La biologie moléculaire apparaît comme une des sciences les plus prometteuses de ces prochaines décennies. Après l'identification des gènes récompensée par le Nobel de médecine (« le Quotidien » du 7 octobre), l'Académie royale des sciences de Suède a choisi de récompenser des « méthodes d'identification et d'analyse structurale de macromolécules biologiques ».
Le prix Nobel de chimie a en effet été attribué à John B. Fenn (85 ans, Etats-Unis), Koichi Tanaka (43 ans, Japon) et Kurt Wuetrich (64 ans, Suisse). Les deux premiers ont participé au développement de méthodes de désorption-ionisation douces qui favorisent l'analyse par spectrométrie de masse des macromolécules. Le troisième a développé la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire pour l'identification de la structure tridimensionnelle de ces macromolécules en solution.
En favorisant l'analyse détaillée de molécules comme les protéines, ces méthodes innovantes donnent accès à la compréhension des processus vitaux. La première permet aux chercheurs d'identifier, de manière rapide et simple, les différentes protéines d'un échantillon. Grâce à la seconde, ils peuvent désormais produire des images tridimensionnelles réalistes qui permettent de mieux comprendre le fonctionnement de ces protéines au sein même de la cellule.
La spectrométrie de masse est un procédé déjà utilisé par la plupart des laboratoires de chimie. Les recherches de John B. Fenn et Koichi Tanaka permettent d'étendre son application aux molécules de taille élevée. Auparavant, seules les molécules de petite taille pouvaient être identifiées. En 1988, J. B. Fenn publie sa méthode, l'ionisation électrospray (Electro-Spray Ionization). Une solution de protéines est soumise à un champ électrique qui provoque la formation de gouttelettes chargées dont la taille diminue au fur et à mesure de l'évaporation de l'eau. Au bout du processus, il ne reste que des ions de protéines en sustentation libre. Ces derniers sont ensuite placés dans des analyseurs qui mesurent leur temps de vol sur une distance donnée, afin de déterminer leur masse.
Dans le même temps, au Japon, Tanaka met au point une autre technique permettant également d'obtenir des protéines en sustentation libre, la désorption laser douce (Soft Laser Desorption). Un faisceau laser provoque la désagrégation de l'échantillon, ce qui libère les molécules.
La détermination de la masse moléculaire est l'information essentielle qui permet d'identifier les différentes protéines.
Etude des protéines en solution
La résonance magnétique nucléaire (RMN) apporte, elle, des renseignements sur la structure tridimensionnelle et la mobilité des molécules. Les travaux de Kurt Wuetrich au début des années 1980 ont permis de l'utiliser pour les protéines. Il a élaboré une méthode générale qui permet de repérer systématiquement certains points fixes au niveau de la molécule de protéine ; et il a mis au point un principe pour évaluer la distance entre eux. La structure tridimensionnelle peut être ainsi calculée. La technique présente l'avantage de permettre l'étude des protéines en solution, et donc dans un milieu proche de l'environnement cellulaire. Grâce au procédé, Kurt Wuetrich a pu dévoiler la structure du prion, facteur de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et de ses variantes animales (maladie de la vache folle et tremblante du mouton).
Les applications pharmacologiques et médicales de ces découvertes sont importantes. Les laboratoires peuvent ainsi analyser des centaines d'échantillons par jour, ce qui aide au développement de nouveaux médicaments (screening). D'autre part, dans le domaine du diagnostic, la détermination du profil protéique permet le diagnostic précoce de certains cancers. D'autres domaines, comme celui du contrôle alimentaire, devraient également en bénéficier.
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