La sclérodermie systémique est une affection rare (quelques centaines de nouveaux cas par an en France), mais potentiellement très grave. Contrairement aux autres connectivites, elle se caractérise surtout par des anomalies vasculaires à l'origine d'une grande partie des complications majeures, même s'il existe aussi des perturbations immunologiques. Quant à l'activation fibroblastique, elle est de survenue plus tardive. Deux grandes formes cliniques sont individualisées. Dans la sclérodermie systémique à forme cutanée diffuse, des complications viscérales (atteinte rénale, cardiaque et fibrose pulmonaire) apparaissent dans les deux à cinq premières années d'évolution. Ces dernières sont plus rares au cours de la sclérodermie systémique à forme cutanée limitée, qui est plutôt marquée par la possibilité d'apparition tardive, après une dizaine d'années, d'une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et d'une malabsorption.
Néanmoins, ces complications au pronostic redoutable ont bénéficié, ces dernières années, de progrès thérapeutiques considérables. L'introduction des inhibiteurs de l'enzyme de conversion a transformé de façon radicale le pronostic de la crise rénale sclérodermique. Les inhibiteurs calciques de la famille des dihydropyridines, qui constituent aujourd'hui le traitement de référence du syndrome de Raynaud de la sclérodermie systémique, améliorent également la perfusion coronaire. Un travail, mené par l'équipe du Pr André Kahan avec Y. Allanore, a montré, sur une grande série de malades, que la nicardipine exerce un effet bénéfique, non seulement sur la fonction ventriculaire gauche, mais aussi sur la fonction ventriculaire droite, laissant espérer une amélioration notable du pronostic cardiaque. Ces molécules pourraient en outre avoir d'autres propriétés, notamment cell d'agir sur le stress oxydatif. Une autre étude, présentée au congrès de la SFR, a en effet mis en évidence qu'au cours de la sclérodermie systémique, prototype de maladie vasculaire spastique avec phénomènes d'ischémie-reperfusion, les anomalies, très nettes, des marqueurs plasmatiques de stress oxydatif s'amendent de façon considérable sous inhibiteur calcique.
Un marqueur biochimique d'HTAP
Par ailleurs, l'HTAP a donné lieu à des recherches importantes. Cette complication vasculaire gravissime (survenant en l'absence de fibrose pulmonaire) a notamment bénéficié de la mise à disposition récente de la prostacycline (Flolan) et du bosentan (Tracleer), antagonistes des récepteurs de l'endothéline, qui pourraient éclairer les connaissances physiopathogéniques et surtout modifier le pronostic de la maladie, en agissant sur l'HTAP mais aussi, peut-être, sur l'atteinte vasculaire périphérique et la sclérodermie elle-même. Quoi qu'il en soit, l'HTAP nécessite un diagnostic précoce, seul garant de l'institution rapide d'un traitement. Jusqu'à présent, celui-ci reposait essentiellement sur l'écho-Doppler cardiaque, effectué au moins une fois par an de façon systématique. Afin d'améliorer les possibilités de détection, l'équipe d'A. Kahan a exploré, sur une grande série de patients, les potentialités diagnostiques d'un marqueur biochimique, le NT-pro-BNP. De fait, celui-ci est apparu doté d'une sensibilité et d'une spécificité excellentes, de l'ordre de 90 %, et très bien corrélé avec les stigmates échographiques d'HTAP, en l'absence d'insuffisance cardiaque. De plus, ses taux diminuent à court et long terme, après administration d'une dihydropyridine, ouvrant de nouvelles perspectives d'évaluation thérapeutique.
D'autres pistes sont également en vue. Les résultats de grandes études randomisées évaluant l'efficacité du cyclophosphamide dans l'inflammation pulmonaire, sont toujours attendus. A. Kahan et coll. ont aussi commencé une étude génétique multicentrique sur une importante cohorte de patients, dont les premiers résultats ne sont pas attendus avant un an.
Pour conclure, la sclérodermie systémique a vu, ces dernières années, son pronostic nettement amélioré par de nombreuses avancées thérapeutiques à visée vasculaire. Cette malade demeure plus que jamais du ressort de l'hyperspécialiste, sous réserve que les malades soient adressés le plus tôt possible dans les services référents, ce qui n'est encore pas toujours le cas, principalement dans les formes cutanées limitées.
D'après un entretien avec le Pr André Kahan.
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