Nous l'avons déjà expliqué, le gouvernement s'est fixé plusieurs axes de travail lors de l'élaboration de son projet de loi de Finances 2004 : encourager le travail et favoriser l'emploi ; favoriser les solidarités entre générations ; stimuler l'innovation, la recherche et le développement ; rééquilibrer la fiscalité de l'énergie ; moderniser et simplifier l'impôt. Le point, dans ce numéro, sur les mesures relatives au dernier objectif, à savoir la modernisation de l'impôt. Et un rapide regard sur la fiscalité de l'énergie.
1. Remplacement de l'avoir fiscal par un abattement
A l'heure actuelle, les actionnaires qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises passibles de l'impôt sur les sociétés disposent, outre des sommes reçues, d'un « revenu » complémentaire, l'avoir fiscal, représenté par un crédit d'impôt sur le Trésor. Objectif de ce mécanisme, atténuer la double imposition économique supportée par les revenus distribués : impôt sur les sociétés au niveau de la société distributrice et impôt sur le revenu ou sur les sociétés au niveau de l'actionnaire.
L'avoir fiscal est actuellement égal à 50 % du dividende net. Il peut faire l'objet d'une restitution. En outre, lorsque les dividendes sont perçus dans le cadre d'un plan d'épargne en actions (PEA), l'avoir fiscal est crédité directement sur le compte espèces du PEA.
Pour les dividendes perçus par les sociétés, l'avoir fiscal est fixé à 10 % des sommes nettes perçues. L'excédent d'avoir fiscal non imputé sur l'impôt dû n'est ni restitué ni reporté.
En parallèle de ce mécanisme de l'avoir fiscal, s'opère également celui du précompte. Les sociétés françaises qui distribuent des dividendes doivent, en contrepartie de l'avoir fiscal attaché à ces produits, acquitter un impôt spécifique, le précompte, assis sur la fraction de ces dividendes qui ne provient pas de bénéfices taxés à l'impôt sur les sociétés (IS) au taux normal au titre des cinq exercices précédents.
La réforme proposée par le gouvernement dans le projet de loi de Finances 2004 consiste à supprimer la différence de traitement entre les sociétés françaises, qui bénéficient de l'avoir fiscal, et les sociétés étrangères, qui n'en bénéficient pas, notamment parce que son remboursement aux investisseurs non résidents grève lourdement le budget de l'Etat (environ 600 millions d'euros en 2002).
Les nouvelles modalités d'imposition des distributions à compter du 1er janvier 2005 seraient donc les suivantes :
- remplacement de l'avoir fiscal pour les personnes physiques par un abattement de 50 % pour l'imposition des dividendes perçus. Cette règle s'appliquerait aux distributions faites par les sociétés françaises ou étrangères (à l'exception de celles qui sont établies dans des pays non liés par une convention fiscale avec la France) ;
- maintien de l'abattement forfaitaire de 1 220 euros et 2 440 euros (selon la situation de famille, célibataire ou marié) pour l'imposition des dividendes.
La combinaison des deux dispositions ci-dessus permet de majorer substantiellement l'avantage consenti. En effet, l'assiette de l'abattement est réduite du montant de l'avoir fiscal et le dividende pris en compte pour le calcul de l'abattement fait désormais l'objet d'un abattement préalable de 50 % de son montant ;
- instauration d'un crédit d'impôt pour l'actionnaire égal à 50 % du montant du dividende, dans la limite de 75 euros pour une personne seule et de 150 euros pour un couple marié. Les revenus de même nature perçus dans un PEA ouvriraient également droit à ce crédit d'impôt ;
- suppression du précompte.
Quelles conséquences pour les actionnaires personnes physiques ?
« La réforme des distributions traduit la volonté du gouvernement d'accompagner et d'inciter les épargnants à l'investissement en actions, porteur de croissance économique et d'emplois, explique le gouvernement. Les distributions des sociétés seraient imposées sur 50 % de leur montant avec le maintien de l'abattement fixe existant de 1 220 euros ou 2 440 euros (célibataire ou marié) ; le crédit d'impôt de 75 euros ou 150 euros par foyer fiscal (selon la situation de famille) permettrait de compenser la perte supportée par les contribuables les plus modestes, du fait de la suppression de la restitution de l'avoir fiscal. »
A cet égard, le gouvernement a également souhaité tenir compte de la situation particulière des titulaires de PEA qui, il en est conscient, subiront un manque à gagner du fait de la suppression de l'avoir fiscal. Dans la situation nouvelle, ces titulaires de PEA auraient la possibilité de calculer leur crédit d'impôt en incluant les dividendes perçus dans leur PEA, en dépit de leur exonération.
