L E procès de l'OTS, commencé le 17 avril et qui s'achèvera lundi prochain, devant le tribunal correctionnel de Grenoble (Isère), avec pour seul prévenu soupçonné de « participation à une association de malfaiteurs » Michel Tabachnik, met au grand jour le rôle que des médecins n'hésitent pas à jouer en mêlant leurs fonctions de thérapeute à des agissements sectaires.
Le cas du Dr Luc Jouret, homéopathe, gourou de la secte, en témoigne. Entre 1994 et 1997, 74 adeptes de l'ordre du Temple solaire ont été retrouvés morts, au Canada, en France et en Suisse. Dans ce dernier pays, Jouret lui-même, avec 24 autres personnes, tous ayant avalé des mélanges médicamenteux et 20 ayant reçu des balles d'arme à feu, se sont immolés à Cheiry, le 5 octobre 1994. Certains avec des sacs sur la tête, d'autres les mains liées.
Christian Le Gall, 54 ans, médecin homéopathe à Avignon, dans le Vaucluse, grand ami de Luc Jouret, entendu comme témoin, expliquera à la cour, « d'une voix pleurnicharde », rapporte le chroniqueur de l'Agence France Presse, qu'il avait participé, personnellement, à une première « cérémonie » de l'OTS en 1991.
En 1994, il deviendra « cape dorée » de la secte, acceptant d'entrer dans « l'école des mystères », sorte d'université des cadres du mouvement, et de prendre part à des manifestations cultuelles au nom évocateur, « la pleine lune », «l'équinoxe », ou encore « le rite de Melchisédech ». C'est à son domicile qu'ont été organisées deux conférences du franco-suisse Michel Tabachnik, considéré comme un personnage central de l'OTS, à l'origine d'une « dynamique homicide » les 9 juillet et 24 septembre 1994, avant les tueries-suicides de 1994 à Cheiry et Salvan (48 morts), en Suisse. Christian Le Gall a été, en outre, le médecin traitant de 11 des 16 victimes de la secte, le 23 décembre 1995, à Saint-Pierre-de-Cherennes (Isère), dans le Vercors.
Sur le dossier médical d'une petite fille tuée dans la forêt, il a écrit, dans les jours précédant le sacrifice la mention « Pas de passage », comme s'il entendait s'opposer au « transit vers Sirius », en fait le passage dans l'au-delà. « Cette mention, affirmera-t-il devant le tribunal, je ne peux pas la commenter, je ne m'en souviens pas. » Quant aux écrits de Michel Tabachnik, 58 ans, jugés incompréhensibles, ils ne pouvaient être en aucun cas, pour le médecin avignonnais, une incitation au meurtre et au suicide.
Le procès de l'OTS, qui se tient dans des bâtiments ayant abrité l'ancien musée de peinture de Grenoble, car le siège du tribunal correctionnel ne peut accueillir les familles, les témoins et les journalistes, a pour tâche, certes, de juger un homme. Mais, dans le même temps, les débats qui se déroulent dans la salle d'audience improvisée prennent une tournure pédagogique. Ils montrent au grand public, avec la présence, notamment, de l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu, partie civile, comment des personnes arrivent à manipuler des êtres fragiles jusqu'à les entraîner dans la mort.
On sait que la profession de psychothérapeute pourrait être réglementée par voie législative. Le Sénat, pour sa part, doit examiner en deuxième lecture, le 3 mai, la proposition de loi, dite « About-Picard », relative au renforcement du dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements sectaires. Le texte prévoit de donner à la justice le pouvoir de dissoudre les sectes ayant fait l'objet de condamnations pénales, et d'instituer un délit « d'abus frauduleux d'un état de sujétion psychologique ou physique ».
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