'un rapport sur la santé des jeunes en milieu scolaire.
L'art du débat
« Il conviendrait de restaurer la valeur de la parole et de l'échange verbal trop souvent négligé à l'école », disent les académiciens. Pour renforcer la capacité à discuter qui « représentera une prévention efficace au moment de l'adolescence par rapport à la tendance au passage à l'acte », ils préconisent l'organisation dans les classes, dès le plus jeune âge, de groupes de parole. Mais pas n'importe quelle parole, une « parole dialectique », celle du débat et de la confrontation des points de vue. Pour les jeunes, particulièrement ceux qui vivent dans des conditions socio-économiques difficiles, cela « représenterait un facteur de compétence et de résilience ultérieure important », à condition, précise le rapport, « d'éviter les dérives vers une contestation systématique et les utopies ».
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