A noter que pour les actionnaires autres que les sociétés bénéficiant du régime fiscal des sociétés mères, l'avoir fiscal ne sera plus utilisable à compter du 1er janvier 2005. Sa suppression s'inscrit dans le prolongement de la réduction progressive du taux de l'avoir fiscal, en cours depuis la loi de Finances pour 1999, qui a conduit à abaisser ce taux de 50 à 10 %.
2. Simplification du régime des plus-values immobilières
Actuellement, les plus-values immobilières réalisées par les particuliers sont calculées et déclarées par ces derniers sur une déclaration spécifique (n° 2049) jointe à la déclaration de revenus. Ajoutées aux revenus du contribuable, elles sont imposées au barème progressif de l'impôt sur le revenu l'année qui suit celle de la cession.
Parce que les modalités de détermination des plus-values sont particulièrement complexes et aboutissent, dans plus de la moitié des cas, à une absence de taxation (sur 270 000 déclarations souscrites chaque année, 100 000 donnent lieu à une imposition effective), le projet de loi de Finances pour 2004 propose de simplifier le régime d'imposition des plus-values immobilières en déchargeant notamment les contribuables de toute obligation déclarative.
Le projet de loi prévoit ainsi que le notaire serait désormais chargé de procéder, pour le compte de son client, au calcul et au versement de l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value à l'occasion de la formalité d'enregistrement ou de publicité foncière. Le régime de taxation serait établi sur une assiette élargie et à taux proportionnel. Il se caractériserait principalement par :
- une exonération totale des plus-values au bout de quinze ans, au lieu de vingt-deux ans actuellement ; ainsi, dès la cinquième année, un abattement annuel de 10 % serait effectué sur le montant de la plus value ;
- une simplification du mode de calcul de la plus-value par l'octroi d'un abattement forfaitaire de 15 % du prix d'acquisition du bien pour travaux et la suppression du coefficient d'érosion monétaire, avantageusement compensée par un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année ;
- une imposition au taux de 16 % (hors prélèvements sociaux) ;
- une imposition du vendeur au moment du versement du prix par l'acquéreur. Ainsi, l'impôt serait acquitté à l'aide du prix versé par l'acquéreur au lieu d'être réglé, plus d'un an après, au moment du paiement du solde de l'impôt sur le revenu ;
- le maintien des exonérations les plus importantes, et notamment celles relatives à la cession de la résidence principale, aux opérations de remembrement et aux expropriations pour cause d'utilité publique ;
- l'exonération des cessions d'immeubles dont le prix est inférieur ou égal à 15 000 euros ;
- la prise en compte des droits de mutation à titre gratuit pour la détermination du prix d'acquisition ;
- l'application d'un abattement fixe de 1 000 euros sur le montant de la plus-value, opération par opération.
La conservation des hypothèques deviendrait le guichet unique pour l'ensemble des impositions établies lors de la mutation d'un immeuble.
Applicable aux cessions à titre onéreux qui interviendraient à compter du 1er janvier 2004, cette réforme conduirait à la suppression d'environ 270 000 déclarations souscrites annuellement par les particuliers. Les plus-values réalisées lors des cessions intervenues en 2003 seraient déclarées en 2004 dans les conditions habituelles.
3. Alléger les obligations déclaratives en matière de succession
Actuellement, la souscription d'une déclaration de succession est obligatoire quel que soit le montant de la succession. Par exception, s'il n'existe aucun bien dans la succession ou si l'actif brut successoral pour les héritiers en ligne directe et le conjoint survivant est inférieur à 1 500 euros, le dépôt de la déclaration de succession n'est pas exigé.
Le projet de loi de Finances 2004 prévoit, afin d'alléger les formalités pour les particuliers, que les héritiers en ligne directe et le conjoint survivant soient dispensés du dépôt de la déclaration et du paiement des droits de succession lorsque l'actif brut successoral est inférieur à 10 000 euros.
Pour les autres ayants droit à titre gratuit, cette dispense s'appliquerait lorsque l'actif brut de succession est inférieur à 3 000 euros. Cette mesure de simplification, qui s'appliquerait aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2004, concernerait près de 70 000 héritiers.
