L'histoire à rebondissements du secteur privé à l'hôpital devrait enregistrer bientôt une énième pirouette. Les députés viennent en effet de signer en première lecture, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2003 (« le Quotidien » d'hier), l'arrêt de mort du strict encadrement de l'activité libérale qu'ont certains hospitaliers à l'intérieur de leur établissement.
C'est en juillet 1999, par le biais d'un texte paru au sein de la loi créant la couverture maladie universelle (CMU), que ce durcissement des règles de l'exercice libéral à l'hôpital est intervenu. A compter de cette date, les médecins ont cessé d'être payés directement par leurs patients. L'encaissement par l'administration hospitalière des honoraires perçus par les praticiens au titre de leur secteur privé est la règle exclusive. Quelque 4 500 médecins étaient concernés par ces mesures. Deux cent dix millions d'euros d'honoraires annuels étaient en jeu.
Il y a trois ans, les pouvoirs publics revêtaient cette miniréforme des habits de la « transparence » et de la « lutte contre les abus » (la Cour des comptes venait d'épingler certaines pratiques). Pour les médecins, qui répétaient que les outils de la régulation existaient déjà, ce n'était ni plus ni moins qu' « une loi inepte », selon les mots employés à l'époque dans nos colonnes par le Pr Bernard Debré. Alors qu'au même moment le corps médical se battait en ville contre les sanctions en cas de dérive de ses dépenses, les hospitaliers voyaient dans le nouvel encadrement de leur activité libérale un signe de « défiance ». Alors que l'hôpital avait de plus en plus de mal à trouver des bras pour faire tourner ses équipes, ils voyaient dans le nouvel encadrement du secteur privé la disparition d'une des dernières « carottes » permettant d'attirer les jeunes praticiens dans les services.
Un débat politisé
Le Syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital (SNDELMH) menait le combat, ainsi que le Syndicat des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM) et que la Confédération des hôpitaux généraux (CHG). Au fil des mois, le débat s'était politisé : le RPR était monté au créneau au printemps 2001, alors que venait de sortir le décret d'application de la réforme, pour accuser le gouvernement Jospin de mettre en uvre « un modèle de politique de santé étatique, démotivant pour des professionnels constamment suspects ».
Sur le fond, même avec le premier pas que viennent de franchir les députés vers l'abrogation pure et simple de la loi de 1999 - et donc vers un retour aux pratiques précédentes (choix du praticien entre l'encaissement direct ou le passage par la caisse de son hôpital) -, la question de savoir si le secteur libéral est ou n'est pas une bonne chose n'est pas tranchée. Prenant acte de la décision de l'Assemblée, le Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH), par exemple, rappelle qu'il a « toujours privilégié une amélioration du statut et de la rémunération des praticiens hospitaliers plutôt qu'une activité privée à l'hôpital qui ne bénéficie qu'à quelques spécialités avec le risque d'une prise en charge variable des malades selon les revenus ».
Sur la forme en revanche, la leçon est tirée de l'impossible mise en uvre de la réforme de 1999. « L'idée de faire passer tous les patients par la caisse des hôpitaux s'est heurtée à des problèmes techniques sérieux, notamment dans les grands établissements, et la mesure est restée largement inappliquée », admet le président de la Conférence nationale des directeurs de centre hospitalier (CNDCH), Alexis Dussol. « Il fallait modifier ce texte, qui a entraîné des contraintes énormes. C'était une évidence », renchérit-on au SNAM, tandis que le Dr Pierre Faraggi, président de la CHG, se félicite de la prochaine disparition d'une mesure « vexatoire, gênante par rapport à certains patients et administrativement complètement inadéquate » (les horaires d'ouverture des caisses sont souvent incompatibles avec les créneaux choisis par les médecins pour leur activité libérale).
Le secteur privé à l'hôpital rebondit souvent mais retombe toujours sur ses pattes. Ses trente années d'existence le prouvent : instaurée en 1970, cette pratique a été remise en cause en 1982, avec une disparition programmée pour 1986 ; en 1987, elle est rétablie, vit douze ans de tranquillité jusqu'à la menace de 1999... Aujourd'hui, les professionnels voudraient bien que la roue s'arrête de tourner. Ainsi, le SNCH demande aux parlementaires de « s'accorder, une fois pour toute, sur les conditions de l'exercice de l'activité libérale dans les hôpitaux publics ». Le SNCH et la CNDCH partagent un souhait : que le nouvel avatar du secteur privé ne devienne pas « un enjeu idéologique ».
Plus du quart des médecins hospitaliers concernés
Selon les chiffres de l'assurance-maladie, plus du quart des médecins hospitaliers à temps plein, soit autour de 4 500 praticiens, ont un secteur privé à l'hôpital et leur proportion, au sein du corps médical hospitalier, est en augmentation constante. L'offre de soins libéraux à l'intérieur des hôpitaux est très inégalement répartie sur le territoire (les médecins ayant un secteur privé sont très nombreux dans le Haut-Rhin mais rares en Seine-Saint-Denis). Elle varie aussi énormément avec les spécialités : la chirurgie est championne (plus de 850 chirurgiens hospitaliers ont un secteur privé), suivie par la psychiatrie (plus de 750 médecins), la gynécologie-obstétrique (550), la radiologie (400)... Les honoraires que représente cette activité pour les médecins peuvent être très importants : ils constituent respectivement la moitié et les deux tiers du revenu total des chirurgiens et des cardiologues hospitaliers concernés.
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