HUBERT SEMIOND se présente comme hydraulicien, plutôt qu'hydrologue ; ce dernier terme revêt une acception davantage scientifique (étude des eaux, marines, lacustres ou fluviales et de leurs propriétés respectives), tandis que l'hydraulicien exerce une activité surtout technique, axée sur la circulation et la distribution de l'eau. A 33 ans, diplômé de l'Ecole nationale supérieure de géologie de Nancy, titulaire d'un DEA en sciences de l'environnement, cet ingénieur a accompli un parcours universitaire de haut niveau, à l'instar de la plupart des humanitaires qui œuvrent sur les problématiques de l'eau.
Recruté au départ par l'IRD (Institut de recherche et développement), il a travaillé tout d'abord sur les changements climatiques en Amérique du Sud (Equateur et Bolivie), étudiant la fonte des glaciers andins et l'influence d'El Niño sur les systèmes d'alimentation en eau de Quito. L'appel des pays du Sud, le goût pour l'assistance au tiers-monde, déjà. Mais c'est au sein d'ACF qu'Hubert Sémiond va pouvoir donner la pleine mesure de sa vocation. Il a été recruté voici quatre ans par cette ONG qui, selon les contextes, fournit une assistance directe aux populations dans les situations d'urgence (garantie à un accès à l'eau potable et à un bon environnement sanitaire), et, dans les contextes plus calmes, met en place des infrastructures pour former les populations à améliorer et à pérenniser leur accès.
Bac +5 au minimum.
En sa qualité de responsable du département « Eau et assainissement », il supervise une équipe de plus de 55 volontaires sur le terrain, et six permanents basés à Paris, à Londresà , New York et à Madrid, techniciens, ingénieurs et docteurs en hydrogéologie, en hydraulique, ou en génie civil. C'est près de 20 % de l'effectif total d'ACF. Ces professionnels sont au minimum des bac +5, recrutés avec au minimum deux ans d'expérience.
Quatre fois par an, Hubert Sémiond se rend sur le terrain. En décembre dernier, il était à Kaboul. « L'Afghanistan représente l'un de nos plus gros projets de santé publique, car, après vingt-cinq ans de guerre et trois années de sécheresse, le pays est exsangue. Non qu'il connaisse un problème alimentaire à proprement parler, car les marchés sont plutôt bien achalandés, mais il est victime d'un schéma de distribution de l'eau très insuffisant. Avec une vingtaine d'expatriés et des équipes de 500 à 600 travailleurs locaux, nous nous efforçons de mettre un terme aux mauvaises pratiques en termes de gestion de l'eau et d'hygiène : programme d'approvisionnement en eau potable des points d'eau communautaires et réhabilitation des réseaux d'assainissement (évacuation des eaux usées et latrines individuelles) dans les quartiers les plus défavorisés de Kaboul, là où résident notamment les populations rapatriées. »
Au total, près de 500 points d'eau, 800 latrines, 54 bennes à ordures ménagères et près de 30 km d'évacuation des eaux usées ont été construits ou réhabilités par l'association.
A ces programmes d'équipement en infrastructures s'adjoignent des campagnes de sensibilisation à l'hygiène, une priorité de santé publique. Les équipes d'ACF ont identifié l'eau comme source de malnutrition : les infirmières nutritionnistes ont établi une corrélation entre la recrudescence des cas de diarrhées et l'augmentation du nombre des enfants touchés par la malnutrition, en particulier pendant la saison chaude : les températures très élevées favorisent alors le développement bactérien alors que l'eau se fait plus rare ; d'où une multiplication des cas de diarrhée.
Avec le retour des talibans, Action contre la faim s'est vu contrainte à réduire ses programmes en Afghanistan. C'est le Soudan qui est devenu le premier pays d'intervention de l'association. « Je m'y rends à la fin du mois, annonce Hubert Sémiond, pour superviser un important projet de forage dans un camp du Sud-Darfour et plusieurs autres forages. Dans cette région du pays, nous sommes dans une situation dite de post-urgence, où 80 % des problèmes de santé sont liés à l'eau. Les décisions d'implantation des forages sont toujours délicates à prendre, car il faut s'interroger sur la pertinence d'installer un puits pour des populations déplacées qui risquent alors de se fixer sur place. L'installation des latrines reste cependant prioritaire, alors que les diarrhées sanglantes constituent la cause numéro 1 de mortalité. »
Sur tous les fronts de l'eau.
Cette question de l'hygiène défaillante se retrouve sur tous les « fronts de l'eau » : lors des catastrophes naturelles comme les inondations, à la suite des épisodes de sécheresse, à l'occasion des guerres et des conflits où les populations civiles se réfugient dans des camps, ainsi qu'après l'urgence, lorsque, à la sortie d'une crise majeure, un pays se retrouve avec des infrastructures détruites ou à l'abandon et des systèmes administratifs anéantis. « Toutes les études d'impact réalisées depuis les années 1980 concordent, insiste le responsable d'ACF, pour faire de la promotion de l'hygiène la priorité des priorités, avec, dans l'ordre des nécessités, le lavage des mains, l'accès aux latrines et, en numéro trois seulement, la qualité de l'eau en bout de chaîne. Finalement, on se rend compte que plutôt que d'essayer de distribuer une eau bien chlorée, il est préférable de se battre sur le terrain de la transmission oro-fécale. »
Le combat des hydrauliciens est « plutôt gratifiant », reconnaît Hubert Sémiond : « Beaucoup d'humanitaires nous envient : nous arrivons avec nos énormes machines, nous travaillons et, quand nous repartons, il y a de l'eau. Nos chantiers ont même quelque chose de fabuleux. C'est particulièrement visible à la fin des forages, quand nous pompons d'importantes quantités d'eau pour assainir le site. Les populations qui connaissent ces procédures accourent alors pour venir faire boire des centaines de têtes de bétail. On mesure alors immédiatement l'efficacité de l'action accomplie. Mais il ne faut pas se laisser bluffer par l'apparente réussite. C'est dans la pérennité et non dans l'instant que s'apprécie la réussite de nos chantiers. »
L'eau, la vie, la mort
1,1 milliard de personnes dans le monde n'ont pas accès à une eau de boisson de qualité et 2,4 milliards sont privées des services d'assainissement de base.
Quinze mille personnes par jour meurent de maladies transmises par l'eau, un nombre dix fois supérieur à celui des victimes de guerres.
Chaque année dans le monde, ce sont 2,2 millions de personnes qui meurent de diarrhées liées à des conditions insatisfaisantes d'approvisionnement en eau, ou à une hygiène défaillante.
Sources OMS et FAO.
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