Pressions américaines plus fermes au lendemain des attentats ou calcul politique ? Peu importent les raisons. Le fait est que soudain, mardi dernier, Yasser Arafat a annoncé son intention de participer à une coalition antiterroriste, qu'il a décrété une trêve dans l'intifada et qu'Ariel Sharon, saisissant la balle au bond, a déclaré qu'il prenait M. Arafat au sérieux, a retiré ses troupes des territoires sous contrôle palestinien et qu'une entrevue entre Shimon Pérès et M. Arafat est de nouveau prévue.
Qu'est-ce qu'il faut en penser ? D'abord qu'on a trop besoin d'un peu de calme, en attendant la paix, dans ce coin du monde. Qu'une nouvelle positive après un deuil presque mondial ne fait pas de mal. Et que la seule bonne attitude consiste à faire comme si la trêve préparait la paix.
Prévisibles
Bien sûr, personne n'exprimera un optimisme prématuré. Déjà, le Djihad et le Hamas annoncent qu'ils ne sont pas engagés par la décision de M. Arafat. Ils sont tellement prévisibles que c'en est consternant. Au moins, avec M. Arafat, on a droit à un coup de théâtre de temps en temps : de son don de sang aux victimes à sa coalition antiterroriste, il sait mettre une pincée d'humour dans une tragédie.
Il ne voulait pas, par ailleurs, commettre la faute de 1990 : il avait soutenu Saddam Hussein contre tous les autres pays arabes, ce qui lui a valu une méchante colère de ses principaux amis et l'expulsion du Koweit, en 1991, de 400 000 Palestiniens pour lesquels il n'a pas exigé, curieusement, le droit du retour. Il aura néanmoins beaucoup de mal à maintenir le calme, d'autant que les chefs du Fatah, son propre mouvement, ne parient pas un kopeck sur la durée de la trêve.
On est loin de la paix
Le changement de tactique de M. Sharon est moins facile à comprendre. Il venait de tirer parti des attentats de New York et de Washington en interdisant à Shimon Peres de rencontrer Arafat. Les troupes israéliennes s'étaient emparées de deux villes palestiniennes censées abriter de nombreux kamikazes. Mais le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a pris le temps, malgré la crise, d'exercer des pressions sur lui. M. Arafat lui a entrouvert une porte, il s'y est engouffré.
On est loin de la paix. La crise qui a servi de déclic au Proche-Orient peut encore provoquer une rechute. Le climat général reste très antiaméricain, la condamnation de la violence ne fait pas vraiment partie de la culture populaire dans un certain nombre de pays arabes, et surtout chez les Palestiniens ; des représailles américaines risquent de remettre à zéro le compteur de la paix.
Mais il n'est pas impossible que M. Arafat, après un an d'intifada, estime qu'il a largement fait la preuve, aux yeux des Palestiniens, de sa capacité à résister. Et qu'il présente la longue épreuve à laquelle il les a soumis comme l'antichambre d'une négociation dont il décrira les résultats comme meilleurs que ceux de Taba, même si en réalité ils ne peuvent être, au mieux, qu'identiques.
Il n'est pas non plus impossible que, de son côté, M. Sharon ait compris que le recours à la force est sans issue : d'une part, les Américains ne le laisseront pas livrer une guerre à outrance et, d'autre part, il n'a pas été en mesure de donner aux Israéliens la sécurité qu'il leur avait promise pendant sa campagne électorale. Tout se passe comme si ni Arafat ni Sharon ne voulaient courir le risque de rater le coche, c'est-à-dire l'occasion politique offerte par les attentats aux Etats-Unis. Ni l'un ni l'autre n'ignoraient l'impasse à laquelle l'intifada a conduit. Mieux : M. Sharon, s'il n'est pas fou, ne peut pas croire aujourd'hui qu'il y ait un avenir pour les colonies, que des Israéliens puissent vivre isolés à Gaza, que la présence des colons en Cisjordanie soit légitime. La question ne porte plus sur les arguments historiques et bibliques invoqués par nombre d'Israéliens qui trouvent dans chaque parcelle des territoires les vestiges d'une présence juive. Elle ne peut pas porter davantage sur les arguments démographiques et géographiques invoqués par les Palestiniens qui réclament leur espace vital. La seule question porte sur la notion de partage. Nous savons tous où est Israël, où est la Palestine. Les Israéliens peuvent toujours dire que Hébron est une ville juive, les Palestiniens peuvent toujours dire qu'ils ont déjà perdu le territoire où est installé Israël, et qu'ils ne peuvent pas donner un centimètre carré de plus : il faut bien, après tant de morts, que les vivants habitent quelque part.
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