Le très médiatisé procès Hazout et la mise en cause du CNOM jettent l’opprobre sur la profession. Le précepte Trust me I’m a doctor n’a jamais autant été mis en question. « Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences ». Ceci est un extrait du serment d’Hippocrate, disponible sur le site du conseil de l’Ordre des Médecins. Serait-il bafoué par ce dernier, et même par notre profession ?
Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), fait part de son expérience. Selon ses dires, ce cas est loin d’être le premier : « Les violences perpétrées par les médecins, c’est notre quotidien », constate-t-elle.
Impunités
Tous les ans, les chiffres saisis par l’association s’accordent sur la même observation : le secteur médico-social arrive en tête des lieux les plus exposés aux violences sexuelles. Avec 17 % des saisines de l’association. « Ces données sont confirmées par les sondages », poursuit la juriste. Une enquête, réalisée en Seine-Saint-Denis, sur les violences faites aux femmes au travail (2009), faisait état d’attouchements sexuels : 8,1 % des femmes travaillant dans le secteur médico-social disaient se faire « peloter », toucher les seins, les fesses ou les cuisses sur leur lieu de travail.
Les médecins ne sont pas tenus pour seuls responsables de ces violences. Loin de là, précise Marilyn Baldeck : « C’est aussi dans cette profession qu’on trouve les personnes les plus engagées ». Mais l’omerta qui règne dans le monde médical relève selon elle de l’inacceptable.
Les médecins jouiraient d’une impunité qui n’a pas d’égale dans d’autres professions. En guise d’exemple, la déléguée générale de l’AVFT évoque une affaire dirigée contre un rhumatologue. Condamné pour viols, et jamais licencié de son hôpital, il décède peut après sa 4e plainte. Le lendemain du décès, le Conseil de l’Ordre lui rendait hommage sur une pleine page du quotidien Sud Ouest.
Confraternité
Rapporté à la population médicale française, ce genre de situations reste exceptionnel. Mais vu du côté de l’AVFT, l’affaire est « courante » précise la déléguée générale de l’association. Selon elle, le silence du CNOM dans ce genre d’affaires « porte atteinte à l’image de la profession ». D’où vient cette spécificité médicale ?
Pour Marilyn Baldeck, « elle est liée à l’autorité toute particulière du médecin ». Il a le pouvoir de guérir, de soigner, de donner un enfant… et des médicaments. Certains useraient même de la prescription de psychotropes pour fragiliser les capacités de défense de leur patiente, raconte la déléguée générale de l’AVFT.
Le huis clos et la position régressive du patient sont autant d’aspects à même de fragiliser les moyens de défense de la victime. Qui peut par la suite avoir quelques difficultés à trouver un professionnel pour la soutenir. Marilyn Baldeck raconte : « Une victime agressée par un médecin a dû faire face à trois refus de confrères à rédiger un certificat médical. C’est finalement une jeune médecin nouvellement installée dans le quartier qui a accepté de jouer son rôle. »
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