4. Modification du régime de la redevance audiovisuelle
Il est proposé de consolider le régime juridique de la redevance de l'audiovisuel en transformant cette taxe parafiscale en une imposition de toute nature, sans modifier l'économie générale du dispositif actuel. Cette taxe serait appelée « redevance audiovisuelle ». Certains aménagement seraient introduits afin d'en préciser l'assiette. Par ailleurs, les moyens de lutte contre la fraude seraient également renforcés.
Toutes les exonérations existantes seraient maintenues, en particulier celles dont bénéficient, sous certaines conditions, les personnes invalides ou les personnes âgées de plus de 65 ans.
Enfin, le montant de la redevance audiovisuelle resterait à son niveau actuel, à savoir 116,50 euros pour un récepteur de télévision en couleur et 74,31 euros pour un récepteur de télévision en noir et blanc.
5. Augmentation de la taxation du gazole
Il est proposé de poursuivre le plan de rattrapage de la fiscalité applicable au gazole par rapport à celle appliquée aux autres carburants.
En France, l'écart actuel entre le taux de TIPP (taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers) du super sans plomb et celui du gazole est de 19,73 centimes d'euro par litre, soit 25 % de plus que l'écart moyen européen de 15,73 centimes d'euro, soit l'un des plus élevés d'Europe. La hausse envisagée est de 2,5 centimes d'euro par litre. Elle ne concernera pas les transporteurs routiers, qui bénéficieront d'une augmentation du remboursement partiel de TIPP.
Exemple : conséquence de la réforme de l'avoir fiscal pour les actionnaires Situation d'un contribuable marié non imposable percevant des dividendes pour un montant de 300 euros (le montant moyen des dividendes peréus par les contribuables non imposables s'élève à 337 euros) |
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Avant la réforme | Après la réforme | ||
Dividende perçu | 300 euros | Dividende perçu | 300 euros |
+ avoir fiscal | 150 euros | Dividende déclaré | 300 euros |
Dividende imposable | 450 euros | Dividende imposable (50 %) | 150 euros |
– Abattement fixe | 2 440 euros | – Abattement | 2 440 euros |
Dividende net imposable | 0 | Dividende net imposable | 0 |
Impôt dû | 0 | Impôt dû | 0 |
Restitution d’avoir fiscal | 150 euros | Restitution d’avoir fiscal | 150 euros |
Exemples de la simplification du régime des plus-values immobilières
- 1er exemple
Avant la réforme : un contribuable a vendu en février 2002 une résidence secondaire pour acquérir une nouvelle résidence secondaire en janvier 2003. Il a déclaré sa plus-value imposable sur l'imprimé n° 2049 et a reporté son montant sur la déclaration de revenus n° 2042 déposée en mars 2003. Il a payé son solde de l'impôt sur le revenu le 15 septembre 2003, soit 18 mois après la mise à disposition des fonds.
Après la réforme : pour la même opération réalisée en février 2004, le notaire se chargerait d'établir et de payer l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value lors de la publicité foncière dans les deux mois suivant la date de l'acte, donc avant le remploi éventuel des fonds.
- 2e exemple
Avant la réforme : un particulier vend pour 10 000 euros un garage qu'il détient depuis dix ans. Actuellement, il est tenu de souscrire une déclaration spécifique n° 2049 et de reporter le montant de sa plus-value sur sa déclaration d'ensemble de revenus n° 2042.
Après la réforme : il serait totalement exonéré si le prix de cession n'excède pas 15 000 euros.
- 3e exemple
Un ménage cède en 2004 un appartement reçu par héritage en 1994, qu'il donnait précédemment en location. Le prix de vente est de 120 000 euros. La valeur du bien mentionné dans la succession est de 70 000 euros.
Avant la réforme : la plus-value imposable était égale à 16 485 euros.
Après la réforme : la plus-value serait déterminée comme suit : prix de cession (120 000 euros) - prix d'acquisition (70 000 euros) - droits de succession (8 000 ) - abattement forfaitaire de 15 % pour travaux (10 500) = plus-value brute de 31 500.
Abattement pour durée de détention : 5 ans x 10 % = 50 % = 15 750 euros.
Abattement fixe = 1 000 euros. La plus-value imposable serait égale à : 14 750 euros
- 4e exemple
Avant la réforme : un contribuable cède en juin 2003 un appartement qu'il détient depuis dix-sept ans pour 150 000 euros. Actuellement, il bénéficie d'un abattement pour durée de détention de 75 %.
Après la réforme : la plus -alue serait totalement exonérée dès lors que le bien est détenu depuis plus de quinze ans.
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